Québec - Industrie du livre & Gouvernement

Du papier au numérique sans égard à la démocratisation de l’accès à l’édition

Tribune libre

L’industrie québécoise du livre papier traditionnel a réussi avec succès son entrée dans le monde du numérique. La principale infrastructure technologique (l’entrepôt numérique) est en place et elle semble suffisamment flexible pour s’adapter aux nouveautés du marché. Le programme d’aide financière gouvernementale pour l’édition de la version numérique est également en fonction. Une offre de départ de 3,500 titres se retrouve déjà dans quelques librairies en ligne sur Internet. Il ne reste plus qu’à développer cette offre numérique compte tenu des quelque 6,000 titres papier édités annuellement au Québec. Malheureusement, la démocratisation de l’accès à l’édition ne figurait pas au programme. Bref, les auteurs québécois éprouvent tout autant de difficultés à trouver un éditeur malgré les possibilités numériques.
L’observateur se doit de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un «passage» du papier au numérique mais uniquement de l’ajout d’une version numérique à la version papier. Car, en amont rien n’a changé. L’industrie du livre préserve sa prérogative sur le choix des manuscrits à éditer. Les critères de sélection demeurent les mêmes. Et les critères commerciaux priment toujours sur les critères littéraires (À lire). Au final, le taux de refus s’élève toujours à plus de 90 %. Nous verrons plus loin en quoi aurait consisté un véritable passage du papier au numérique.


L'industrie québécoise du livre
sous le choc du numérique


Auparavant, il importe de se pencher sur les enjeux dictés par les intérêts de l’industrie québécoise du livre et le gouvernement du Québec. L’avènement du numérique à la fin des années 90 fut perçu par l’industrie du livre comme une lubie passagère. Mais le développement de l’édition en ligne sur Internet lié de près à l’arrivée des premiers appareils d’impression à la demande (un exemplaire à la fois à la demande expresse de chaque lecteur) aux États-Unis et en Europe a forcé l’industrie d’ici à revoir sa position même si elle ne se sentait pas encore vraiment concernée.
La majorité des intervenants de la chaîne québécoise du livre percevaient ces récents développements du numérique comme source potentielle de concurrence, vite qualifiée de malsaine. La démocratisation de l’accès à l’édition entraînerait nécessairement une baisse de la qualité. L’industrie québécoise du livre soutient être la seule à pouvoir assurer la publication de livres de qualité.
Pour sa part, au début des années 2000, le gouvernement du Québec est déjà prêt à aider l’industrie à entrer dans l’ère Internet mais l’industrie ne cesse de revenir sur ses pas. Des centaines de milliers de dollars investis par le gouvernement se perdent en raison de ces reculs.
Quant à la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC - un organisme d’état), elle affirme en 2002 que l’édition en ligne ne se développe pas au Québec tout simplement parce qu’il n’y a pas de demande.
Il faut souligner l’absence quasi totale de traitement du sujet dans nos médias. Peu de gens savent réellement ce qui se passe aux États-Unis et en Europe.
Puis viennent les livres électroniques. L’industrie québécoise du livre n’y voit qu’un gadget et prédit son rejet par la population davantage attachée au bon vieux livre papier. Cependant, le succès du «kindle», le livre électronique lancé par la libraire en ligne américaine Amazon, ébranlera quelque peu le milieu québécois du livre. Ensuite vient le succès du livre électronique de Sony, toujours sur le marché américain, anglophone, devrait-on dire. L’Europe a déjà ses propres succès avec des modèles de livres électroniques développés en ses frontières. Il en va de même en Asie.


Le Québec isolé faute de livre numérique
Le Québec se retrouve soudainement isolé car les compagnies de livres électroniques retardent leur mise en marché ici en raison de l’absence de contenu numérique québécois. Si les éditeurs québécois sont stoïques, la demande au sein de la population se fait sentir et le livre électronique apparaît finalement sur notre marché grâce au contenu numérique en français produit par la France. La grande chaîne québécoise de libraires Archambault ouvre sa librairie en ligne grâce à une entente avec la librairie en ligne française Numilog et offre sur son site le livre électronique français Cybook.


Notre industrie du livre agit en bénéficiaire de l’état
Née de la Révolution tranquille, une période de modernisation du Québec (1960-70), notre industrie du livre agit en bénéficiaire de l’état. Elle veut des subventions pour rattraper son retard. Ainsi, l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) obtient une subvention des gouvernements du Québec et du Canada pour réaliser une étude de marché sur le potentiel du livre (exemplaire) numérique.


