Cour suprême: l’exception québécoise jugée fragile

Le processus de nomination des juges laisse beaucoup de place à l’interprétation, selon l’opposition

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«Flou alarmant»

Le Québec aura-t-il son mot à dire quant au choix de juges à la Cour suprême, en vertu du nouveau processus de Justin Trudeau ? L’opposition, à Québec comme à Ottawa, craint que non et dénonce le peu de garanties offertes par le gouvernement fédéral. Mais Philippe Couillard de son côté ne s’inquiète pas outre mesure, invitant le premier ministre à ce que le Québec et le Canada travaillent « ensemble » le temps venu.

La question pourrait ne pas se poser avant le départ prévu du juge Richard Wagner en 2032, qui sera le premier magistrat québécois à atteindre l’âge de la retraite obligatoire de 75 ans. Mais d’ores et déjà, les politiciens québécois des deux collines parlementaires espéraient qu’Ottawa s’engage, noir sur blanc, à choisir de concert avec Québec les prochains juges qui représenteront la province au plus haut tribunal du pays.

Justin Trudeau annonçait mardi qu’un comité consultatif indépendant éplucherait dorénavant les candidatures aux postes de juge à la Cour suprême, en vue de fournir une courte liste — non contraignante — au premier ministre. Les candidats retenus devront être bilingues et le comité devra tenir compte de la parité de même que de la « diversité de la société canadienne ». Le temps venu, « la composition du comité consultatif sera ajustée pour tenir compte de la tradition juridique particulière du Québec », stipule le document publié par le bureau du premier ministre. Sans offrir plus de détails.

Le premier ministre Philippe Couillard y voit « une autre manifestation bienvenue de l’asymétrie qui permet au Québec de prendre toute sa place au sein de la fédération canadienne ». Il note, dans une lettre ouverte transmise au Devoir (voir page A 7), que « le gouvernement du Québec devra avoir un rôle déterminant à jouer dans le processus consultatif qui mènera à la recommandation des trois juges pour le Québec. […] La porte est maintenant ouverte pour une discussion et une collaboration ». M. Couillard avait réitéré, à la suite de l’affaire du juge Marc Nadon, que le Québec devait avoir « son mot à dire ».

« Flou alarmant »


Or, sa réponse au fédéral mardi n’est « vraiment pas suffisante »,selon Simon Jolin-Barrette, député de la CAQ, qui juge que la lettre du premier ministre québécois ne contient « que de bonnes intentions » plutôt que d’exiger des garanties écrites. « Le gouvernement Couillard ne demande rien à Ottawa », a déploré le député, qui a déposé un projet de loi réclamant que l’Assemblée nationale dresse une liste de trois candidats à la Cour suprême à proposer au fédéral.

Le processus de M. Trudeau est « déplorable » pour le Québec selon lui, car la ministre québécoise de la Justice ne pourra donner que « son avis »,et ce, une fois que la courte liste de candidats aura été soumise à Justin Trudeau. « Ce mécanisme tend à minimiser le rôle qu’aurait pu et aurait dû jouer le Québec », a renchéri le député péquiste Stéphane Bergeron.

La proposition libérale est d’un « flou alarmant », acquiesce le chef du NPD, Thomas Mulcair. Son homologue bloquiste Rhéal Fortin estime qu’Ottawa devrait « démontrer sa bonne volonté » et certifier « clairement » que le Québec sera invité à soumettre ses choix de candidats. « On pourrait établir des règles de cette nature dès maintenant qui rassureraient tout le monde, mais surtout permettraient au gouvernement du Québec de se préparer en conséquence. »

Les Maritimes inquiètes


Pour commencer, le comité devra trouver un remplaçant au juge Thomas Cromwell — qui représente les Maritimes sur le banc de la Cour suprême et qui quittera son poste le 1er septembre. Les prétendants peuvent envoyer leur candidature jusqu’au 24 août. Un nouveau juge sera nommé cet automne. Le comité recevra des candidatures de partout au pays et préparera une liste de trois ou cinq noms « y compris des candidats du Canada atlantique ».

Une phrase qui dérange, dans l’Est. « Ce n’est pas difficile d’être déçu, quand on sait que la tradition veut qu’il y ait une représentation régionale au plus haut tribunal du pays. On ne dirait pas que le choix sera basé sur la région », a déploré Andrew Parsons, ministre de la Justice de Terre-Neuve-et-Labrador, à la CBC. Il est « possible » que ce ne soit pas le cas, a confirmé la ministre fédérale Judy Wilson-Raybould à la CBC.

Les conservateurs en ont fait leur principale critique mardi, leur porte-parole Rob Nicholson sommant M. Trudeau « de respecter la convention de longue date » qui veut qu’au moins un juge de la Cour suprême vienne de l’Atlantique.

Thomas Mulcair reproche de son côté aux libéraux d’avoir réformé le processus de nomination d’une « institution qui affecte les droits de l’ensemble des Canadiens […] sans avoir procédé à la moindre consultation, avec l’un ou l’autre des partis d’opposition ».

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