Lettre adressée à Carlos Leitão, ministre des Finances
J'ai une question pour vous. Elle concerne le surplus dont vous êtes si fier. Combien nous coûtera-t-il à moyen et long terme ? N’ayez crainte, on parle seulement d’argent, pas du coût humain. C’est plus facile à calculer, et de toute façon, le coût humain est évident.
Tous s’accordent pour dire que la lutte contre le décrochage, ça commence tôt. Prenons un élève qui n’a pas eu accès aux services spécialisés dont il avait besoin en première année à cause des compressions. Croyez-vous que ses difficultés scolaires feront du surplace pendant deux ans ? Croyez-vous qu’il suffira de réinvestir après ces deux ans pour reprendre le problème là où vous l’aviez laissé ? Ses difficultés auront évolué avec le temps, et pas en mieux. Alors qu’on aurait pu l’aider à comprendre la matière de première année, il faudra maintenant s’attaquer à un retard de trois ans. A-t-on vraiment économisé ?
Une partie de ce surplus vient de votre décision de couper dans le financement des centres de désintoxication. Selon les intervenants du milieu, cette décision aura un impact sur les services. Moins de sous, moins de places et donc moins de gens qui s’en sortent. Paiera-t-on davantage en frais de justice, de santé, d’assistance sociale, d’incarcération et de criminalité que ce que vous avez économisé par cette coupe ?
Du point de vue des travailleurs de la fonction publique, on ne parle pas d’économie ni d’efficacité, on parle de surcharge de travail. Alors que le gestionnaire se fait féliciter pour avoir augmenté l’efficacité sur papier, les employés, eux, sont surmenés. Cela entraîne une grande fatigue qui crée des erreurs, parfois fort coûteuses. Cela entraîne aussi une diminution de services, ne serait-ce que parce qu’ils tourneront les coins ronds par manque de temps. L’une des conséquences de ce surmenage est l’épuisement professionnel et les accidents professionnels. Paierons-nous en CSST ce que vous pensez économiser ?
La pénurie de moyens et d’experts au ministère de l’Environnement fait en sorte que nos lois environnementales ne sont que rarement appliquées. Pourtant, la pollution, les déversements toxiques et les entorses aux règlements ont des effets sur notre bourse collective. Que ce soit en problèmes de santé, en coûts d’assainissement ou en mesures pour contenir les dégâts, la facture monte.
J’aimerais que vous posiez une simple question à un professionnel en qui vous avez confiance. Ça peut être votre médecin, votre garagiste, votre dentiste, votre plombier, un ingénieur de votre connaissance, votre avocat, le gars qui répare votre maison, celle qui s’occupe de votre ordinateur, votre mécanicien, bref, n’importe quel expert dans un domaine pratico-pratique. Demandez-lui si reporter le traitement d’un problème connu permet d’économiser. Disons que ça m’étonnerait que vous ayez une réponse positive.
Les experts s’accordent pour dire que plus un problème est traité tôt, plus il est facile à régler et moins il en coûte. Ils s’entendent aussi pour dire que dans leurs domaines respectifs, attendre dans l’espoir que le problème se résorbe de lui-même est la pire solution. Elle porte d’ailleurs un nom : la pensée magique. Selon les experts, plus on attend, plus le problème empire et plus il coûte cher. Pourquoi pensez-vous qu’il en serait autrement avec les services du gouvernement ?
Ma crainte, M. Leitão, c’est que vos compressions finissent par nous coûter plus cher que les surplus qu’elles génèrent. J’ai peur que vous ne fassiez que léguer à la fois la facture et le problème aux générations futures. Surtout si ces surplus servent à acheter vos électeurs par des baisses d’impôts.
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