Un distributeur spécialisé dans le livre numérique
L’étude s’avère concluante puisque l’association des éditeurs reçoit une autre subvention, celle-là pour se doter d’un entrepôt numérique. Il s’agit d’un complexe informatique virtuel hébergé sur un serveur relié au Web où les éditeurs pourront entreposer les versions numériques de leurs livres et où les libraires en ligne sur Internet pourront se connecter pour livrer les exemplaires numériques commandés par leurs clients. Autrement dit, cet entrepôt virtuel est ni plus ni moins qu’un distributeur spécialisé dans le livre numérique.
Officiellement, l’industrie préfère parler d’un «agrégateur» mais se confond dans sa définition : «AGRÉGATEUR : ou agrégateur de livres numériques, service mis en place par l'ANEL et De Marque permettant aux éditeurs québécois de stocker et distribuer leurs livres numériques depuis une seule plate-forme. L'agrégateur est donc à la fois un entrepôt numérique mais aussi un distributeur puisqu'il permet de livrer des fichiers numériques.» (Gilles Herman, éditeur québécois).


La distribution, un maillon imposé par la « loi du livre »
L’idée de ce distributeur numérique n’est pas anodine. Il ne s’agit pas uniquement de regrouper les éditeurs afin qu’ils puissent s’offrir un service trop dispendieux individuellement. L’objectif consiste plutôt à préserver le statut d’éditeur et celui du distributeur dans l’ère du livre numérique sans contrevenir à «loi du livre».
En effet, au Québec, le commerce du livre est soumis à une loi adoptée en 1981 qui «réglemente les pratiques commerciales de tous les intervenants de la chaîne du livre, de façon à assurer à chacun une part la plus équitable possible des revenus tirés du commerce du livre» (Consulter : Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre (L.R.Q., c. D-8.1)).
Si cette loi parle du «développement des entreprises» dans son titre, elle traite en fait principalement des conditions d’accès aux subventions suivant le statut des trois intervenants majeurs dans le commerce du livre, c’est-à-dire, l’éditeur, le distributeur et le libraire.
Selon cette loi, chacun de ces intervenants doit être agréé par le gouvernement pour recevoir une aide financière de l’état. La loi dicte aussi le commerce entre ces intervenants : l’éditeur agréé doit confier sa production à un distributeur agréé duquel doit s’approvisionner le libraire agréé. De plus, les bibliothèques publiques subventionnées par l’état doivent acheter leurs livres auprès des librairies agrées.
Il faut retenir de cette loi et ses règlements la présence imposée de trois maillons de la chaîne du livre : éditeur, distributeur et libraire. Ainsi, le respect de la loi exige le maintien du maillon de la distribution même dans la chaîne du livre numérique. Avec l’entrepôt numérique reconnu à titre de distributeur, le gouvernement du Québec pouvait donc contribuer financièrement à l’entrée de l’industrie du livre dans le monde du numérique sans changer la loi.

Protection du monopole des bénéficieras
des programme d'aide à l'édition de l'état

Plus important encore, le déploiement numérique dans le respect de la loi du livre protégeait le monopole des bénéficiaires des programmes d’aide de l’état, ce qui n’est pas sans satisfaire ces derniers face à la venue d’éditeurs offrant uniquement l’édition numérique ou l’impression papier à la demande ne nécessitant pas de distributeur voire de libraire. Un lien direct entre l’éditeur et le lecteur est contraire à la loi québécoise sur le commerce du livre. La loi n’empêche pas l’éditeur de vendre ses livres directement aux lecteurs mais, dans ce cas, l’éditeur n’a droit à aucune aide de l’état.
Bref, l’idée de l’entrepôt numérique ne répondait pas à une simple nécessité technologique. Il s’agissait de préserver la composition actuelle de la chaîne du livre (éditeur, distributeur, libraire) dans sa version numérique.


