Francophonie

D'abord la langue

XIIIe Sommet de la Francophonie 2010 à Montreux



À chacun de ses sommets se pose invariablement la question de la pertinence de la Francophonie. À Montreux, treizième de ces grands-messes, nous avons eu droit à un début de réponse. Dans cet espace culturel, la défense de la langue française semble pouvoir devenir enfin une préoccupation de premier plan. Les consensus restent toutefois à faire quant aux gestes à accomplir.
Ce début de réponse est venu, faut-il s'en surprendre, du Québec qui a proposé la tenue en 2012 d'un forum mondial de la langue française, forum qui se répétera périodiquement pour nourrir la réflexion et les actions des pays et gouvernements membres de la Francophonie. Depuis 40 ans que celle-ci existe sous une forme institutionnelle, ce n'est que la deuxième fois qu'on s'arrête à débattre de l'avenir de la langue française.
Il faut bien sûr souligner l'ironie de la situation. Le premier ministre Jean Charest a fait cette proposition tout juste cinq jours après avoir voté à l'Assemblée nationale la loi 115 sur les écoles passerelles. Proposition appuyée d'ailleurs par la France dont le président n'était cependant pas présent à Montreux au moment de son adoption. Nicolas Sarkozy n'y a fait qu'un saut, se faisant représenter non pas par son premier ministre, mais par l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui est son représentant personnel pour les questions de la francophonie. Ici aussi se trouve une forme d'ironie dont le comble durant ce sommet est toutefois allé à la Suisse avec sa proposition d'un réseau francophone d'ingénieurs dirigé par une école de Lausanne qui enseigne... en anglais son programme de «master».
La volonté de placer la promotion du français au «coeur des missions de la Francophonie» est sincèrement partagée, croyons-le, par tous les pays membres. Par contre, souvent leurs politiques contredisent le message que l'on tente d'envoyer au reste de la planète quant à la valeur de la langue et de la culture françaises. Que comprendre lorsque des porte-parole de la France privilégient l'anglais pour communiquer dans des instances internationales ou lorsque de grandes institutions d'enseignement choisissent l'anglais comme langue de formation?
L'attitude de la France n'est pas exempte d'ambiguïté. Elle plaide pour l'ouverture aux autres langues et aux autres cultures, en particulier à l'anglais. Son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, écrivait la semaine dernière que «l'heure n'est plus aux combats d'arrière-garde», affirmant qu'il est important que l'Afrique francophone, dont on dit pourtant qu'elle est l'avenir de la francophonie, parle aussi anglais, et réciproquement.
L'ambiguïté tient à la capacité de domination de l'anglais, qui est en train de pervertir le français sur le territoire même de la France. Comme en réplique à Bernard Kouchner, le chroniqueur Jacques Julliard écrivait pour sa part dans Le Nouvel Observateur la semaine dernière qu'on est en train d'assassiner la langue française. Celle-ci est «humiliée, ridiculisée, violée à tous les carrefours, réduite à l'état de petit nègre! [...] Par ceux-là mêmes dont la fonction serait de la défendre et de l'illustrer». Heureux de le lire cette fois sous une plume française.
Le Québec et les Québécois ne sont pas exempts de reproches en matière de langue. Mais ils attendent de la France, qui demeure le coeur de la francophonie, un engagement exemplaire. Autrement, l'espace culturel que veut être celle-ci perdra sa raison d'être. À suivre lors de ce forum mondial qu'accueillera le Québec en 2012.


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