Don Macpherson, un élégant dénigreur

Crise linguistique au Québec 2012

Le politologue Pierre Martin a bien raison de croire que le retour de la question linguistique dans l’actualité a fortement marqué la fin de l’année 2011 au Québec. (Pierre Martin, The return of language politicswww.thestar.com, 22 décembre 2011)


Et qui dit retour de la question linguistique dit afflux de critiques acerbes de la part d’éditorialistes, d’animateurs et de chroniqueurs anglo-québécois contre un Québec qui, à leurs yeux, serait trop chatouilleux sur les questions de langue. Le mot «chatouilleux» est un euphémisme quand on pense aux références nazies dont, à la fin des années soixante-dix, on a affublé Camille Laurin, le père de la loi 101. Or, avec ce retour de crise, il semble bien que Don Macpherson de The Gazette a revêtu, certes avec un peu plus d’élégance, les habits du trop célèbre Howard Galganov.


Tout débute à la mi-novembre avec notre bonne vieille Presse qui semble décidé, quant à la question linguistique, à ne plus être en reste par rapport au Journal de Montréal. C’est ainsi que le 15 novembre elle nous apprend que, parce qu’incapables de parler la langue de Molière, deux hauts-gradés de la Caisse de dépôt obligent leurs subalternes à ne communiquer avec eux que dans celle de Shakespeare. Quatre jours plus tard, c’est La Presse encore qui nous apprend que des cadres de la Banque nationale se plaignent d’être forcés de communiquer en anglais avec un de leur patron. Et La Presse du 8 décembre cogne encore et toujours sur le même clou linguistique en nous apprenant que le français n’est pas « la langue normale et officielle de travail » chez Bombardier Aéronautique. La cerise sur le gâteau nous arrive enfin au petit matin du samedi 17 décembre quand la radio nous apprend que Jacques Martin a été congédié comme entraineur du Canadien. Et qu’il a été remplacé par Randy Conneyworth, un unilingue anglais.

Considérant l’ampleur de la crise, André Pratte a dû se mordre les pouces d’avoir ainsi encouragé ses journalistes à gratter les fonds de tiroirs dans le but express de faire découvrir à la population qu’il y avait encore un grand nombre de haut-gradés unilingues anglais à bosser au sein de nos grandes entreprises. « Pas pensé qu’il y aurait cette stupide décision de Pierre Gauthier» a dû maugréer notre inconditionnel pro-plus meilleur pays du monde. Un Pratte qui, a voulu se racheter au lendemain d’un sondage démontrant que 80 % des Québécois étaient insultés par la décision de Geoff Molson et de Pierre Gauthier. Un Pratte qui se voit donc forcer de pontifier du haut de sa chaire éditoriale. Des patrons de la Sainte Flanelle, il ne réclame rien de moins qu’ils se soumettent à l’obligation «de préserver et de promouvoir la langue française à l’intérieur et à l’extérieur de leurs murs.» (Le devoir de nos institutions, La Presse, 20 décembre 2011)

Comme il fallait s’y attendre de la Gazette, on a plutôt été porté à minimiser l’événement. En édito, on n’a surtout souligné le côté temporaire de l’engagement de Cunneyworth. (The Gazette’s View, The Habs make an exception for an interim coach, 20 décembre 2011).

Mais Don Macpherson est plus direct tout à coté, écrivant que cette montée de fièvre s’atténuera sitôt que l’équipe accumulera des victoires. Mais, malgré ce faible espoir, Marois et Charest se doivent de remercier Molson et Gauthier, ironise le chroniqueur, pour leur avoir ainsi donné de beaux cadeaux de Noël. (The PQ gets an assist from the Habs, The Gazette, 20 décembre 2011)

Beau cadeau pour Pauline, ajoute Macpherson, car l’affaire Conneyworth recentre le débat politique sur la question identitaire alors qu’un récent sondage démontre que plus de 44% des Québécois font plus confiance au PQ quant à la sauvegarde de la langue française. Mais le cadeau de Jean Charest risque d’être de plus grande valeur que celui de la cheffe péquiste puisque l’affaire Conneyworth ne fera, ajoute Macpherson, qu’éroder quelque peu les appuis à François Legault, permettant ainsi au PLQ de se faufiler et de rester au pouvoir lors du prochain rendez-vous électoral. Au grand bonheur de l’équipe de The Gazette qui a été très déçue de la récente visite au journal du chef caquiste.

La part de mépris des Québécois pouvant être détectée quand Macpherson pense que quelques victoires suffiront pour que cesse la grogne des fans du Canadien n’est rien par rapport à celui qui se dégage de la petite phrase assassine en plein centre du texte : « Last Thursday, Marois issued an appeal with xenophobic overtones on the theme of “respect” for “us” to “affirm our Québécois identity” against minorities in areas including language. »

Macpherson accuse Marois de faire ce qu’on appelle du «nationalisme ethnique » On sait ce que cela a coûté au PQ aux élections générales de 2007 d’avoir embrassé le nationalisme dit « civique». C’était la façon d’André Boisclair et compagnie de se démarquer du discours de Jacques Parizeau au soir du référendum de 1995. Il faut ici se poser la question. Qui, depuis toujours au Québec, pratique sans aucun remord, le nationalisme dit «ethnique» ? Et qui, encore aujourd’hui,  le pratique sans vergogne? Encouragé par un Macpherson qui, entre les lignes, manifeste constamment qu’il souhaite la victoire du PLQ et cela, malgré toute la dégradation et la corruption entourant ce « Parti des Anglais » ?

