La dette nette existe ! En Ontario

Budget Québec 2010 - suites


Ils vous l’ont tous dit: la dette du Québec est horrible ! À 94,5% de dette en proportion de son PIB, le Québec est, comme la Grèce à 103%, au bord de la faillite. C’est le calcul, que j’ai sévèrement critiqué, proposé en janvier par le ministère de Finances. Il s’agit d’un calcul exagéré de la dette brute, donc de tout ce qu’on doit (votre hypothèque, par exemple). Aucun calcul ne fut proposé de la dette nette, donc de ce que vous valez (votre hypothèque, moins votre épargne).
On aurait espéré que cette malinformation soit corrigée dans le budget Bachand, mais ce fut une déception de plus. Aucune comparaison internationale de la dette nette québécoise nette n’y apparaît.
Les Ontariens, cependant, sont jugés suffisamment intelligents pour avoir droit, dans leur document budgétaire, au tableau suivant:

Wow ! La dette nette de l’Ontario placerait notre voisine en meilleure posture que tous les pays du G7, sauf le Canada.
Si le ministère québécois des Finances avait offert un tableau semblable, où donc le Québec se serait situé ? Il serait, comme l’Ontario, derrière les six autres pays du G7, à 41% du PIB, selon le seul calcul actuel disponible, celui de l’économiste Louis Gill de février dernier.
Connaître l’ampleur relative de notre dette nette ne nous dispense pas de payer l’intérêt sur la dette, c’est sûr. Et cela ne nie pas l’importance du problème. Mais cette information permet de mieux juger notre richesse — ou pauvreté — réelle, et de voir comment on s’en tire comparativement aux autres.
Même Desjardins s’y met
Le 23 mars dernier, le service des Études Économiques de Desjardins ajoutait sa pierre à l’édifice dans son document: La taille de la dette du Québec est très préoccupante.
Les auteurs affirmaient très justement que :

Il est reconnu que la mesure de la dette nette donne habituellement une meilleure indication de l’ampleur réelle de l’endettement d’un gouvernement. Par exemple, l’Alberta dispose d’actifs financiers importants au sein de son Heritage Fund. Ainsi, même si sa dette contractée sur les marchés est non négligeable, l’ampleur de ses actifs financiers fait que sa dette nette devient négative, ce qui correspond à un avoir net pour la province et change considérablement le portrait de son endettement.

Enfin, un peu de clarté dans les concepts ! Cela ne nous surprend pas de Desjardins, qui avait publié en 2006 un document qui calculait la dette nette québécoise et en faisait une comparaison internationale, que voici:
Sous la moyenne de l'OCDE, en 2006

Sous la moyenne de l'OCDE, en 2004

([Cliquez pour voir l'image->img6646])
Donc, les gars, qu’est-ce que ça donne en 2010 ? On vous écoute. Et ils poursuivent:
Cela dit, nous retiendrons surtout la dette brute dans notre analyse pour la simple raison qu’elle facilite les comparaisons avec les autres gouvernements du Canada, mais aussi d’ailleurs dans le monde.

Arrgh ! Bref, Desjardins affirme que ce serait mieux de calculer la dette nette — qui indiquerait que la dette du Québec est légèrement au dessous de la moyenne de l’OCDE et sous 6 des sept pays du G7 — mais reprend simplement le calcul fautif du ministère des Finances, qui n’a pas calculé la dette nette. Mais Desjardins prend soin au passage d’indiquer que ce calcul de la dette nette est très favorable à l’Alberta, mais se tait sur le Québec…
Heureusement, ce blogueur a au moins un allié dans son combat pour que les chiffres de la dette nette et brute soient également présentés aux Québécois: Jean Charest.
En effet, lors d’une entrevue pré-budgétaire au Devoir, M. Charest a dit ce qui suit:
Quant à la dette, elle n’est pas aussi lourde qu’une certaine «campagne de presse», celle menée par Quebecor, veut bien le montrer. La dette du Québec se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, a-t-il rappelé.

Il ne pouvait évidemment parler de la dette nette, car son propre ministère des Finances venait de dire le contraire au sujet de la dette brute. A moins que les Finances ait produit un tableau sur la dette nette publié nulle part, la seule source récente permettant au premier ministre d’affirmer ce qu’il affirme est le calcul de… l’économiste de gauche Louis Gill ! (Le lendemain, le bureau du PM faisait savoir au Devoir qu’il n’avait pas spécifiquement visé Quebecor — qui avait fait une série Le Québec dans le rouge.)
Alors, M. le Premier ministre, encore un effort. Peut-être que, l’an prochain, vous réussirez à convaincre votre ministre des Finances de faire aussi bien que l’Ontario et de donner aux citoyens québécois une lecture complète de leur endettement.

Squared

Jean-François Lisée296 articles

  • 179 300

Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.

Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.





Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé