En deux jours, coup sur coup, Québec vient de rappeler son existence à Ottawa, ce gouvernement qui « nous a oubliés », comme disait en 2012 Yvon Vallières, alors ministre libéral des Affaires intergouvernementales canadiennes. Qu’il s’agisse de nominations à la Cour suprême ou du contrôle des armes à feu, cela s’imposait. De là à croire que le Québec va en tirer quelque chose, un ange (souverainiste) passe…
Lundi, la ministre québécoise de la Justice, Stéphanie Vallée, a demandé à la Cour d’appel du Québec de se pencher sur les nominations en son sein de juges issus d’une cour fédérale. Est-ce valide ? Est-ce qu’on garantit ainsi « l’expertise en droit civil, les traditions juridiques et les valeurs sociales du Québec » ?
La démarche est délicate puisque les juges de la Cour d’appel se trouveront ainsi à se prononcer sur l’arrivée parmi eux, depuis le 1er juillet, de Robert Mainville, juge de la Cour d’appel fédérale déplacé par le gouvernement conservateur. Mais le Québec doit bien, de temps en temps, occuper son rayon d’action et ne pas laisser faire tout le boulot par les autres !
Le fond de l’affaire revient à la nomination des juges du Québec à la Cour suprême. Le processus est complètement vicié par les velléités de contrôle du premier ministre Stephen Harper, qui profite du fait que la manière de nommer les juges au fédéral tient toujours au bon vouloir du Prince, sauf pour les quelques règles que prévoit la Constitution.
Mais même pour faire respecter celle-ci, le Québec est devenu tellement englué face à Ottawa qu’il a fallu un avocat de Toronto, Rocco Galati, pour contester l’automne dernier la nomination de Marc Nadon à la plus haute cour du pays. Me Galati arguait qu’un juge d’une cour fédérale comme M. Nadon ne pouvait occuper l’un des sièges du Québec. Appelée à se prononcer, la Cour suprême a statué que de fait, c’est inconstitutionnel.
C’est encore Me Galati qui a repris le bâton de la contestation devant la nomination du juge Mainville, cousue de fil blanc. Non, M. Harper n’a pas plié l’échine devant la rebuffade de la Cour suprême, il a juste manoeuvré autrement.
D’un, il a finalement envoyé à la Cour suprême un juge québécois, Clément Gascon, qui avait l’aval du gouvernement du Québec si l’on en croit la réaction réjouie de la ministre Vallée lors de l’annonce en juin, soulignant la « collaboration » avec le fédéral. Mais il n’y a pas eu de collaboration à Ottawa, le gouvernement ayant snobé le comité parlementaire qui, normalement, délibère sur les candidatures à la Cour suprême. De deux, il a rattrapé le Québec dans le tournant : suffit d’envoyer un juge québécois d’une cour fédérale quelque temps à la cour d’appel pour le rendre admissible au siège du Québec qui se libérera dans les prochains mois à la Cour suprême !
Le tour de passe-passe est si gros que le gouvernement de Philippe Couillard ne pouvait pas fermer les yeux. Tout comme il lui fallait réagir aux incursions conservatrices dans le contrôle des armes à feu. Dans leur lettre envoyée mardi au ministre fédéral Steven Blaney, à ce sujet, les ministres Lise Thériault et Jean-Marc Fournier ne mâchent pas leurs mots : « inquiet, sans raison, décevant, inacceptable, sans consultation… »
Dans un cas comme dans l’autre, M. Harper s’en moquera, mais on sauve ainsi la face. C’est bien la seule dignité qu’il reste au Québec dans cette fédération dont il n’est plus qu’un pion.
LE QUÉBEC FACE À OTTAWA
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