Collusion et liens mafieux dans la construction : l'équipe d'Enquête travaille déjà sur de nouveaux dossiers

Crime organisé et politique - collusion (privatisation de l'État)

Photo d'archives Annik MH de Carufel
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Vincent Larouche - Collusion entre entrepreneurs, contrats publics gonflés artificiellement, ristournes versées à la mafia, chantage, intimidation : les malversations dans le domaine de la construction mises au jour par l'émission Enquête jeudi laissent entrevoir un système corrompu jusqu'à l'os. Et le pire, c'est que les journalistes affirment avoir encore en banque une foule d'histoires à fouiller.
Un des témoignages clés du reportage diffusé à Radio-Canada est celui d'un ex-fonctionnaire du ministère des Transports qui a été pendant des années l'intermédiaire entre la SQ et une source du milieu de la construction. Il raconte que son informateur avait été capable de prédire à quelques détails près les résultats d'une dizaine d'appels d'offres pour des travaux publics à Laval. Le tout, avant même l'ouverture officielle des appels.
Les entrepreneurs s'étaient entendus entre eux et avaient décidé à l'avance celui qui remporterait l'appel d'offres, ainsi que le coût.
Cette pratique serait généralisée dans les travaux routiers, selon plusieurs témoignages recueillis par les journalistes. Et la mafia italienne montréalaise serait là pour surveiller que personne ne vienne fausser les règles du groupe d'entrepreneurs qui se séparent les contrats. Un des intervenants du milieu estime que les travaux publics coûtent jusqu'à 35 % plus cher à cause de ces ententes secrètes.
Un des intervenants du milieu estime que les travaux publics coûtent jusqu'à 35 % plus cher à cause de ces ententes secrètes.
Les quelques joueurs qui se séparent les contrats sont surnommés les « Fabulous Fourteen » dans le jargon du milieu. Pour déjouer l'écoute électronique, ce groupe d'entrepreneurs utiliserait un langage codé pour discuter des appels d'offres. En parlant d'une partie de golf fictive, ils se communiquent le prix en dessous duquel personne ne peut descendre. Le vainqueur, qui soumissionnera juste en dessous du prix fixé, est choisi à l'avance.
Les entrepreneurs qui refuseraient de se plier à ce jeu seraient victimes de menaces, voire de représailles visant leur équipement ou leur intégrité physique. Ceux qui en bénéficient, eux, doivent verser une ristourne à la mafia, selon certains témoignages.
Pas juste à Montréal
Les malversations ne surviennent d'ailleurs pas uniquement à Montréal. Un segment de l'émission traite du cas de Boisbriand, où un entrepreneur qui remporte plus de 50 % des contrats de la Ville aurait fait des pressions pour tenter d'éviter la tenue d'élections municipales le 1er novembre prochain.
Lino Zambito, président de Construction Infrabec, a même été enregistré alors qu'il tentait de pousser deux candidats à ne pas se présenter aux élections.
Ces révélations ne devraient pas être les dernières à entacher le secteur de la construction au Québec, selon l'équipe d'Enquête, qui a déjà réalisé des reportages sur les comptes de dépenses de dirigeants de la FTQ-Construction, les liens des Hells Angels avec le syndicat et les rapports du Fonds de solidarité FTQ avec le controversé entrepreneur Tony Accurso.
Les journalistes Alain Gravel et Marie-Maude Denis sentent maintenant un « effet d'entraînement » qui pousse les gens du milieu à dénoncer la corruption. « Dès la diffusion à RDI d'une première version résumée de ce reportage, mercredi, nous avons reçu plein de courriels », raconte Mme Denis en entrevue avec RueFrontenac.
« Ce sont des gens qui ont des informations précises qui vont dans le sens de la collusion, et toutes ces histoires finissent par avoir des choses en commun, dit-elle. Malgré tout ce que nous avons trouvé, il en reste encore beaucoup plus, et nous en sommes en train de documenter ça. »


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