Une approche industrielle dispendieuse
L’approche industrielle du livre numérique québécois en fera saliver plusieurs, notamment, les programmeurs nécessaires à l’entretien de l’entrepôt numérique et à la production des fichiers destinés aux lecteurs. Déjà largement dépassés par l’informatisation de leurs opérations, la majorité des éditeurs sont à la merci des prix fixés par l’industrie informatique.
La présence imposée du maillon de la distribution ajoutée à celle de la production informatique confrontera le lecteur à des prix élevés pour obtenir l’exemplaire numérique du livre de son choix. En moyenne, le livre numérique québécois se vend 75 % du prix du livre papier. Un prix ne permettant pas une explosion des ventes en format numérique. Après son investissement dans l’achat d’un livre électronique, quelques centaines de dollars, le lecteur souhaite des prix beaucoup moins élevés à l’achat des fichiers de livres numériques. Mais cela n’embête pas l’industrie qui profite de généreuses subventions de l’état.
On peut applaudir la chaîne du livre pour la préservation de son monopole éditorial et commercial subventionné par l’état, même à l’ère du numérique. L’industrie du livre a réalisé un véritable tour de force en limitant les éditeurs en lignes à leurs propres moyens. Aucune aide de l’état ne peut leur être accordée.


Négation en règle des avantages réels du numérique
En revanche, il faut dénoncer la complicité de l’état car il nie ainsi tous les avantages réels du numérique dans le domaine du livre, à commencer par la démocratisation de l’accès à l’édition engendrée par une réduction substantielle des coûts et, par conséquent, des risques financiers. L’éditeur en ligne sur Internet peut vendre directement ses livres dans sa propre librairie en ligne. Il se soustrait à la commission demandée par le distributeur et le libraire. Dans le monde du numérique, on parle d’un «éditeur-libraire» «en ligne sur Internet». Cette chaîne du livre ne compte qu’un seul maillon et elle ne se conforme pas à notre loi du livre, donc aucune aide de l’état.


Enjeu : démocratisation de l'accès à l'édition
Les risques financiers réduits à leur plus simple expression, l’éditeur-libraire peut alors laisser de côté les critères de sélection purement commerciaux et éditer davantage d’œuvres. Les auteurs en retirent un accès à l’édition beaucoup plus large que dans l’autre chaîne du livre. Il en résulte une véritable démocratisation de l’accès à l’édition.


Enjeu : la pratique de l'écriture au sein de la population
Les avantages de cette démocratisation jouent tout d’abord en faveur de la pratique de l’écriture au sein de la population. On a souligné le taux de refus de 90 % des manuscrits soumis par nos auteurs, amateurs et professionnels, aux éditeurs de l’ancienne chaîne du livre. Or, il faut beaucoup de courage pour écrire lorsqu’on a moins de 10 % des chances d’être publié. L’auteur en herbe et l’écrivain professionnel peuvent se décourager rapidement à la suite d’une lettre de refus après l’autre. L’accès plus aisé à l’édition en ligne l’encouragera à persister dans sa pratique de l’écriture avec un effet d’entraînement au sein de la population.


Enjeu : préservation du patrimoine littéraire populaire
La démocratisation de l’accès à l’édition contribue aussi à la préservation du patrimoine littéraire populaire. Au lieu de remiser son œuvre au fond d’un tiroir et de l’oublier après les refus d’éditeurs, l’auteur trouvera dans l’édition en ligne une planche de salut non négligeable, ne serait-ce que pour être lu par ses proches. L’édition de moins de 10 % des œuvres de nos auteurs ne saurait pas donner une juste représentation de notre patrimoine littéraire, d’autant plus que la sélection actuelle répond davantage de critères commerciaux que littéraires.
L’éditeur en ligne sur Internet se donne ainsi la même mission qu’une bibliothèque nationale obligeant le dépôt légal : préserver et rendre accessible, sans jugement éditorial sur la valeur réelle de l’œuvre, d’autant plus que cette valeur vient souvent avec le temps.
Prenons en exemple ces photographies anciennes prises et développées par des amateurs, souvent mal cadrées et tachées d’acide, préservées par nos bibliothèques nationales au coût de dizaines de milliers de dollars. Pourquoi un tel investissement ? Parce que ces photographies sont souvent le seul et unique témoignage d’un temps donné à un endroit donné au sein d’une communauté donnée. Si nos bibliothèques nationales conservaient uniquement que les photographies prises par des professionnels, notre perception du passé ne serait certainement pas aussi juste et intime que nous le permettent les photographes amateurs de notre histoire.
Il en va de même avec le patrimoine littéraire populaire. Chaque contributeur à ce patrimoine mérite une chance d’être lu ou, à tout le moins, de voir son œuvre préservée comme un témoignage de notre époque.


