Budget du Québec - Un appel à la taxation sensée

Budget Québec 2010 - suites

Avec leur budget, messieurs Raymond Bachand et Jean Charest ont une fois de plus manqué le train de la taxation sensée — la smart tax. On taxe plutôt bêtement, à tort et à travers, sans tenir compte de la croissance et des comportements que par là on renforce ou réprime.
Justement, l'environnementaliste et célèbre chroniqueur du New York Times Thomas L. Friedman était de passage à Montréal cette semaine pour défendre l'idée d'une taxe verte sur le carbone, véritable prototype d'une taxe intelligente et responsable.
Les prix relativement bas de l'énergie et des produits courants de consommation, nous dit-il dans un dernier ouvrage qui brasse la cage, Hot, Flat and Crowded, cachent de fâcheux coûts sociaux. Si payer 1 $ le litre d'essence vous chauffe, pensez à l'enfer que nous aménageons pour notre descendance en polluant l'atmosphère, en déstabilisant le climat, en fragilisant les écosystèmes et en enrichissant les dictatures pétrolières qui financent les organisations terroristes. Pour Friedman, taxer les émissions de CO2 c'est éveiller les consommateurs au véritable coût de notre dépendance aux combustibles fossiles.
Stimuler l'innovation
Rehausser un prix dérisoire par une taxe envoie un signal clair: «Ce prix n'est une aubaine que parce que quelqu'un d'autre que vous — fort possiblement vos enfants — va devoir débourser le manque à gagner!»
Lorsque le prix des énergies sales et des comportements ruineux reflétera leur véritable coût, on développera des technologies et des habitudes de vie moins énergivores, plus responsables et donc plus économiques. Une taxe intelligente stimule l'innovation et, contre toute apparence, nous enrichit.
Visiblement, le gouvernement libéral ne comprend rien à la taxation sensée. L'idée est pourtant simple: alourdir les taxes sur les comportements socialement coûteux et cesser de taxer les comportements rentables, voire les encourager financièrement par des subventions.
Coût social
En augmentant la TVQ à nouveau de 1 %, le gouvernement pénalise tous les achats, qu'ils soient rentables ou ruineux. De même, le nouvel impôt santé et le ticket modérateur découragent qu'on sollicite le réseau de la santé pour quelque raison que ce soit, de sorte que certaines situations médicales s'aggraveront alors qu'une intervention rapide aurait réduit les coûts de traitement. Et que dire de l'augmentation des droits de scolarité qui éprouvera la résilience scolaire des universitaires déjà endettés, quel que soit leur domaine d'études?
Une taxation intelligente pénaliserait les dépenses à la hauteur de leur coût social de manière à ce que les individus déboursent les véritables coûts de leurs choix irresponsables plutôt que de reporter le coût des inconvénients sur des tiers. Les profits engrangés par l'État tomberaient ensuite entre les mains des organismes, entreprises et individus dont les choix créent de la richesse plutôt que de la misère à retardement.
Des idées...
En matière d'environnement, taxons les véhicules énergivores, les constructions mal isolées, le chauffage aux combustibles fossiles, l'accès par voiture au centre-ville de la métropole, le suremballage, les pratiques agricoles polluantes. En échange, subventionnons grassement l'achat de véhicules hybrides, les constructions certifiées LEED, l'installation de panneaux solaires, la conservation des espaces verts et les organismes de défense de l'environnement.
En matière de santé, taxons la malbouffe, la cigarette et les alcools forts encore davantage qu'ils ne le sont déjà. Pénalisons les visites inutiles à l'urgence qu'un appel à Info-Santé aurait évitées ainsi que les activités causant fréquemment des blessures. En échange, offrons des subsides généreux aux associations sportives, aux salles d'entraînement, aux athlètes ainsi qu'aux producteurs de produits alimentaires sains et d'équipement sportif. Promouvons financièrement la prévention et la sécurité.
En matière d'éducation, taxons l'inscription à des programmes sans débouchés. Réduisons les salaires des enseignants reconnus pour leur incompétence et augmentons les droits de scolarité en cas d'échec scolaire. En échange, subventionnons par des bourses d'études les inscriptions dans les domaines en pénurie de main-d'oeuvre, bonifions les salaires des éducateurs compétents et payons aux meilleurs étudiants leurs études.
Approche intelligente
Il existe des façons de taxer avec intelligence. Si la taxation retirait systématiquement l'argent d'entre les mains des individus et entreprises qui nous appauvrissent pour en financer ceux qui nous enrichissent, la collectivité québécoise échapperait à ses déficits sans imposer de nouveaux fardeaux sur les contribuables dans leur ensemble, simplement parce que les taxes encourageraient l'innovation et l'efficience au détriment du gaspillage.
S'il est tout à l'honneur du gouvernement libéral d'augmenter les taxes sur l'essence et de hausser les frais d'électricité, ce ne peut être qu'accidentel et sans rapport avec une approche intelligente à la taxation. Lorsqu'on taxe tout ce qui bouge, on va bien finir par taxer ce que l'on devrait.
Ce dont nous avons besoin à présent, ce n'est pas d'un gouvernement qui a le courage de taxer ses citoyens pour remplir ses coffres, c'est d'un gouvernement assez allumé pour refroidir par une taxation sensée ces habitudes de vie nuisibles qui nous endettent.
«C'est clair qu'il y a une contribution qui est demandée au citoyen», nous disait mardi le ministre des Finances. Je m'inscris en faux contre l'idée que chacun doive faire une égale part du boulot. Au contraire, que les taxes appauvrissent tout d'abord ceux qui sont responsables de notre endettement collectif. En somme, ne soyons pas stupides. N'est-il pas temps que les citoyens intelligents et responsables reprennent ce qui leur est dû?
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Micaël Bérubé - Enseignant de philosophie au collège Montmorency et doctorant à l'Université de Montréal en administration et fondements de l'éducation

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Enseignant de philosophie au collège Montmorency et doctorant à l'Université de Montréal en administration et fondements de l'éducation





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