Chaque chef politique a ses qualités et ses défauts propres. Ses forces et ses lacunes. Philippe Couillard n’est pas Jean Charest. Il est plus intellectuel, moins instinctif ; il est plus rigoureux, moins chaleureux. Surtout, il est plus un homme de grands enjeux qu’un bagarreur de rue.
Traversant des mois difficiles et aux prises avec des sondages décevants, l’actuel premier ministre avait été poussé par je ne sais qui à jeter les gants comme le faisait si bien son prédécesseur. Pour rebondir après des périodes sombres Jean Charest explosait en attaques vigoureuses envers ses adversaires.
Or Philippe Couillard sonne faux lorsqu’il joue ce personnage. Ce qui résonnait comme de la fougue dans la bouche de Charest est reçu comme de l’arrogance lorsque ça vient de monsieur Couillard. Lorsqu’il montait le ton, on disait de Charest qu’il était combatif. De Couillard, on percevra plutôt qu’il est agressif ou désespéré.
Redevenu lui-même
Le premier ministre semble avoir pris conscience de la chose. Depuis deux ou trois semaines, il est revenu à un style qui lui sied mieux. Lors d’une longue entrevue au micro de Paul Arcand la semaine dernière, il n’est pas tombé à bras raccourci sur ses adversaires. Je me demande même s’il a mentionné leur nom.
Le chef du Parti libéral s’est plutôt concentré à vanter son bilan, qui est bien défendable d’ailleurs, et à se projeter dans l’avenir. Pondéré, positif, concentré sur les avancées qu’il souhaite pour les Québécois, il améliore les chances que son message soit entendu par les Québécois.
En parallèle, il a aussi baissé le ton d’un cran à l’Assemblée nationale. Il se montre moins obsédé par ses adversaires. Il se garde une certaine prestance de premier ministre, ce qui ne fut pas toujours le cas dans la dernière année.
Le changement de ton fut particulièrement remarquable lors de son allocution devant ses militants réunis en conseil en fin de semaine. Il a laissé d’autres officiers du parti cibler les adversaires. Philippe Couillard a concentré ses énergies sur son bilan et sa vision.
Je ne doute pas que plusieurs organisateurs libéraux pousseront Philippe Couillard à se montrer belliqueux. Ils ont en mémoire les retours en force miracles de Jean Charest. Chaque fois qu’on le croyait fini, il montrait du ressort et la férocité d’un fauve. Ceux qui espèrent la même chose du chef actuel n’ont rien compris au neurochirurgien qu’ils ont choisi.
Mains sur le volant ?
Par ailleurs, je demeure perplexe quant au statut énorme que le PLQ est en train de donner à Alexandre Taillefer. Le discours livré devant les militants libéraux ce week-end déborde largement du rôle habituel d’un organisateur. Il va créer énormément de frustration chez les séniors du parti.
Quant à sa déclaration voulant que le PLQ doive avoir les deux mains sur le volant en réponse aux menaces économiques de Trump, je ne suis pas sûr que ce soit habile. Cet argument fallacieux a fonctionné pour Jean Charest... mais lui a permis d’obtenir le mandat de trop, le mandat qui a mal tourné. Un mauvais souvenir pour les électeurs.