Enjeu : la qualité des oeuvres éditées en ligne
Évidemment, cette chance à chacun irrite passablement les tenants du monopole éditorial de l’ancienne chaîne du livre. Ils craignent l’édition d’œuvres de mauvaise qualité. Ils accusent les éditeurs en ligne de rechercher le profit dans la quantité plutôt que la qualité. Et ils envisagent un impact négatif de cette «pauvre littérature» dans la population. En fait, ils redoutent avant tout l’impact négatif de ces publications en ligne sur leurs ventes car le nombre de lecteurs n’augmente pas dans la plupart des pays industrialisés. Autrement dit, ils ne veulent pas perdre des lecteurs au profit d’une nouvelle offre. La solution : dénigrer la qualité de cette nouvelle offre.
Or, les éditeurs en ligne n’éditent pas tout et n’importe quoi. Ils sont tout simplement plus ouverts.
On ne peut pas soutenir raisonnablement que moins de 10 % des écrits de nos auteurs amateurs et professionnels méritent d’être publiés. Une telle position implique un déni en règle des bienfaits de la démocratisation de l’accès à l’instruction au sein de la population depuis les cinquante dernières années.
D’abord, au Québec, il faut tenir compte du fait que l’écriture attire de nos jours davantage les personnes âgées que les jeunes, c’est-à-dire, des gens instruits jouissant d’une certaine expérience de la vie, tant sur le plan personnel que professionnel. Ces gens ne se donnent pas la peine d’écrire sans viser une certaine qualité dans tous ses aspects, y compris la langue. Et plusieurs y parviennent. La statistique va bien au-delà des 10 % des manuscrits reçus et peut grimper jusqu’à 50 %.
Ensuite, il faut reconnaître le fait que l’auteur en herbe dispose aujourd’hui de nouveaux outils, souvent très performants, pour peaufiner son écriture au-delà de la simple orthographe. Et l’usage de ces outils connaît une popularité grandissante.
Enfin, mentionnons le fait que la plupart des gens abordent l’écriture comme un loisir. Ainsi, le résultat attendu relève moins de la grande œuvre littéraire que de l’œuvre personnelle, simple, accessible à tous et plaisante à lire dans un langage parfois populaire, parfois recherché.
En résumé, il n’est pas raisonnable de s’opposer à la démocratisation de l’accès à l’édition sous prétexte qu’elle entraîne automatiquement une baisse de la qualité de l’offre littéraire. Il ne sert à rien de déshabiller Pierre pour habiller Paul.
L’édition traditionnelle et l’édition en ligne se complètent. Chacune répond à des besoins différents voire à des lecteurs différents.


De lourdes conséquences
Le choix du gouvernement du Québec de ne pas reconnaître et venir en aide à l’édition en ligne entraîne de lourdes conséquences : le sous-développement du secteur de l’édition en ligne; la fuite des auteurs vers des éditeurs étrangers; le manque d’information au sein de la population.


le sous-développement du secteur de l’édition en ligne
L’intérêt de l’état pour un nouveau secteur aide passablement les nouvelles entreprises à captiver l’attention des médias et, par conséquent, de la population. Dans le cas de l’édition en ligne, le secteur s’apparente à celui de la petite édition. Le démarrage des projets s’effectue avec des moyens très limités et ressemble davantage à des boutiques artisanales qu’à des PME (Petites et Moyennes Entreprises). Les enjeux n’en demeurent pas moins importants : liberté d’expression, diversité éditoriale, libre circulation des idées, … En l’absence des projecteurs gouvernementaux, ces enjeux passeront inaperçus sur la scène publique.
Prenons en exemple le cas de l’Europe, même si certains Québécois désavouent automatiquement les expériences étrangères en faisant appel à l’unicité du Québec («Ici, ce n’est pas pareil.»). Le Conseil de l’Europe s’intéresse très rapidement à l’édition électronique et à l’impression à la demande. Dès 1995, il finance un projet pilote sous le titre «Le projet de nouvelle économie du livre) dans trois pays : l’Italie, l’Allemagne et les Pays-Bas. En 1998, les projets «Nouvelle économie du livre BIS» impliquent six pays : Autriche, Finlande, France, Allemagne, Pays-Bas et Suède. Il n’en faut pas plus pour mobiliser l’attention des médias au profit d’une population mieux informée au sujet de l’avenir du livre dans le monde du numérique. Au même moment, le gouvernement de la France commande une «Commission de réflexion sur le livre numérique» dont le rapport sera déposé en mai 1999. Une fois de plus, l’attention des médias est retenu et le sujet relancé au sein de la population.
Cet intérêt des gouvernements nationaux européens et du Conseil de l’Europe pour l’avenir du livre a permis au secteur de l’édition en ligne de prendre son envol sur la scène publique avec la complicité de la population.
Aujourd’hui, l’Europe compte une soixantaine d’éditeurs en ligne dont près de la moitié en France. Mais, ce n’est pas le nombre d’éditeurs en ligne qui importe au final, c’est le développement de l’intérêt au sein la population et dans la communauté des auteurs. La simple reconnaissance des enjeux par les gouvernements donne une certaine crédibilité à l’importance secteur.
Au Québec, aucun politicien n’a pris position officiellement au sujet de l’édition en ligne et de l’impression à la demande. Le gouvernement a réservé toutes ses actions à l’industrie du livre papier traditionnel de façon à faciliter financièrement l’introduction de versions numériques sur le marché.
Il faut revenir sur le fait que la loi du livre limite l’aide gouvernementale à la seule industrie du livre. Autrement dit, notre gouvernement a les mains liées face à l’édition en ligne parce que la loi du livre lui enlève le droit de contribuer financièrement à tous développements de nouvelles entreprises du livre en dehors de l’industrie en place qu’il a lui-même accréditée. Un support financier, même mineur, pourrait donc être contesté en cours de justice par l’industrie.
Livrée ainsi à elle-même, l’édition en ligne au Québec n’a pas les moyens financiers de son développement, pas plus que les moyens de communication pour rejoindre l’ensemble de la population et des auteurs, amateurs et professionnels. Le Québec compte trois éditeurs en ligne actuellement (2010) et la grande majorité du personnel est bénévole, faute de moyens pour le rémunérer.


