Ariane Lacoursière La Presse - Deux des trois experts indépendants que Québec a mandatés pour déterminer s'il est avantageux de construire le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) en partenariat avec le secteur privé (PPP) ont participé à plusieurs PPP au cours de leur carrière, révèlent leurs curriculum vitae. Alors que plusieurs intervenants accusent ces experts d'avoir un préjugé favorable aux PPP, Québec défend son choix.
En juin dernier, le vérificateur général du Québec a affirmé que Québec s'était basé sur des données erronées pour confier la maîtrise d'oeuvre du CHUM à l'entreprise privée. Pour faire la lumière sur la question, Québec a mandaté un comité d'experts qui a conclu au début du mois que la construction du CHUM en PPP générerait des économies de 302 millions.
Le vice-président de la CSN, Louis Roy, critique vertement l'indépendance de deux des trois experts. Selon lui, Alain Boisset et Daniel Roth «sont d'ardents défenseurs du PPP».
M. Boisset est consultant depuis au moins 10 ans. Il a notamment été conseiller principal auprès de l'Agence des PPP du Québec et de son équivalent en Colombie-Britannique. À ce titre, «il a été impliqué dans toutes les phases» de plusieurs PPP, dont les autoroutes 25 et 30 au Québec.
Il a également été président jusqu'en 2002 du groupe Janin Atlas, où il devait rechercher des partenaires stratégiques et négocier des contrats «particulièrement dans le cadre de partenariats publics-privé» peut-on lire dans son CV.
Joint au téléphone, M. Boisset a dit «bien connaître les PPP». «J'ai été consultant indépendant pour un grand nombre de projets. Je ne penche pas d'emblée d'un côté ou de l'autre, assure-t-il. J'ai toujours voulu garder mon indépendance et éviter les conflits d'intérêts.»
Mais cette affirmation ne convainc pas Pierre J. Hamel, chercheur à l'Institut national de la recherche scientifique. «M. Boisset a été président de Janin, une firme qui a directement travaillé à des PPP», remarque-t-il.
Le président des Médecins québécois pour le régime public, le Dr Alain Vadeboncoeur, ajoute que M. Boisset est membre du Conseil canadien pour les partenariats public-privé, «une organisation qui a tout l'air de vanter les PPP et non pas d'être indépendante».
La neutralité de Daniel Roth, directeur général des Services consultatifs en infrastructures de la firme Ernst&Young, est aussi critiquée. Il a été «principal conseiller financier et spécialiste des PPP auprès de l'Agence des PPP du Québec». Il a notamment travaillé au dossier de la rénovation de l'hôpital Sainte-Justine et dans l'achat en PPP de places en CHSLD en Montérégie.
M. Roth est aussi membre du CA de l'Institut pour le partenariat public-privé, un organisme à but non lucratif «voué à la promotion du PPP comme une alternative pour améliorer la prestation des services publics au Québec».
«Aller chercher des gens qui font la promotion des PPP et leur demander un rapport en les qualifiant d'indépendants, c'est indécent de la part du gouvernement», estime M. Roy.
Ce dernier martèle que M. Boisset et M. Roth ont directement collaboré à des PPP au Québec. «Donc, même s'ils sont indépendants sur le projet du CHUM, ils ne sont pas vraiment indépendants. Pourquoi n'est-on pas allé chercher des experts qui n'avaient aucun intérêt au Québec?»
Au cabinet de la présidente du Conseil du Trésor, Michelle Courchesne, on souligne que la mission du comité d'experts était «de valider le dossier d'affaires final du CHUM pour s'assurer du choix de la méthodologie». «Les experts devaient bien connaître les PPP tout en étant indépendants au dossier», note l'attachée de presse de Mme Courchesne, Isabelle Mercile. Elle reconnaît que deux des experts ont travaillé à d'autres projets de PPP au Québec, mais ajoute qu'ils sont considérés comme indépendants dans le dossier du CHUM.
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