Dérapage linguistique - Juste pour rire ne la trouve pas drôle

Le Théâtre Sainte-Catherine met le Zoofest dans l'embarras en insultant des internautes francophones

« Go fuck yourself » - Eric Amber

Fabien Deglise - Le Théâtre Sainte-Catherine, sis dans la rue du même nom à Montréal, se retrouve dans la tourmente après avoir insulté par courriel plusieurs spectateurs potentiels qui déploraient que la programmation du diffuseur à l'occasion du Zoofest, qui bat son plein en ville jusqu'à la fin de juillet, leur soit présentée uniquement en anglais.
Le geste a été vertement condamné hier par la direction de ce nouveau festival bilingue montréalais, mis au monde par Juste pour rire. La directrice générale, Lucy Eveleigh, le juge «inadmissible» tout en soulignant que ce genre de comportement «va à l'encontre de l'esprit même du nouvel événement», jeune, éclaté et ouvert sur la création, peu importe sa langue et son origine.
Pourtant, depuis mercredi, Jacob Brindamour, de la troupe de théâtre de Trois-Rivières Les Sages fous, fait circuler dans le cyberespace un échange qu'il a eu la journée même avec les responsables du théâtre. Exposé à un courriel unilingue anglophone qui détaille la série de spectacles présentés au Théâtre Sainte-Catherine dans le cadre du Zoofest, il demande de «recevoir le message en français» ou bien d'être «retiré de la liste».
Dans une réponse non signée, le théâtre montréalais s'emporte en précisant que les spectacles étant en anglais, le message l'est aussi par la force des choses. Et d'ajouter, dans la langue de Shakespeare: «Vous ne pouvez bien sûr pas lire l'anglais, parce que vous êtes un sectaire ignorant [uneducated bigot]», avant de poursuivre avec l'insulte suprême: «Go fuck yourself.»
Rencontré hier en fin de journée par Le Devoir au Théâtre Sainte-Catherine, Eric Amber, le directeur de l'établissement, visiblement ébranlé par la tournure des événements, a reconnu être l'auteur de ces lignes.
Tout en trouvant son geste «regrettable», il justifie le caractère haineux de ces propos par la nature agressante, dit-il, de plusieurs messages reçus à la suite de l'envoi massif de la programmation, qu'il a effectué par courriel. Des centaines d'institutions culturelles, francophones et anglophones, un peu partout au Québec, étaient visées par ce message publicitaire affichant les couleurs du Zoofest et de Juste pour rire.
«Plusieurs personnes m'ont insulté parce qu'elles avaient reçu un courriel uniquement en anglais, dit-il. Mais nous sommes un théâtre principalement anglophone, comme le Centaur [autre théâtre anglophone de Montréal, qui communique avec sa clientèle en anglais]. On m'a même traité de maudit anglo et même de sale juif, assure-t-il. Face à cette hargne, la soupape a sauté. J'ai répliqué.»
M. Amber se défend toutefois de vouloir chercher l'affrontement avec les francophones. «Si j'ai décidé de relancer ce petit théâtre de la rue Sainte-Catherine il y a huit ans, c'est parce que j'aime Montréal. Je suis Québécois, j'aime la diversité culturelle qu'il y a ici.»
Pour Juste pour rire, qui encadre les premiers pas du Zoofest, l'affaire va être «prise très au sérieux», a assuré hier Sylvie Savard, porte-parole de l'événement. «Nous ne pouvons pas tolérer de telles choses.» Par ailleurs, une rencontre -- très animée, a appris Le Devoir -- a eu lieu en fin d'après-midi hier entre la haute direction du Zoofest et Eric Amber. Rien n'a toutefois filtré sur la teneur des discussions.


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