La fuite des auteurs vers des éditeurs étrangers
Ce sous-développement du secteur de l’édition en ligne entraîne une fuite de nos auteurs vers des services d’édition en ligne à l’étranger, notamment en France et aux États-Unis. Le président de l’Union des Écrivaines et des Écrivains Québécois (UNEQ), monsieur Stanley Péan, a reconnu la situation en mars 2007 lors d’une entrevue accordée à un quotidien montréalais. Mais sa position n’a eu aucun effet sur l’industrie et nos gouvernements. Une part de notre marché de l’édition en ligne et de l’impression à la demande nous échappe petit à petit, y compris les emplois possibles.
Toutes les œuvres ainsi éditées à l’étranger ne sont pas soumises au dépôt légal canadien et québécois. Ce dépôt légal s’applique uniquement aux publications imprimées en nos frontières. Des exemplaires des livres imprimés à l’étranger sont distribués au Québec sans que nos deux bibliothèques nationales (Québec et Canada) puissent les répertorier. Car l’auteur se retrouve entièrement libre d’offrir gratuitement à nos bibliothèques nationales les quatre exemplaires de son livre nécessaire au dépôt légal. Or, non seulement le dépôt légal n’est pas connu de tous mais les auteurs n’en ont pas tous les moyens. Nos bibliothèques nationales ne disposent d’aucun moyen pour imposer le dépôt légal des publications produites par des éditeurs à l’étranger.
De plus, les œuvres québécoises éditées aux États-Unis se retrouvent avec un numéro ISBN associé à la littérature anglophone, à moins que l’auteur se donne la peine de demander un numéro ISBN à la Bibliothèque nationale du Québec et de le fournir à son éditeur américain.
Au final, cette fuite de nos auteurs vers des éditeurs en ligne étrangers fausse nos archives nationales et les répertoires de la littérature québécoise.


Le manque d’information au sein de la population
Enfin, un secteur sous-développé ne peut pas relever le défi d’informer la population. L’absence de l’intérêt gouvernemental et, par conséquent, des médias, place l’éditeur en ligne québécois dans une situation de survie très difficile face à l’industrie du livre qui occupe toute la place sur toutes les scènes.
Sous-développement de l’édition en ligne et de l’impression à la demande, fuite des auteurs vers l’étranger et manque d’information au sein de la population privent le Québec d’une plus grande diversité éditoriale, d’une plus grande liberté d’expression et d’une plus grande liberté de circulation des idées, des enjeux d’abord politiques avant de devenir économiques. Or, l’état québécois a largement démontré qu’il ne voulait pas s’impliquer dans une démocratisation de l’accès à l’édition.
Les initiatives dans le secteur de l’édition en ligne au Québec demeurent marginales et rien ne laisse croire dans un proche avenir qu’elles sortiront de cette position.


