Philippe Couillard est un homme bien élevé, cultivé, savant : Le Soleille dépeignait récemment comme un lecteur boulimique privilégiant désormais les essais et les ouvrages théologiques. C’est dire qu’il connaît le poids des mots et le sens des formules. Aussi aurait-on pu espérer qu’à la faveur de la campagne électorale qui approche, le débat s’élèverait à un niveau rationnel, que l’invective céderait le pas à l’argumentation réfléchie, que les thèmes abordés se concentreraient sur les grands enjeux de notre société.
Hélas, il n’en est rien !
Les attaques les plus dures ne sont pas, pour l’instant, venues de l’opposition, mais du parti au pouvoir. Deuxième dans les sondages, l’équipe du Parti libéral du Québec ne semble avoir fixé aucune limite pour dépeindre ses adversaires sous le plus mauvais jour possible. Pour lui éviter sans doute d’avoir à poursuivre le débat sur notre taux de diplomation au secondaire, bien inférieur à celui du reste du Canada, ou encore de revenir sur la (sur)rémunération des médecins par rapport au ROC et la déshumanisation du système qu’a achevée Gaétan Barrette avec sa réforme. On se compare comme on peut !
Ne pouvant brandir l’épouvantail de l’indépendance ni crier « référendum, référendum, référendum » pour mobiliser une grande partie de leur base électorale, les libéraux attaquent sans relâche la CAQ et, dans une moindre mesure, le PQ en ne les associant à rien de moins qu’au Mal.
Philippe Couillard n’a cessé durant ce mandat de pratiquer une politique de division et de verser dans les attaques outrancières. Ses dernières en lice veulent que les caquistes « se situent à l’extrême droite » et que la question du port des signes religieux chez les personnes en position d’autorité n’intéresse pas les « véritables citoyens du Québec ». Ah bon : appuyer les recommandations de Bouchard-Taylor, c’est s’exclure de la société ! On pourrait croire à des écarts de langage. Mais à y regarder de près, les mots ne dépassent pas la pensée : ils la révèlent au grand jour. Il y a un peu plus de six mois, ne disait-il pas que Legault et Lisée « suscitent » la mobilisation de l’extrême droite ?
Fin 2016, alors qu’il commente l’élection du chef du Parti québécois, Couillard fait des rapprochements avec les partis populistes européens. Une journaliste lui fait remarquer qu’en Europe, c’est l’extrême droite. « Il va se trouver une parenté familière », tranche alors Philippe Couillard. À cela s’ajoutent les désormais célèbres « braises de l’intolérance », sur lesquelles il accuse le chef de la CAQ de souffler, alors que ce dernier soulève des questions légitimes sur les niveaux d’immigration au Québec. Dans la foulée, le ministre Leitão, généralement mieux avisé, ressort l’insulte du nationalisme ethnique…
Au lendemain de l’élection de 2014, Couillard compare la direction d’un gouvernement à la construction d’un édifice, qui repose sur une fondation formée de trois blocs : la transparence, l’intégrité ainsi que le respect et l’écoute. Pour « plus » de transparence, le gouvernement ne fait qu’adopter une loi dénoncée par tous les patrons de salles de presse du Québec parce qu’elle restreint l’accès à certains documents ! Intégrité : l’enquête Mâchurer, le départ du gouvernement de Sam Hamad à la suite des critiques du Commissaire à l’éthique, les révélations d’Annie Trudel sur les graves dysfonctions au ministère des Transports, et j’en passe, font craquer le deuxième bloc de l’« intégrité de nos administrations publiques ». Enfin, le respect et l’écoute se limitent trop souvent pour les libéraux à taxer la CAQ d’extrême droite et à exclure de la qualité de citoyens à part entière ceux qui ne sont pas d’accord avec eux. On comprend pourquoi l’édifice est aujourd’hui tout croche et pourquoi seulement 20 % des francophones appuient le PLQ.