Les récentes ententes sur la dette grecque n’ont rien changé aux problèmes structurels qui minent l’euro et l’Europe depuis la crise financière de 2008. En fait, plusieurs économistes anticipaient ces difficultés avant même l’adoption de l’euro, sachant très bien qu’une union monétaire (c’est-à-dire un ensemble d’États qui utilisent une devise commune) sans union politique aurait, théoriquement, de la difficulté à résister aux grandes crises économiques, en particulier à celles causées par des crises financières. Et l’impact d’une telle crise est exacerbé lorsque les économies formant une union monétaire sont très différentes en termes de structure industrielle et de productivité et d’endettement, comme c’est le cas pour les pays de la zone euro actuellement.
Fondamentalement, et ceci a été dit et écrit à maintes reprises, une fois convertie à l’euro, une économie renonce aux dépréciations de sa devise comme instrument de relance économique. Cette contrainte économique n’est qu’un des facteurs expliquant la crise actuelle en Europe. Pour bien comprendre les difficultés de la zone euro, prenons le cas d’une union monétaire d’économies hétérogènes comme en Europe qui soit aussi une union politique et qui fonctionne, les États-Unis d’Amérique.
D’abord, tous les dépôts bancaires dans des banques américaines sont assurés par le régime fédéral, ce qui est nécessairement plus rassurant pour la population que l’assurance d’un gouvernement national, comme en Grèce actuellement. Aussi, aux États-Unis, toute faillite bancaire est immédiatement prise en charge par le gouvernement fédéral à l’aide des institutions appropriées. Une fois de plus, en Europe, la responsabilité incombe à chaque État séparément.
Durant la dernière crise, qui n’est d’ailleurs pas encore tout à fait terminée, les États manufacturiers tels le Michigan et l’Ohio, les États d’ores et déjà fragiles comme le Mississippi ou la Louisiane, et les États particulièrement touchés par les dérives hypothécaires comme l’Arizona ou la Floride, ont tous bénéficié largement de la structure fédérale américaine. On a vu le président, appuyé par le Congrès, prendre sur-le-champ les moyens pour rescaper l’industrie automobile. Les pouvoirs de la Banque centrale américaine ont aussi été mis à profit afin de racheter les actifs toxiques qui minaient le système financier. Ce n’est que récemment que la Banque centrale européenne a fait de même en Europe. Mais de manière plus importante, il existe aux États-Unis des mécanismes de transferts fédéraux qui favorisent les plus démunis, soit des transferts directs aux familles (par exemple, l’Earned Income Tax Credit, le Head Start, ou les Food Stamps, ainsi que l’assurance-emploi) et des transferts pour certains secteurs spécifiques comme l’éducation. Ainsi, les États plus riches contribuent automatiquement en cas de crise à la stabilisation de la consommation des ménages dans les États les plus pauvres.
Finalement, la main-d’oeuvre aux États-Unis est très mobile, permettant à un travailleur de migrer aisément d’un État à un autre, si les offres d’emploi dans son champ d’expertise s’y trouvent plus nombreuses. Tous ces mécanismes de stabilisation automatique s’appliquent aussi dans un État fédéré comme le Canada, mais non en Europe. Le travailleur grec ou portugais ne peut s’inviter librement en Allemagne ou en France pour y chercher de l’emploi.
Il est très difficile d’entrevoir à court terme comment on pourra, en Europe, converger politiquement vers un modèle fédéré octroyant des pouvoirs importants à un gouvernement central, surtout lorsque l’on contemple, d’une part, l’idée d’un référendum au Royaume-Uni sur l’appartenance à l’Union européenne et qu’on tient compte, d’autre part, des courants anti-européens dans plusieurs pays. Il faut donc conclure que les problèmes déjà très sérieux de l’euro vont persister et s’amplifier lors d’une prochaine récession, surtout si celle-ci s’avérait aussi profonde que la dernière.
ENTENTE SUR LA GRÈCE
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