Sylvain Larocque - Le gouvernement fédéral réduira ses transferts au Québec dès le déclenchement d'une campagne référendaire, a prétendu lundi le chef libéral Jean Charest, cherchant une fois de plus à semer l'inquiétude face à une victoire du Parti québécois.
«Les choses continuent comme la veille le lendemain d'une élection (du PQ), mais ce que le gouvernement fédéral aura mis dans son budget, que ce soit en termes de péréquation, n'existeront plus, ne seront plus là (sic) le jour où le Parti québécois fait un référendum et cherche à créer l'indépendance. Il faut être clair là-dessus. Il faut le dire.»
Voilà ce qu'a répondu le premier ministre sortant en conférence de presse à la Cité de la Santé, à Laval, quand un journaliste lui a demandé ce qu'il adviendrait de la hausse des transferts fédéraux attendue dans le prochain budget fédéral, qui sera déposé le 19 mars. Cette augmentation, qui atteindra plusieurs centaines de millions de dollars par année, doit résoudre, en tout ou en partie, le déséquilibre fiscal entre Québec et Ottawa.
Pourtant, lors des deux campagnes référendaires que le Québec a connues au sujet de son avenir, en 1980 et 1995, les versements fédéraux au gouvernement provincial, aux particuliers et aux entreprises se sont poursuivis sans interruption.
Qu'importe, Jean Charest aime exploiter à fond la promesse que le Parti québécois a inscrite dans sa plateforme électorale, dévoilée samedi, de «garantir la continuité des transferts fédéraux versés aux Québécois» lors d'une éventuelle transition entre le «statut de province à celui de pays», après un référendum.
Le chef libéral n'hésite même pas à laisser entendre que le maintien des transferts fédéraux serait compromis dès la prise du pouvoir par le PQ.
«Il me semble que l'essentiel, c'est quoi: le Parti québécois propose de se séparer et il affirme qu'il va garantir les transferts fédéraux, sans ajouter plus d'information?
Là-dessus, je pense (...) qu'il faut qu'il nous donne des explications, il faut qu'il clarifie ce qu'il a affirmé dans son programme. Il ne peut pas juste laisser ça planer», a déclaré M. Charest.
En le pressant de questions, les journalistes qui l'accompagnent ont toutefois fini par lui faire admettre, du bout des lèvres, que les versements fédéraux, y compris ceux à venir pour régler le déséquilibre fiscal, se poursuivraient advenant la simple arrivée du PQ au pouvoir.
«Le lendemain de l'élection (du PQ), évidemment les choses ne changeront pas du jour au lendemain», a dû reconnaître Jean Charest.
Ambiguïté?
Le chef libéral s'est défendu de vouloir semer la confusion.
«Posons-nous la question suivante, là: qui est passé maître dans l'art d'entretenir la confusion? a-t-il demandé. Quand André Boisclair livre un programme politique où il refuse de mentionner le mot référendum? (...) Ajoutez à ça une affirmation dans son document où il dit qu'il va garantir les transferts fédéraux, puis il laisse planer ça dans le vide. (...) S'il entretient délibérément une confusion, moi je pense qu'on a raison de se méfier de ce qu'il propose le 26 mars.»
Dimanche soir, M. Boisclair a réagi fortement quand il a appris que son adversaire libéral avait avancé, plus tôt dans la journée, que les sommes destinées au règlement du déséquilibre fiscal ne seraient peut-être pas versées au Québec si le PQ prenait le pouvoir.
«Ca, c'est le fédéralisme du chantage, a tonné le chef péquiste. Ca fait déjà trop longtemps qu'on en souffre.»
À Ottawa, le premier ministre conservateur Stephen Harper s'est tenu loin de la polémique, lundi.
«Evidemment, je n'ai pas l'intention de m'impliquer dans l'élection provinciale au Québec, a-t-il dit en conférence de presse. C'est un débat intéressant.»
Son ministre des Finances, Jim Flaherty, s'est montré un peu plus loquace en rappelant qu'il ne préparait qu'un seul budget, valide peu importe le parti qui prendra le pouvoir au Québec le 26 mars.
Santé
Lundi, les libéraux ont réitéré leurs engagements en matière de santé, plus précisément la promesse d'embaucher 1500 nouveaux médecins et 2000 infirmières de plus, au coût de 700 millions $ par année.
Une étudiante en médecine en stage à la Cité de la Santé depuis deux mois, Emilie Thibodeau, a toutefois fait remarquer qu'en dépit des beaux discours de Jean Charest sur l'amélioration du système de santé depuis 2003, il n'y a toujours qu'un seul médecin de garde pendant une partie de la nuit dans cet hôpital, l'un des plus importants au Québec.
La hausse des admissions en médecine a aussi entraîné une surcharge d'étudiants dans les classes, a indiqué Mme Thibodeau, ce qui nuit à la qualité de l'enseignement, selon elle. En outre, de nombreux médecins doivent désormais s'occuper de plusieurs étudiants stagiaires à la fois, alors qu'auparavant, ils n'en n'avaient qu'un ou deux à superviser.
«Le milieu va peut-être exploser un jour», a-t-elle lâché.
Dans un discours prononcé en après-midi dans l'est de Montréal, le premier ministre a répété que les libéraux n'avaient fait que «réparer les erreurs laissées par le PQ».
À cet effet, il a cité des propos tenus lundi par Jean Rochon, qui était ministre péquiste de la Santé lors du départ à la retraite de milliers de médecins et d'infirmières, au milieu des années 1990.
«Nous, on savait que ce n'était peut-être pas le bon choix pour le domaine de la santé, mais tout le monde voulait ça, y compris les syndicats», a affirmé M. Rochon sur les ondes de la télévision de Radio-Canada.
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