Après que la Charte de la langue française eut fait l'objet de plus de 200 modifications, le Québec est non seulement redevenu un état bilingue, mais les services publics constituent un des principaux facteurs d'anglicisation.
Tel est le constat qu'il faut faire en lisant l'étude conduite par l'Institut de recherche en Économie contemporaine (IRÉC) pour l'Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA), étude qui fait la démonstration que nos gouvernements dépensent 2,2 milliards$ de trop pour offrir des services en anglais au Québec.
Cette étude démontre qu'il y a 13,9% des emplois publics au Québec dont la langue de travail est principalement l'anglais alors que les Anglo-québécois comptent pour 8,7% de la population en âge de travailler, une différence de 5,2 points, qui se traduit par 2,2 milliards$ de surplus en masse salariale. Cela correspond à 50 000 emplois de plus que ce que justifie le poids démographique des anglophones au Québec.
Si on ajoute les employés qui disent utiliser régulièrement l'anglais au travail dans le secteur public au Québec, c'est 31% d'entre eux qui travaillent en anglais le plus souvent ou de façon régulière (cette notion n'est pas définie dans le recensement) dans le réseau de la santé, tandis que cette proportion s'élève à 40% dans les administrations publiques.
L'étude démontre qu'une grande partie des emplois de langue anglaise du secteur public sont occupés par des non-anglophones, ce qui implique que les fonds publics soutiennent des milliers d'emplois où des allophones et des francophones sont obligés de travailler en anglais. Les emplois en anglais se retrouvent à Montréal dans 74% des cas dans le secteur de l'enseignement et dans 86% des cas pour les soins de santé et les services sociaux.
Il est complètement aberrant que les Québécois et Québécoises aient à payer de leurs poches pour angliciser davantage Montréal et contribuer à angliciser les immigrants et les allophones. Ce faisant, non seulement le Québec finance sa propre minorisation, mais s'affaiblit économiquement puisque l'anglicisation des allophones diminue le taux de rétention des immigrants du Québec. Plus de 50% des finissants en médecine à McGill quittent le Québec. Par ailleurs, l'anglicisation des allophones favorise leur concentration à Montréal alors que la plupart des régions éloignées de la région métropolitaine connaissent un déclin démographique et une pénurie de main-d'oeuvre spécialisée importante.
Dans le reste du Canada, à l'inverse, les emplois en français dans les services publics sont moins nombreux par rapport au faible poids démographique des francophones.
Le Mouvement Québec français réclame justice à nos gouvernements afin que les dépenses de nos taxes et impôts correspondent davantage au poids démographique de la langue majoritaire. Nous réclamons simplement des institutions majoritaires pour la majorité.
La Charte de la langue française visait à faire du français non pas l'une des langues officielles, mais plutôt la seule langue officielle du Québec. La loi 101 n'a pas été conçue contre le bilinguisme individuel, mais contre le bilinguisme institutionnel. Elle devait faire du français non pas la langue des seuls francophones, mais la langue commune de tous les Québécois. Cela correspond à la normalité dans à peu près tous les États à travers le monde.
On ne peut pas inciter les citoyens ainsi que les entreprises à utiliser le français comme langue commune au Québec si le gouvernement et ses organismes ne le font pas eux-mêmes. Si les services publics rendus à la population sont systématiquement offerts dans les deux langues, celle-ci conclura que la connaissance du français n'est pas une nécessité.
Le Mouvement Québec français et le Syndicat de la fonction publique du Québec revendiquent que la Charte de la langue française soit appliquée et renforcée de façon à ce que soit assurée l'équité linguistique du financement des institutions gouvernementales francophones au Québec.
Pour ce faire, nous proposons que les services de l'administration publique, parapublique et municipale soient offerts exclusivement en français, sauf les services susceptibles d'être reconnus en vertu de l'article 29,1 (les organismes municipaux, les organismes scolaires ou les établissements de services de santé et de services sociaux). L'Office québécois de la langue française (OQLF) doit recouvrir le pouvoir d'enquêter et de retirer le statut linguistique de l'organisme ou de l'établissement qui ne satisfait plus à la condition qui lui a permis d'obtenir la reconnaissance. Il faudra réviser la Loi sur la santé et les services sociaux pour éviter que l'ensemble des établissements ne soit soumis au bilinguisme fonctionnel et institutionnel. Le statut des organismes reconnus en vertu de l'article 29.1 de la Charte doit être modifié afin d'assurer que les communications internes se fassent en français et que tout membre du personnel connaisse le français; il faut renverser le fardeau actuel de la demande. Le gouvernement fédéral et les entreprises sous juridiction fédérale doivent respecter la loi 101 au Québec.
Le français est la langue commune au Québec: il faut que ça se sache, que ça se voit, que ça s'entende et même que ça se sente.
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Mario Beaulieu et Lucie Martineau
Les auteurs sont respectivement président du Mouvement Québec français et présidente du Syndicat de la fonction publique du Québec.
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