Crise nationale, hier, au sein de la presse anglophone dans l'autobus d'André Boisclair ! Le chef péquiste avait insulté les Asiatiques et devait présenter des excuses. Il avait déclaré que le tiers des étudiants au bac, à Harvard, "avaient les yeux bridés". Oh my God ! How terrible !
Je sais que ça peut vous sembler étonnant, mais la dynamique prend parfois des tournures surréalistes dans la bulle médiatique d'une campagne électorale. C'était le cas hier, après le discours d'André Boisclair devant la Chambre de commerce, à Québec.
Rappel des faits : à l'occasion d'un discours devant les étudiants de l'Université du Québec à Trois-Rivières, mercredi, le chef péquiste a situé sa promesse de geler les droits de scolarité dans le contexte de la concurrence internationale en provenance de pays comme l'Inde ou la Chine. "Quand j'étais à Boston, où j'ai passé un an, j'ai été surpris de voir que, sur le campus, à peu près le tiers des étudiants qui étaient au bac avaient les yeux bridés (...) La réalité, c'est que ces pays-là, c'est pas juste des gens qui travaillent pour faire des jobs dans les sweatshops (ateliers de misère). Ce sont des gens qui seront ingénieurs, managers et qui vont créer de la richesse."
La citation est passée à peu près inaperçue dans la presse francophone, qui n'a rien vu d'offensant ou de surprenant dans ces propos. Mais la presse anglophone y a vu matière à nouvelle. M. Boisclair s'est retrouvé en page 4 du Globe and Mail, et dans The Gazette à Montréal. À 13 h 30, dans l'attente de sa conférence de presse au Château Frontenac, ça discutait ferme entre journalistes anglophones et francophones. Dire de quelqu'un qu'il a les yeux bridés, en français, ce n'est pas une insulte. Mais la traduction anglophone, slanted eyes, a une connotation péjorative. M. Boisclair avait tenu ses propos en français, mais peu importe... Un certain Fo Niemi, directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales, les avait lus en anglais. Il a publié un communiqué réclamant des excuses du chef péquiste. Il fallait donc une réaction.
L'histoire est vite devenue une affaire d'État dans les salles de nouvelles de Toronto. À 11 h 30, CBC Newsworld appelait au Soleil pour obtenir les commentaires en ondes d'un journaliste francophone. Une autre bourde à la Parizeau ? L'argent et le vote ethnique ? Racisme ? On voyait grand de l'autre côté de la rivière des Outaouais...
André Boisclair a refusé de s'excuser. Il a déclaré avoir beaucoup d'admiration pour les peuples asiatiques, et il a expliqué que M. Niemi est un adversaire politique avec qui il a eu maille à partir à plusieurs reprises. Les journalistes ont insisté et insisté, mais il n'a pas bronché. Heureusement...
Qu'est-ce qui restera de tout cela dans la presse anglophone aujourd'hui ? Probablement pas grand-chose. Mais l'émoi qui a entouré ce petit événement, hier, est révélateur du piège dans lequel on aimerait bien voir André Boisclair tomber, dans certains milieux de l'autre solitude. Imaginez un peu si le chef péquiste avait tenu les mêmes propos que Mario Dumont sur les accommodements raisonnables... On l'aurait taxé de xénophobie. Mais Mario, c'est différent, il n'est qu'autonomiste, au sein d'un Canada uni... Il ne saurait donc être taxé de racisme.
Cynique, le chroniqueur ? Un peu. Mais il faut des incidents comme celui d'hier pour nous rappeler à une certaine retenue dans notre recherche du politiquement correct. Hier, c'est la presse anglophone qui s'est excitée pour rien. Parfois, c'est la presse francophone. Les communications haute vitesse, c'est extraordinaire, mais ça ne garantit pas nécessairement une meilleure compréhension.
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