Des brevets d'Hydro-Québec suscitent la controverse

Braderie technique : Auto électrique - Brevets - moteur-roue


La Blue Car, du Groupe Bolloré, utilisera des batteries LMP fabriquées au Québec.
Photo: Daniel Bordeleau


Hydro-Québec souhaite commercialiser en Asie des brevets essentiels à la fabrication des batteries lithium-métal-polymère (LMP) qui serviront à propulser une partie importante des nouveaux véhicules électriques sur le point d'entrer en production.
Cette décision de la société d'État soulève la controverse. Plusieurs personnes concernées ont recommandé que les acheteurs de ces licences soient tenus d'installer une usine au Québec et d'y effectuer une partie de la production.
Hydro-Québec vient toutefois de changer de politique. La société d'État ne veut plus attendre des années que des entreprises installées au Québec lui versent leurs redevances sur ses brevets.
Une technologie de pointe
Hydro-Québec effectue des recherches sur les batteries LMP depuis 1979. En 1994, la société d'État crée Argotech, qui deviendra par la suite Avestor, pour mettre au point cette batterie révolutionnaire. Les problèmes techniques sont nombreux.
En 1995, un des chercheurs d'Argotech, Michel Gauthier, prend connaissance des recherches récentes de John B. Goodenough, de l'Université du Texas, sur un nouveau composé : le phosphate de fer. On pense pouvoir mettre au point une cathode (électrode positive) révolutionnaire grâce à ce produit.
En 1997, Hydro-Québec achète donc une licence d'utilisation exclusive pour ces brevets portant sur le phosphate de fer.
Des recherches subséquentes effectuées à l'Université de Montréal par une équipe dirigée par Michel Gauthier, qui vient de quitter Hydro-Québec, ont permis de mettre au point le procédé de fabrication et ont donné naissance, en 1999, à une deuxième famille de brevets. Le Centre national de la recherche scientifique, en France (CNRS), a également participé à ces travaux.
Une fois la technologie au point, Michel Gauthier et son équipe de chercheurs ont mis sur pied une entreprise pour produire et commercialiser le nouveau produit. C'est ainsi qu'est né, en 2004, Phostech Lithium, qui a construit une première usine à Saint-Bruno-de-Montarville, en banlieue de Montréal.
Phostech Lithium a été vendue en 2008 à l'entreprise allemande Süd Chemie. Cette entreprise possède pour l'instant le droit d'utilisation exclusif pour tous les brevets de l'Université du Texas et ceux de l'Université de Montréal.
En échange de cette exclusivité, Süd Chemie s'est engagée à installer une usine de production au Québec. Elle y effectuera le tiers de sa production mondiale de phosphate de fer, en vertu de la Clause Québec. Cette usine, qui représente un investissement de 60 millions d'euros, est en cours de construction à Candiac, en banlieue de Montréal.
Bathium Canada, une filiale du groupe français Bolloré, est le principal client de Phostech Lithium. Cette entreprise s'apprête à lancer la première production industrielle au monde de batteries LMP. Ses premières batteries seront utilisées pour propulser la voiture électrique développée par le Groupe Bollorée, la Blue Car, dont 3000 exemplaires ont été vendus à Autolib, le projet d'automobile en partage de la région parisienne.
Hydro-Québec souhaite maintenant commercialiser les brevets sans délai moyennant une avance de redevances de 10 millions de dollars par brevet. Les trois brevets visés rapporteraient donc 30 millions, ce qui couvrirait les premières années de production.
Hydro-Québec toucherait de nouvelles redevances une fois le crédit de 10 millions par brevet épuisé. Par contre, elle devrait partager ces redevances avec l'entreprise allemande Süd Chemie, qui possède les droits d'utilisation, et l'Université de Montréal et le CNRS, titulaires des brevets.
Cette décision soulève la colère d'une coalition dirigée par Michel Gauthier, président de Phostech Lithium et ancien chercheur à Hydro-Québec, et par le député péquiste François Rebello, qui représente la circonscription de La Prairie, où se construit la nouvelle usine de Phostech Lithium. M. Rebello a organisé plusieurs rencontres entre les membres de son groupe et la ministre Nathalie Normandeau, responsable d'Hydro-Québec.
M. Rebello et les autres membres du groupe ne s'opposent pas à la vente de licences à l'étranger. Ils demandent toutefois que ces ventes soient assorties de la Clause Québec, qui forcerait les acheteurs à effectuer une partie de leur production au Québec. Selon eux, si Süd Chemie a accepté de telles conditions, d'autres pourraient le faire également.
La ministre Nathalie Normandeau a toutefois donné une réponse négative, mercredi dernier. Selon elle, il n'est pas question de forcer Hydro-Québec à inclure la Clause Québec dans ses ventes de licences. Cela ne pourrait pas se faire, précise-t-elle. Cette réponse, qui semble définitive, ne convainc pas le groupe d'opposants.
Avec le reportage de Daniel Bordeleau


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