Quand Macpherson écrit que Marois attaque les minorités, il se fait d’abord le porte-parole de la minorité qualifiée d’ «historique», dont il est membre, et qui ne représente qu’un maigre 8% de la population québécoise, une minorité historique qui a toujours été bien plus gavée que nos minorités des autres provinces pourtant toute autant « historiques», une minorité  historique québécoise qui se bat encore et toujours bec et ongles pour conserver le privilège qu’elle détient d’attirer vers sa langue, et surtout sa culture, plus de la moitié des Néo-Québécois.

En traitant la cheffe péquiste de xénophobe, Macpherson transmet sournoisement un message bien précis à ces Québécois de fraiche date, message qui veut que tous les gouvernements québécois qui, depuis la promulgation de la loi 101, se sont succédé, ont tous eu tort de promouvoir une politique d’intégration des Néo-Québécois à la majorité des Parlants français. Selon le principe émis par Camille Laurin voulant que le Québec ait le devoir et le droit de devenir aussi français que l’Ontario est anglais.

Ce dénigrement systématique de la société québécoise est une bonne vieille astuce de Don Macpherson. C’est avec ferveur qu’il l’a pratiqué au lendemain du discours de Jacques Parizeau sur « l’argent et les votes ethniques». Et, pour cet adepte du multiculturalisme à la Trudeau, les accusations de haine des étrangers de la part des Québécois sont apparues sous sa plume à chacune des fois que la question des accommodements raisonnables revenait dans l’actualité, que ce soit lors de l’affaire du kirpan dans une école de LaSalle, que ce soit quand une étudiante musulmane n’a pas voulu dévoilé son visage dans un cours de français, que ce soit à l’occasion de la polémique engendrée par la publication du code de conduite d’Hérouxville.

Vous pouvez cependant être certains que jamais Don Macpherson ne se permettra d’utiliser ce vilain mot de « xénophobe » envers Pauline Marois lors de ses chroniques hebdomadaires à C’est bien meilleur le matin. « Que voulez-vous ?», comme dirait Jean Chrétien, « Radio-Canada est là pour faire la promotion du Canada !» Pas surprenant qu’en ce 21 décembre 2011 journée bourrées de commentaires sur l’affaire Conneyworth, Catherine Périn ait invité l’ex-candidate du NPD et très bien cotée Anne Lagacé-Dowson et un journaliste du Globe and Mail pour nous dire comment les Canadiens-anglais sont maintenant ouverts à la promotion du français.

Mais, grave problème pour les tenants du Canada, il reste que ce ne sont pas la maigre proportion d’auditeurs de Médium large qui risque de faire basculer les mentalités au Québec. Le risque semble plutôt venir du côté du 95fm. Ainsi, le matin même de l’annonce de l’engagement de Conneyworth, Paul Houde avait Réjean Tremblay au téléphone. Un Tremblay qui corroborait ce qu’avait déjà dit Pierre Curzy aux Francs-Tireurs, à savoir que c’est sciemment que la direction des Canadiens cherche à limiter le nombre de joueurs québécois dans la formation. Et Tremblay de prédire que qu’à force de tels mépris, l’histoire risque de se répéter. « Rappelles-toi, dit-il à Houde, que les émeutes de la rue Sainte-Catherine en 1955 contre le traitement que Clarence Campbell a fait subir à Maurice Richard n’ont précédé que de cinq ans la Révolution tranquille.» Wow !

Nul doute que, lors des diners de Noël, l’affaire Conneyworth a alimenté les conversations autour de la dinde. Incidemment, dans sa chronique du 24 décembre, c’est très exceptionnellement que Macpherson a souhaité joyeux Noël à Benoît Dutrizac et Richard Martineau. Beau joueur que ce Macpherson !

Connaissant le petit côté grognon de Dutrizac, on peut penser qu’à son émission d’après-midi au 98,5fm, il a su houspiller Macpherson, le priant de cesser de jouer à la victime. Quant à Martineau, à part de souvent revenir sur la question de l’islamisme radical dans sa colonne quotidienne du Journal de Montréal, Don Macpherson est également régulièrement devenu sa tête de Turque. Et elle l’a été le 21 décembre quand il n’a pas manqué de revenir sur son accusation de xénophobie portée la veille envers Pauline Marois. Et réplique tout de go il y eut de la part de Macpherson sur son bloque. Ce que n’a pas manqué d’être tout aussi tout de go signalé sur celui du National Post par Chris Selley.

Cela commence à jouer dur entre, d’une part, des Macpherson toujours prêts à monter aux créneaux pour encore et toujours dénoncer une loi 101 toute aussi décapitée qu’elle fusse devenue, et d’autre part, les Martineau, Dutizac et autres Gilles Proulx de notre radio et presse dites « populaires ». Chez ces derniers, on sent maintenant une volonté nette de ne plus laisser passer aucune saloperie de la part de leur alter ego bossant dans la boîte de la trop longtemps respectée Gazette.

A fait son temps le dénigrement d’un peuple qui a été et reste encore on ne peut plus accommodant.


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