Nous nous sommes promené cet après-midi ma conjointe, mes deux filles de six et huit ans ainsi que moi-même. Comme bien des gens, nous nous baladions après des jours de captivité dans notre propre demeure en raison du mauvais temps. Il faisait beau, mais pas très chaud.
Curieusement, on se serait attendu de voir le sourire des gens à l’arrivée des premiers rayons de soleil attendus depuis des lustres. Hélas, ce ne fut pas le cas. Nous avons plutôt eu affaire à des frustrés. À deux reprises, on nous a klaxonnés rageusement parce que nous n’allions pas assez vite ou que nous laissions passer des piétons dans le Vieux-Québec. C’est samedi! Peu de gens travaillent aujourd’hui. Qu’est-ce qui rend le monde si pressés et agressifs me demandais-je? Allez magasiner chez Holt Renfrew peut-être? Enfin! Ma conjointe était au volant et elle a pourtant l’habitude de conduire vachement bien. Mieux que moi en tous les cas…
Malgré cela, les retraités à qui il semble que nous bloquions le chemin étaient tellement en colère que s’ils avaient eu des fusils à la place des yeux, je pense que nous y serions probablement tous passés ma conjointe, mes enfants et moi tant on sentait la rage qui avait envahi avec une force quasi démoniaque ceux que nous retardions de quelques secondes.
Histoire de nous remonter un peu après ces émotions, nous nous arrêtons au parlement histoire d’encourager les étudiants qui font une vigile. Mécontents que le gouvernement ait tenté de les fourrer, des jeunes campent au froid dans des tentes pour exiger la gratuité scolaire. Entre vous et moi, il fallait vraiment être con pour croire que les étudiants allaient tomber dans le panneau et prendre l’offre de Jean Charest et de la « menisse » Beauchamp.
Depuis le début du conflit, le gouvernement tente d’ailleurs d’humilier les étudiants. Ayons un minimum d’honneur pour à tout le moins reconnaître qu’au Québec, si nous refusons le principe de la gratuité scolaire, c’est uniquement parce que nous sommes trop chiches. Car affirmer qu’il n’y a pas chez nous suffisamment de richesse pour se payer l’accès au savoir, c’est vraiment prendre le monde pour de parfaits imbéciles.
Voilà pourquoi j’ai beaucoup d’admiration pour ces jeunes qui tiennent bon dans l’un des conflits les plus durs que le Québec ait connus ces dernières années. En effet, il y a eu plus d’arrestations en 11 semaines de débrayage que durant toute la crise d’octobre au complet, soit plus de 800. S’il ne s’agit pas de répression policière, je me demande bien ce que c’est. Peut-être que les flics aiment la compagnie des étudiants au poste…
Quoi qu’il en soit, pendant que je discutais avec l’un des étudiants sur place, un gros pick-up garni de roue mags, bref, une machine de 50 000 piastres au moins, passe devant en klaxonnant. Et interpellant les étudiants, le passager leur adresse un doigt d’honneur avec quelques insultes dont la grossièreté, la classe, et le chic allait de pair avec l’individu qui les proférait. En d’autres mots, un gros cave de Beauport amateur de radiopoubelle et lecteur du magazine Sumum sans aucun doute.
Toute l’après-midi, nous avons croisé des BMW, des Mercedez, des Audi, des Porsche des pick-up kingcab chromés d’un bord et de l’autre, brefs, des véhicules qui valaient parfois la moitié de ma maison. Ça pullule sur les routes autant que ça pollue l’environnement. Nous nous disions ma conjointe et moi que si comme le dit si bien le « très scientifique Institut Économique de Montréal », le Québec génère peu de richesse, disons que cette après-midi, cela ne paraissait pas ben ben.
Pendant que le gouvernement Charest affirme qu’il est impossible de demander plus aux Québécois, les voitures de luxe se vendent semble-t-il comme des pains chauds et les cottages anglais à deux étages et garage doubles poussent comme des champignons à environ un kilomètre de chez moi.
C’est sans doute ce qui rend les gens si enragés. Mon père, qui est comptable et qui en sait quelque chose, m’a longtemps dit de ne pas me laisser impressionner par le clinquant des rutilantes bagnoles et des gros trains de vie. « La plupart de ces quidams tentent de péter plus haut que le trou et se doivent le cul. Le trois quarts de ce que tu vois est sur la finance et appartient en réalité aux banques » dit-il souvent.
Évidemment, ce n’est jamais de notre faute si nous sommes endettés. C’est toujours les autres qui sont en cause… L’être humain compte dans son bagage génétique des milliers d’années d’évolution. Malgré cela, l’être que l’on prétend être le plus évolué de la création s’en prend à la terre entière parce qu’il est piégé par le crédit à la manière d'une mouche sur un papier tue-mouche.
Au fond, il y a fort à parier que le soutien à la hausse des droits de scolarité vient d’un courant anti-intellectuel primaire. Il y a malheureusement au sein de cette société de gros mongols endettés qui n’aiment pas ceux qui sont plus intelligents qu’eux et qui voudraient bien les voir dans la même merde. De plus en plus de gens souhaitent que le gazon du voisin soit aussi jauni que le leur. Si la grande majorité des étudiants ne sont pas assez stupides pour accepter ça, c’est tout à leur honneur.
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