Le journal La Presse du 8 octobre reproduisait une conférence sur le fédéralisme prononcé par Bill Clinton il y a dix ans. Le message sous-jacent à cette parution, renouvelée dix ans plus tard, se devine aisément: ce que Bill Clinton nous a dit est aussi valable aujourd'hui. Or que dit Bill Clinton? D'abord que dans l'Union européenne, les pays demeurent de loin "plus importants que l'Etat fédéral".
Mais dans le reste de sa conférence, Bill Clinton ne s'arrête pas à cette différence. Il glisse rapidement jusqu'à mettre rapidement U.S.A., Canada et Union européenne sur le même pied. La différence c'est que les pays européens n'ont pas été régulés par une plus grande entité dès l'origine. Ils auraient dû selon Clinton. Cela leur aurait épargné des guerres, soutient-il.
Bill Clinton ajoute que l'Etat fédéral, super entité régulatrice, est le modèle ultime de respect des spécificités: ... le Canada et les Etats-Unis sont parmi les pays les plus chanceux du monde parce que nous bénéficions d'une grande diversité de notre population, laquelle est parfois concentrée comme les Inuit du grand Nord, parfois largement dispersée dans un même secteur, comme l'est Vancouver."
On ne peut, devant cette tirade de Bill Clinton, que se rappeler ce qu'écrivait [Claude Morin dans la dérive d'Ottawa->23705] pour définir le point des stratèges fédéralistes: "... des stratèges fédéralistes affirmeront que contrairement à ce que se figurent les Québécois, il n'existe pas vraiment de Canada anglais puisque la population du reste du pays n'est pas non plus homogène. répartie qu'elle est à travers neuf provinces et deux territoires et, conséquence du multiculturalisme, formée de citoyens d'origines ethniques et nationales variées. Le Canada serait donc un conglomérat de petits peuples, une sorte de tour de Babel qui aurait su s'organiser."
C'est l'unique angle d'approche au Canada où on ne veut pas caractériser la spécificité québécoise et où on ne veut pas laisser les Québécois définir la place de la nation québécoise dans un nouveau modèle d'organisation. Mais Bill Clinton juge que le melting-pot anglo-saxon régenté par un gouvernement central, un "tout" qui domine ses parties, est le fédéralisme avec un grand F, sa version la plus achevée. Il en découvre le doux visage au Canada et aux U.S.A. On voit que le mot fédéralisme désigne aujourd'hui des phénomènes bien différents. Les Etats souverains sont nés d'une réalité bien humaine, le désir de préserver la spécificité culturelle des peuples qui refusaient de se percevoir comme une transition dans un ensemble unificateur.
Ensuite, dans le cas de l'Europe, on a cru bon de créer une gouverne pour tenter de dominer les rapports financiers et commerciaux dans les conditions d'un marché libre et de la propriété privée.
La différence entre l'Europe et les deux Etats fédéraux de l'Amérique du Nord c'est que l'Etat central, dans le cas du Canada et des U.S.A., a tout de suite eu la prétention de représenter un seul peuple. Dès l'origine, les deux fédéralismes nord-américains n'ont pas été conçus avec, comme objectif premier, le respect de la spécificité. Mais Bill Clinton considère le mot fédéralisme comme un Isme qui a vertu en soi, sans égard aux pratiques, aux dominances, aux racines qui président à l'évolution du système.
Bill Clinton, comme bien des idéologues au Canada, utilise le mot "fédéralisme" comme un mot magique, augure de l'amour universel et de la diversité. Il ne peut qu'être sympathique avec le traitement de l'information au Canada où on essaie de faire passer le verrouillage politico-juridique qui prédéfinit la structure interprovinciale comme un modèle avancé de respect des spécificités.
André Savard
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