Le porte-parole péquiste en matière d'affaires intergouvernementales canadiennes, Bernard Drainville, a posé une très bonne question: qui va payer pour la nouvelle loi fédérale C-10 sur la justice criminelle si Ottawa refuse de le faire?
Le «plan» présenté mardi par le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, pour protéger le «modèle québécois», axé depuis 40 ans sur la réhabilitation des jeunes contrevenants, a sans doute ses mérites, mais il a surtout ses limites.
Il laisse entière la question du coût des nouvelles mesures imposées par la majorité conservatrice à la Chambre des communes, que M. Fournier a évalué entre 40 et 80 millions de dollars par année pour le Québec, auxquels s'ajouteraient des dépenses d'immobilisation de 750 millions pour la construction de nouvelles prisons.
On ne peut pas reprocher à M. Fournier d'avoir mal plaidé la cause du Québec, mais il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut rien entendre. Peu importe le dossier, le gouvernement Harper n'en fait qu'à sa tête.
Les lamentations de son collègue responsable des affaires intergouvernementales canadiennes, Yvon Vallières, qui s'est vidé le coeur dans une étonnante entrevue accordée à The Record, traduisent bien la frustration ressentie à Québec.
«On dirait qu'Ottawa nous a oubliés, a expliqué M. Vallières. Au cours des derniers mois, nous avons été incapables de communiquer quoi que ce soit et cela nous inquiète. L'an dernier, nous avions une bonne relation. Maintenant, il n'y a rien d'autre qu'un malaise.» Bref, depuis l'élection du 2 mai dernier, qui a fait la preuve que les conservateurs peuvent se passer du Québec, la ligne est coupée.
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Il est présomptueux de conclure, comme le fait M. Fournier, qu'une récente décision de la Cour supérieure de l'Ontario forcera éventuellement le gouvernement Harper à renoncer au principe des peines minimales. De toute manière, M. Fournier n'en a sans doute plus pour bien longtemps. À voir les sondages, c'est le PQ qui pourrait bientôt hériter du dossier.
Après le refrain habituel sur la violation des «valeurs québécoises» et la faiblesse des libéraux face au bulldozer fédéral, Bernard Drainville s'est mis à patiner quand on lui a demandé ce qu'un gouvernement péquiste aurait fait de différent pour forcer la main d'Ottawa.
Soit, le PQ aurait «pris le taureau par les cornes» et mené une «bonne bataille», mais encore? Quand il était au pouvoir, il n'a même pas été capable de se faire rembourser les dépenses occasionnées par la crise du verglas de 1998.
Tant qu'il semblait voué à un nouveau séjour dans l'opposition, le PQ pouvait s'en tirer avec un coup de gueule, mais on attend davantage d'un gouvernement en attente. Le gouvernement Charest ne dispose peut-être pas d'un rapport de force suffisant pour faire plier M. Harper, mais quel serait au juste celui d'un gouvernement Marois?
En novembre dernier, le PQ avait présenté à l'Assemblée nationale une motion réclamant le transfert au Québec de l'entière juridiction sur la justice criminelle. Ce serait évidemment l'idéal, mais on peut présumer que le gouvernement Harper opposerait une fin de non-recevoir à pareille demande. Alors, que se passerait-il?
C'est d'ailleurs là tout le problème de la «gouvernance souverainiste». Que faire si Ottawa fait la sourde oreille aux réclamations du PQ, dont le programme prévoit le rapatriement d'une impressionnante liste de pouvoirs?
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Pour contrer le nouveau «plan C» en cinq volets qu'Ottawa aurait concocté pour «faire rentrer le Québec dans le rang», M. Drainville propose un plan A, qui consiste à faire l'indépendance. Aurait-il réussi à convaincre sa chef de tenir un référendum? On serait heureux de l'apprendre. Sinon, quel est le plan pour forcer Ottawa à payer pour les prisons?
L'accumulation des frustrations finira peut-être par avoir raison de la patience des Québécois, mais en attendant le jour où les «conditions gagnantes» pourront être réunies, il faudra bien gouverner et faire en sorte que le système judiciaire fonctionne.
Pour remplacer la contribution santé, Mme Marois a décidé d'imposer un fardeau additionnel de 950 millions aux contribuables qui gagnent plus de 130 000 $. Ferait-on également «payer les riches» pour permettre à Ottawa de serrer la vis aux jeunes contrevenants?
On ne sait pas davantage à quoi s'en tenir dans le cas de la CAQ. Que ferait François Legault, qui ne veut pas de chicane avec Ottawa, pour empêcher le gouvernement Harper de refiler aux provinces la facture de sa croisade contre le crime?
À cinq semaines du congrès de fondation qui se tiendra à Victoriaville, on ne sait toujours rien de la politique constitutionnelle promise par François Legault, sinon qu'il veut mettre la question nationale en veilleuse pour au moins dix ans.
L'indifférence grandissante du gouvernement Harper à l'égard des préoccupations de la société québécoise rend cette mise entre parenthèses de moins en moins défendable. Si même un homme aussi accommodant qu'Yvon Vallières, qui n'a jamais eu la moindre tentation souverainiste, commence à s'inquiéter, M. Legault peut difficilement faire comme si de rien n'était.
Bonne question
qui va payer pour la nouvelle loi fédérale C-10 sur la justice criminelle si Ottawa refuse de le faire?
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