Avortement: le Collège du côté des cliniques

La bataille contre la loi 34 n'est pas terminée, dit le Dr Claude Paquin

Avortement (C-484; Q-34)

Amélie Daoust-Boisvert - Le Collège des médecins se range du côté des cliniques privées dans l'épineux dossier des avortements. «Les critères appliqués [pour l'obtention du permis de centre médical spécialisé, CMS] dépassent largement les niveaux de soins requis», affirme-t-il dans un communiqué diffusé en fin de journée hier. L'organisme accuse également le ministère de la Santé d'Yves Bolduc de «compromettre l'accessibilité à ces interventions médicales requises pour des raisons apparemment nobles de sécurité du public».
Le p.-d.g. du Collège des médecins, le Dr Yves Lamontagne, soumettra «dans les meilleurs délais» des normes «acceptables» au ministre de la Santé, Yves Bolduc.
Des recommandations que ce dernier s'engageait hier à respecter, alors qu'en fin de semaine il disait qu'il n'assouplirait pas les nouvelles normes de la loi 34. Les cliniques doivent par exemple s'équiper d'une salle d'opération.
En effet, dans une entrevue accordée quelques minutes avant la sortie du Collège des médecins, l'attachée de presse du ministre, Marie-Ève Bédard, a assuré que «le ministère va se soumettre à l'avis du Collège». «Ce n'est pas le ministère qui décide, mais eux», a-t-elle ajouté. Elle affirme que les normes, décriées comme «excessives et inutiles» depuis une semaine tant par les médecins, les associations de femmes et les partis de l'opposition, émanaient du Collège des médecins.
«C'est impossible», a tranché le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, Gaétan Barrette, en entrevue avec Le Devoir. «Je suis parfaitement convaincu que [le Collège] n'a pas fait ces recommandations. Le ministre ment, il induit la population en erreur, il se masque derrière le Collège», a-t-il ajouté, visiblement hors de lui. Il affirme avoir été consulté au moment d'édicter les règles d'obtention du permis de CMS. Selon lui, à aucun moment, le Collège n'a souhaité dépasser les normes, déjà sévères, proposées par sa fédération.
Le Collège des médecins lui-même précise dans son communiqué que «ce n'est pas à sa demande que l'interruption volontaire de grossesse figure sur la liste des services pouvant être dispensés dans un centre médical spécialisé» et que «les règles appliquées dans ces centres depuis plusieurs décennies n'ont jamais démontré jusqu'à maintenant des problèmes majeurs de qualité». «Ça vient confirmer que ce n'est pas le Collège, c'est le ministère qui les a émises», a ajouté la Dre Francine Léger, de la clinique Morgentaler, à RDI.
Le Dr Claude Paquin, de la clinique Fémina, semblait soulagé de l'appui du Collège des médecins. «C'est fantastique, a-t-il réagi à chaud, mais la bataille n'est pas finie tant qu'on continue à nous imposer une structure aussi lourde que celle des CMS.» Il faudra voir quelles recommandations le Collège des médecins fera au ministère avant de crier victoire, ajoute-t-il. Sa collègue Francine Léger abonde dans le même sens: «On s'en réjouit, on attend la réponse du Collège et on pense qu'on va revenir aux normes qu'on respectait.»
Mille places à trouver
Reste que la Clinique de l'Alternative demeurera probablement sur sa décision de cesser de pratiquer des avortements, même si on assouplit les normes dans les prochaines semaines. En entrevue avec Le Devoir, sa directrice Micheline Dupuis avait précisé qu'elle ne comptait pas changer d'idée.
Il faudra donc rediriger au moins 1000 femmes par an vers d'autres établissements. L'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal a annoncé hier matin, avant la sortie du Collège des médecins, son plan pour garantir l'accessibilité des IVG sur l'île. Il redistribue les cas de la Clinique de l'Alternative, mais également ceux des cliniques Fémina et Morgentaler.
Le p.-d.g. de l'agence, le Dr David Lévine, dévoilait dans un même élan que la clinique L'Envolée, qui pratique moins de 300 avortements par an, avait obtenu «sans condition» son permis de CMS. Il prévoit donc y rediriger une partie des femmes et répartir les autres patientes dans les CLSC, les hôpitaux et le Centre de santé des femmes de Montréal. En entrevue avec Le Devoir, la Dre Léger ne cachait pas sa surprise que L'Envolée ait obtenu son permis de CMS, puisque, selon elle, leurs «installations sont semblables [aux leurs] et répondent aux mêmes hauts standards». Il a été impossible de parler à une des quatre médecins propriétaires de cette dernière clinique, qui sont en vacances.
Les listes d'attente risquent donc de s'allonger même si les cliniques Morgentaler et Fémina obtiennent leur permis de CMS. Une situation que David Levine nie. «Il n'y a personne sur une liste d'attente, nous garantissons l'accès en deux semaines, et il n'y aura pas de liste d'attente à l'avenir», a-t-il dit lors du point de presse.
Les Drs Léger et Paquin, ainsi que la Clinique de l'Alternative, affirment que le délai peut atteindre trois, voire quatre semaines dans certaines périodes et qu'il risque de s'allonger avec la fin des IVG à l'Alternative. «La fin des IVG à la Clinique de l'Alternative, c'est un drame pour les femmes de Montréal», se désole le Dr Barrette, qui avait averti au printemps que la loi 34 mettait en péril l'accessibilité aux cliniques d'avortement. «Les hôpitaux sont déjà à pleine capacité, si 1000 femmes se déplacent vers les hôpitaux, c'est 1000 autres personnes que ça déplace, comme les dominos.» Si leurs quotas sont élargis, les cliniques privées sont prêtes à accueillir ces patientes.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->