Incompréhension, portes verrouillées, malaises : la petite communauté de Kuujjuaq est ébranlée par le meurtre d’une jeune travailleuse de la santé, tuée à son domicile il y a quelques jours.
« Tout le monde est choqué, lance d’emblée le maire Tunu Napartuk. Ce n’est pas facile d’apprendre cela, surtout que c’est quelqu’un qui est venu vivre à Kuujjuaq pour travailler. »
L’annonce de la mort de Chloé Labrie s’est propagée plus vite que ne roulent les VTT dans les rues du petit village nordique de 2700 âmes, a constaté Le Journal.
La femme de 28 ans, originaire de Victoriaville dans le Centre-du-Québec, aurait été abattue d’une balle à la tête, dans sa modeste demeure, lundi soir.
Elle était employée du laboratoire du Centre de santé Tulattavik de l’Ungava depuis environ quatre ans et était en couple avec un mécanicien d’Air Inuit depuis deux ans et demi.
Un natif de la place, Randy Koneak, a été accusé du meurtre prémédité de la jeune travailleuse de la santé, jeudi, à Amos, en Abitibi-Témiscamingue.
Plusieurs personnes rencontrées par Le Journal connaissent l’homme de 20 ans, mais peu de gens souhaitaient parler de lui, comme si le crime dont il est accusé jetait un voile de honte sur le village.
Il faut dire que les résidents de Kuujjuaq n’ont pas été témoins d’une telle violence depuis cinq ans, lorsque le policier Steve Déry a été tué en service.
Verrous
Dans les derniers jours, certaines personnes ont amélioré la protection de leurs résidences, leur sentiment de sécurité ayant été ébranlé par le récent drame.
Bon nombre des maisons où Le Journal s’est rendu possèdent déjà des portes doubles et des fenêtres très hautes, inaccessibles depuis le sol. Certaines demeures ont même des verrous à l’extérieur.
« J’ai mis un deadlock pour ma femme lorsqu’elle est toute seule. Elle a peur maintenant et ce n’était pas le cas avant », a relaté David Paquette, qui travaille dans le Nord depuis un an et demi.
« Avant [une femme de mon entourage] laissait sa porte débarrée. Depuis mercredi, elle a activé son système d’alarme. Des jeunes femmes se réunissent aussi pour ne plus dormir toutes seules dans les maisons », a illustré un homme résidant dans la communauté depuis longtemps, qui préférait ne pas être identifié.
La porte de gauche et la fenêtre arrière de la maison de Chloé Labrie ont été barricadées par les autorités jeudi. La travailleuse de la santé a été tuée dans sa demeure de Kuujjuaq, dans le Nord-du-Québec, lundi soir.
Peuple accueillant
L’arrestation du présumé tueur de Chloé Labrie semble toutefois atténuer quelque peu les craintes de certains habitants.
« C’est moins stressant maintenant. Ma maison est quand même sécuritaire », a confié une travailleuse venue du sud souhaitant garder l’anonymat.
Pour le maire Napartuk, il est normal que les citoyens aient peur.
« Si j’habitais à Dorval, et qu’un crime était commis au coin de la rue, j’aurais peur aussi. Ça n’a rien à voir avec le voisinage », souligne-t-il.
« Le peuple inuit est très gentil et très accueillant. Un drame comme ça ne définit pas ce que nous sommes en tant que communauté », conclut le maire.
IL NE POUVAIT PAS POSSÉDER D’ARME
Le jeune homme accusé du meurtre prémédité d’une employée de l’hôpital de Kuujjuaq, dans le Nord-du-Québec, était en liberté surveillée au terme de 18 mois de détention et il lui était interdit de posséder une arme à feu.
Randy Koneak a pratiquement toujours été sous les verrous depuis qu’il a atteint l’âge adulte, cumulant de nombreux délits.
L’homme de 20 ans avait écopé d’une peine de 18 mois de détention en avril 2017, relativement à des vols de véhicules et de motoneiges, des introductions par effraction, des méfaits et des voies de fait sur un agent de la paix, notamment.
Il devait suivre les conditions d’une probation depuis sa sortie de prison et les autorités lui avaient interdit d’avoir une arme.
Agression sexuelle
Par ailleurs, Le Journal a appris que Koneak aurait tenté d’agresser sexuellement Chloé Labrie, ce qui expliquerait l’accusation de meurtre au premier degré.
Généralement, un meurtre est prémédité lorsque la mort est planifiée et délibérée. Il existe néanmoins d’autres cas rares où quelqu’un peut être inculpé du crime le plus grave du Code criminel, sans connaître la victime.
Cela survient lorsqu’une autre infraction, telle qu’une agression sexuelle, un enlèvement ou une séquestration, est liée à l’homicide.
Selon nos informations, la Couronne aurait accusé Randy Koneak du meurtre prémédité de la femme de 28 ans parce que tout porte à croire que le crime découle d’une tentative d’agression sexuelle.
Pour l’heure, il est toutefois impossible de savoir si la victime a été choisie au hasard ou si l’accusé avait déjà tenté d’établir un contact avec elle.