La semaine dernière, une juge fédérale de la Cour supérieure du Québec a suspendu certains articles de la nouvelle loi 96 qui vise à renforcer la loi 101. Chantal Corriveau a jugé que les dispositions obligeant les personnes morales à traduire en français les documents qu’elles déposent en cour constituent «un préjudice irréparable» pour les anglophones.
Un non «viscéral»
Il est intéressant de revenir sur le parcours de cette magistrate. Militante engagée pour le non en 1995, elle a déclaré à l’époque au Devoir que son adhésion au Canada était «viscérale». Ça lui venait des tripes.
Pour elle, la souveraineté constituait «un voyage d’intellectuels». Le désir d’indépendance s’appuie pourtant sur notre crainte de disparaître comme nation. On peut rejeter cette noble ambition, mais elle répond à un réel problème. Il ne s’agit pas d’une utopie déconnectée de la réalité, comme l’assénait Corriveau.
Mais qu’importe. L’avocate de l’époque participait activement à la campagne de peur du camp du non. Un Québec souverain allait nous transformer en un pays du tiers-monde, un danger pour nos jeunes. Je veux «assurer l’avenir de mes deux enfants», affirmait-elle. Du moment où nous aurions été seuls aux commandes du Québec, sans les fédéraux ou le ROC, une catastrophe économique serait survenue. Autant dire que nous sommes un peuple d’incapables!
Son discours était parfaitement en phase avec celui que tenait Ottawa, qui tentait de semer la panique. Paul Martin, qui était ministre des Finances, avait prédit que si le «oui» l’emportait, il allait y avoir un million de chômeurs supplémentaires!
Ce n’est pas un hasard d’ailleurs si, 10 ans plus tard, alors qu’il était premier ministre, Martin l’a nommée à la Cour supérieure. Évidemment, si elle avait été une militante du oui, jamais elle n’aurait eu droit à une telle promotion. Comme le disait l’ancien juge en chef de la Cour d’appel du Québec, le militant libéral Michel Robert, les souverainistes n’ont pas leur place dans la magistrature. Au pays de la charte canadienne, certaines discriminations sont ouvertement encouragées par ceux qui sont censés protéger nos droits.
Arrêter la SSJB
Les décisions de Corriveau touchant la question nationale s’insèrent dans cette logique. En 2000, l’Assemblée nationale a voté une loi proclamant notre droit à l’autodétermination, une réponse à la Loi sur la clarté d’Ottawa. La législation québécoise a aussitôt été contestée devant les tribunaux par des Canadiens anglais. En 2016, la SSJB-Montréal avait fait une demande d’intervention dans cette cause pour défendre notre nation. Or, sans aucune raison valide, la juge Corriveau a refusé la requête. Sa décision était tellement cousue de fil blanc qu’elle a été renversée en appel!
En suspendant aujourd’hui une loi votée démocratiquement pour défendre le français, Chantal Corriveau poursuit le travail pour lequel elle a d’emblée été nommée. Intrinsèquement biaisée, cette Québécoise défend le régime et nous impose l’anglais.