Point de salut en dehors de l'industrie du livre
Cette absence du gouvernement du Québec se fait aussi sentir dans le secteur de l’édition à compte d’auteur où aucune réglementation ne protège les auteurs. Aucune liste et aucune association officielles ne permettent aux auteurs de magasiner la meilleure offre. Les auteurs sont laissés à eux-mêmes, souvent sans défense parce que sous l’emprise de leur rêve d’être enfin publiés. Ces auteurs et ces éditeurs à compte d’auteur importent peu à notre gouvernement car il n’a d’intérêt que pour l’industrie traditionnelle du livre définie dans sa loi du livre. Au Québec, l’auteur édité à compte d’auteur n’est qu’un simple consommateur que l’on référera, en cas de litige, à l’Office québécois de la protection du consommateur, comme tous les autres.
Dès qu’un auteur québécois sort du cadre de l’industrie du livre et de la loi du livre, il ne s’inscrit plus dans notre culture mais uniquement dans l’économie. Au Québec, uniquement la seule littérature industrielle jouit de la reconnaissance de l’état.


Tenir le fort pour les auteurs et les lecteurs
Heureusement, ici comme ailleurs, le dernier mot reviendra toujours aux lecteurs. Et il s’en trouve de plus en plus pour encourager les auteurs édités en ligne, ne serait-ce que dans leur entourage immédiat. Conscients des limites de l’industrie du livre, plusieurs lecteurs sont las de l’offre éditoriale traditionnelle et se tournent vers les éditeurs libraires en ligne puisque leurs catalogues se composent essentiellement d’exclusivités inédites. En effet, plusieurs auteurs ne soumettent plus leurs manuscrits aux éditeurs de l’industrie et préfèrent s’adresser directement à l’éditeur en ligne et ainsi profiter de la démocratisation de l’accès à l’édition.
Il ne nous reste plus qu’à souhaiter que les éditeurs en ligne québécois persistent et signent malgré l’absence d’aide de l’état.

Serge-André Guay, président éditeur
_ Fondation littéraire Fleur de Lys

contact@manuscritdepot.com

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Serge-André Guay34 articles

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Marié et père de quatre enfants, Serge-André Guay est
né à Lévis (Québec, Canada) en 1957. De formation autodidacte et
travailleur autonome depuis 25 ans, il a tout d'abord été animateur,
commentateur, chroniqueur, journaliste, recherchiste et rédacteur en chef
au service de différents médias québécois et ontariens.

Puis, son expérience des médias et un stage de formation en Europe font de
lui un éducateur aux médias dont les interventions sont recherchées par le
milieu scolaire. Ensuite, à titre de consultant, l'utilité de ses plans
d'action en communication et en marketing est vite appréciée.

Depuis 1990, il développe une expertise hautement spécialisée en recherche
marketing, soit l'étude des motivations d'achat des consommateurs, axée sur
l'évaluation prédictive du potentiel commercial des produits et des
services, nouveaux et améliorés.

Pour ce faire, il retient la méthode et l'approche indirecte proposées par
le chercheur américain Louis Cheskin, à qui il accorde le titre de premier
scientifique du marketing.

Depuis, il a étudié les réactions sensorielles involontaires et les
réactions inconscientes de plus de 25,000 consommateurs dans le cadre de
plus d'une centaine d'études des motivations d'achat pour différents
manufacturiers et distributeurs canadiens.

Il a signé de nombreux articles et donné plusieurs conférences
percutantes. Il a aussi publié une série de vingt-quatre études traitant du
caractère scientifique du marketing sous le titre "Science & Marketing ",
Prédire le potentiel commercial des biens et des services". À ses yeux, le
marketing doit renouveler son efficacité sur des bases scientifiques
rigoureuses.

Il n'hésite pas à questionner les idées reçues. Animé par une profonde
réflexion sur la conscience et la condition humaine, il est un «
penseur-entrepreneur », à la fois fonceur et analytique.

En 2000, il écrit un essai de gouvernance personnel sous le titre J'aime
penser – Comment prendre plaisir à penser dans un monde où tout un
chacun se donne raison.

En juin 2003, il met sur pied la Fondation littéraire Fleur de Lys,
premier éditeur libraire francophone sans but lucratif en ligne sur
Internet





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    28 avril 2011

    Bonjour,
    Petite question: d'où vient cette statistique selon laquelle 90% des manuscrits sont refusés par des éditeurs québécois?
    Merci d'avance,
    Andrée Poulin, auteure