Ils ont beau clamer de part et d’autre qu’ils souhaitent trouver des solutions pour améliorer l’accès aux soins de santé, c’est une véritable guerre ouverte que se sont livrée la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Diane Francoeur, et son prédécesseur, le ministre de la Santé Gaétan Barrette.
« Contrairement au ministre Barrette, la FMSQ, elle, n’a pas changé d’opinion », a lancé d’entrée de jeu mardi Diane Francoeur lors de la présentation sur le projet de loi 20 qui vise notamment à imposer des pénalités financières aux médecins qui ne respecteront pas les nouveaux quotas.
Le mémoire de la FMSQ parle d’un « projet de loi matraque »,d’une « approche coercitive qui bafoue les droits des médecins », de « pouvoirs réglementaires abusifs » et d’une « approche méprisante envers les médecins ».
Des reproches de part et d’autre
Le ton était donné pour un duel épique. Le ministre a jeté les gants à son tour. « Je comprends, du ton de votre commentaire, que vous êtes en élection jeudi [à titre de présidente de la FMSQ] », a-t-il lancé en guise de bienvenue avec toute l’arrogance dont il est capable.
Cela ne faisait pas 30 secondes que les échanges avaient débuté que le président de la commission, Marc Tanguay, a été contraint d’intervenir pour calmer le jeu. Et ce, à l’invitation d’Amir Khadir, qui dénonçait que le ministre « porte des intentions » à leur invitée.
L’appel du président à un « débat qui peut être musclé, mais qui doit rester respectueux » n’a pas empêché le ministre Barrette de ridiculiser la tournure des événements et la présidente de la FMSQ. « Ce sera mémorable, un événement à mettre dans la revue publiée auprès de vos membres : Québec solidaire se porte à votre défense, c’est quelque chose d’historique. »
Le ministre a par ailleurs sermonné la FMSQ qui a remis son mémoire quelques minutes seulement avant le début des audiences. « À ce sujet, je me permettrai, en tout respect, de vous retourner la balle, a rétorqué la Dre Francoeur. Le 27 novembre, nous étions dans nos bureaux à travailler avec votre équipe et personne ne nous a jamais mentionné que vous alliez déposer un projet de loi le 28 au matin. Nous avons été obligés d’écouter la télévision pour en connaître le contenu. Le respect est un jeu qui peut se jouer à deux partenaires, c’est encore plus agréable. »
Le ministre a feint la surprise devant la position de son ancienne association, affirmant être critiqué pour sa position trop « faible » à l’égard des médecins spécialistes. Selon lui, ce qui leur est demandé n’est « pas si coercitif que ça ». La réponse a fusé, incisive, tel un uppercut.
« Contrairement à ce que vous dites, la première partie du projet de loi touche directement la pratique de la médecine spécialisée en reniant le principe de notre droit à la négociation. Si cela ne touche pas la FMSQ, je me demande ce que vous avez défendu pendant sept années en occupant ma position. »
Abolition des AMP
Pendant tout le temps qui lui a été alloué, soit une vingtaine de minutes, le ministre a tenté de coincer la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) en voulant l’obliger à se prononcer sur une proposition de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ). Celle-ci souhaite abolir les activités médicales particulières (AMP), une mesure adoptée en 1991 qui oblige les médecins omnipraticiens à consacrer un certain nombre d’heures à la pratique en centre hospitalier.
Pour Diane Francoeur, il est évident que même si on enlève l’obligation pour les médecins de famille de travailler à l’hôpital, ils ne partiraient pas tous du jour au lendemain pour aller travailler en cabinet. Elle croit donc qu’il sera possible pour ses membres de prendre la relève.
Malgré l’insistance du ministre, la Dre Francoeur a refusé de prendre position contre la solution mise de l’avant par la fédération des médecins omnipraticiens.
En point de presse, le ministre de la Santé a répété ad nauseam qu’il n’avait jamais entendu un médecin spécialiste dire qu’il n’y avait pas de problème si les médecins de famille quittaient les hôpitaux, déformant au passage le message de la présidente de la FMSQ et l’accusant de « jouer un jeu dangereux » en essayant de négocier secrètement pour obtenir plus d’argent pour ses membres.
Pour la Dre Francoeur, c’était plutôt « une belle démonstration de la technique Barrette », qui consiste à « noyer le poisson » pour éviter de parler des problèmes et des solutions proposées par la FMSQ.
Une vieille guerre
« Nous étions censés parler d’accessibilité des soins en médecine spécialisée et au contraire, il a utilisé tout son temps pour essayer de ramener une vieille guerre personnelle qu’il a envers les omnipraticiens. Je n’embarque pas là-dedans. Depuis que Gaétan Barrette a quitté la fédération, les relations avec la FMOQ sont excellentes, nous allons travailler ensemble pour régler les problèmes. Il peut essayer tant qu’il veut de ranimer cette vieille guerre, il n’y arrivera pas. »
Joint par Le Devoir en fin de journée, le président de la FMOQ, Dr Louis Godin, a trouvé que le ministre avait eu « une attitude particulière » envers sa collègue de la FMSQ. Selon lui, le ministre tente encore une fois d’éloigner les deux grandes fédérations de médecins. « C’est clair que ce serait beaucoup plus facile pour l’État de se retrouver avec une guerre entre les médecins de famille et les médecins spécialistes, mais ce n’est pas le cas actuellement, au contraire. On pense tous les deux qu’on a des choses à améliorer et que les deux groupes sont assez disposés à le faire. »
PROJET DE LOI 20 EN SANTÉ
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