L'opinion de Bernard Landry #32

Images et paroles

L'opinion de Bernard Landry


Robert Lepage, génial concepteur du Moulin à images, est venu participer lui-même au Moulin à paroles. Cette présence symbolise une sorte de complémentarité entre les deux événements.
La célébration du 400ième anniversaire de la fondation de notre capitale nationale, dont le moulin de Lepage fut une grande vedette, a connu un succès populaire d'envergure. La qualité des spectacles et la satisfaction du public prouvent que les organisateurs ont vraiment accompli un exploit digne de l'événement à célébrer: la naissance de notre merveilleuse capitale nationale.
Mais, car il y a un énorme mais, les aspects nationaux et historiques n'ont pas occupé l'an dernier la place qu'ils auraient dû avoir. Même les couleurs nationales du Québec et notre drapeau fleurdelysé, pourtant si beau et élégant, ont été mis en veilleuse. Cela était prévisible dès le début quand on a vu une personne occupant une fonction désuète et humiliante pour notre peuple, la Gouverneure générale du Canada, en tout respect pour sa personne, jouer un rôle central dans le lancement des festivités. Stephen Harper a même dit d'elle qu'elle était le successeur de Champlain!
En fait, le gouvernement fédéral a généreusement financé les fêtes du 400ième et pour avoir son argent notre gouvernement national a sacrifié notre dignité collective et notre devoir de mémoire. Encore une fois, cela n'a pas affecté le caractère festif mais empêché de donner sa vraie place à la dimension historique. C'est précisément ce qu'a fait, un an plus tard, le Moulin à paroles sur les mêmes lieux en commémorant l'événement tragique qui allait faire de nous des colonisés et pour longtemps. Quand Jean Lesage s'est écrié "Maîtres chez nous!" en 1960, en reprenant les paroles de Maurice Duplessis quelques temps avant, c'est que nous étions encore dominés à cette époque.
Les Loco Locas ont eu l'idée lumineuse de faire servir la commémoration de notre changement d'allégeance à une éducation historique intensive qui aurait dû se faire à l'occasion du 400ième. Ces merveilleux créateurs et interprètes ont réussi à mettre l'histoire au premier rang de notre actualité nationale, avec une intensité qui ne s'était pratiquement jamais vue.
Comme cela coïncide avec la rentrée scolaire, il faut souhaiter que cette large couverture médiatique fasse comprendre aux institutions d'enseignement de tous les niveaux, l'importance de ce sujet d'étude qui n'a pas été traité comme il l'aurait dû pendant de trop nombreuses années.
Le Moulin à paroles nous a fait voir aussi un étrange paradoxe. Un contestataire mal inspiré, le ministre Sam Hamad, a entraîné notre gouvernement national dans son erreur, nous privant ainsi de la présence de ses représentants qui auraient pu lire les textes de leur choix. Cependant sa bourde a curieusement donné à l'événement une publicité inespérée qui explique en partie son succès.
L'épisode violent du FLQ, dénoncé vigoureusement par René Lévesque dès l'origine fait hélas partie de notre histoire. Mais comme l'a dit souvent le fondateur du Parti Québécois, la naissance de la formation politique qu'il a créée, a précisément servi d'antidote et prévenu toute forme de violence ultérieure. Même à l'occasion des deux référendums notre puissant sens civique et démocratique nous a dicté une modération exemplaire. Ceux qui ont violé la loi sans remords, comme l'a franchement avoué Jean Pelletier quelques temps avant de mourir, n'étaient pas dans le camp des indépendantistes.
Les patriotes de 1837 ont donné leur vie, ou sacrifié leur liberté, ou subi l'exil de ces pauvres "Canadiens errants", au nom de deux objectifs majeurs: la démocratie et l'indépendance. Ils ont atteint parfaitement le premier: le Québec jouit d'un niveau démocratique exceptionnel. C'est à notre nation maintenant de se servir de ces institutions péniblement conquises pour accéder dignement et pacifiquement à l'indépendance. En plus d'être un devoir de mémoire envers nos braves patriotes, c'est une obligation de dignité et d'intérêt bien compris.
Les nations qui peuvent être libres ont le devoir de l'être et elles le sont presque toutes; les grandes comme les petites. Les peuples qui connaissent bien leur histoire sont mieux à l'abri de la répétition des erreurs anciennes et cherchent à cultiver ce qu'ils ont fait de mieux et qui leur fut le plus profitable. C'est à ces nobles objectifs que le Moulin à paroles a puissamment contribué. Toutes ces paroles doivent maintenant inspirer l'action qui nous conduira à laisser à nos enfants une nation libre. Nos aïeux, nous-mêmes, et la jeunesse, avec l'histoire et le présent qui sont les nôtres, méritent bien le statut qui seul convient à leur valeureuse nation: l'indépendance.
Bernard Landry


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