« Ce qu’on peut bâtir ensemble, hostie ! »*

Crime organisé et politique - collusion (privatisation de l'État)


Il y avait longtemps que je n’avais pas été aussi férocement fâché en regardant la télévision. Mais hier, les reportages d’Enquête, à Radio-Canada, donnaient l’impression que nous vivons dans une république bananière. L’heure menée par Gravel a cristallisé toute la merde qui sort, depuis des mois, sur l’industrie si merveilleuse, si propre, si éthique qu’est celle de la construction ; toute la merde qui sort principalement grâce à des journalistes de La Presse, de Radio-Canada et, aussi, du Devoir.
L’épisode de cette mairesse de Boisbriand est consternant mais ce n’est pas le plus troublant. La collusion, les claques sur la gueule, l’aveuglement de fonctionnaires quand ce n’est pas leur complicité : on se croirait en Italie, où le crime organisé en mène si large.
Un mot sur la mairesse. Je lui fais une large part dans ma chronique du jour. Elle se défendait, hier soir, par la bouche de son porte-parole, en disant que la rencontre à laquelle elle a participé, où l’entrepreneur Lino Zambito a tenté de convaincre deux conseillers de l’opposition de ne pas défier l’équipe en place, question de ne pas avoir d’élection à Boisbriand le 1er novembre, n’était pas illégale.
C’est vrai.
C’était un manque de jugement, c’était immoral, c’était indigne du poste de première magistrate, c’était jouer le jeu d’un citoyen privé qui n’a aucun mandat pour tirer quelque ficelle que ce soit dans la vie politique municipale, mais ce n’était pas illégal. Là-dessus, probablement que la mairesse a raison.
Ce bon M. Zambito, est très, très, très soucieux des deniers publics : sa version de l’affaire, c’est qu’il voulait faire économiser 300 000$ en coûts d’élection à la municipalité, version qu’on n’a pas entendu sur les bandes audio qui ont capté ses propos. On préférerait que quand il décroche un contrat de 17 M$ pour construire une usine de filtration d’eau, il livre la marchandise dans les coûts prévus. Pas avec des dépassements de coûts gigantesques. Ça nous aiderait à le croire quand il se dit préoccupé par les finances de la Ville.
Cette Sylvie Saint-Jean est dépassée, c’est sidérant. Ce copinage avec l’entrepreneur qui reçoit une plus grande part des contrats municipaux de Boisbriand que tout autre entrepreneur est scandaleux.
Mais bon, les gens de Boisbriand choisiront. Je suis convaincu que cette Mme Saint-Jean, qui ne semble pas comprendre grand-chose à la dignité et à l’honneur de sa fonction, va s’entêter et rester en lice pour l’élection. Sachant ce qu’on sait, si elle gagne, je décrète que je change « Newfies » pour « Boisbriandnnais » dans mes blagues méchantes…
Un dernier truc. Je ne comprends pas que Québec s’entête à dire que la police fait son boulot, qu’une enquête publique ne s’impose pas. C’est surréaliste. On peut mâcher de la gomme et marcher en même temps. Les protagonistes de la construction et des grands travaux, on veut leur voir la face. On veut qu’ils témoignent. On veut qu’ils soient confrontés aux déclarations d’autres témoins. Les Québécois ont droit de savoir par quels mécanismes des citoyens sont battus et intimidés quand ils défient le pouvoir établi dans ce milieu ; ils ont le droit de savoir par quels mécanismes les contrats gonflés coûtent au trésor québécois de 20 à 35% plus cher qu’ailleurs au Canada. Et ils ont le droit de le savoir maintenant. Pas dans trois, quatre, cinq ans.
Je ne comprends pas que le gouvernement Charest branle dans le manche. Les Québécois sont assommés par ces révélations, ils sont scandalisés. Tout geste vigoureux du premier ministre pour aller au fond des choses, politiquement, ne peut que lui profiter. Sauf que non. Pour le ministre du Transport des Affaires municipales, Laurent Lessard, tout cela, ce sont des « gestes isolés ».
J’ai écrit, dans ma chronique, que le PQ n’est pas exactement très pugnace dans ce dossier. Un officiel du PQ m’a écrit pour me dire que le PQ réclame une enquête depuis des semaines. C’est vrai. Mais j’ai parlé de pugnacité. Je ne sens pas la vigueur, je ne sens pas l’enthousiasme, je ne sens pas le désir de faire saigner quand le PQ mord cet os-là. C’est peut-être une question de perception, mais je ne suis pas le seul à l’avoir, désolé.
*Citation de l’entrepreneur Lino Zambito, enregistrée à son insu, devant des politiciens de Boisbriand.


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