Des articles annonçant un cataclysme économique en cas de sortie de l’euro paraissent très régulièrement dans les médias. Ces derniers jours encore, Le Monde, Le Point et La Tribune ont violemment critiqué un éventuel retour aux monnaies nationales. L’argumentaire utilisé afin de décrédibiliser les opposants à l’Union européenne est toujours le même : l’explosion de la dette, la baisse du pouvoir d’achat ou la hausse du chômage seraient les inévitables conséquences de l’abandon de la monnaie unique.
Pourtant, de nombreux économistes, dont plusieurs prix Nobel, contredisent ces thèses apocalyptiques ; et par le passé, la dissolution de quantité d’unions monétaires s’est faite en douceur. Mais les défenseurs acharnés de la construction européenne n’en ont cure. Ils préfèrent de loin chausser leurs gros sabots, dans le dessein d’apeurer les Français, inquiets de voir leur niveau de vie se dégrader plus encore. À défaut d’être honnête, cette démarche a au moins le mérite d’être efficace, puisque beaucoup de Français semblent réticents à l’idée de changer de monnaie.
Il est de surcroît frappant de constater que les partisans de la monnaie unique ont renoncé à la défendre en tant que telle, et se contentent de ressasser à l’infini les prétendus effets néfastes que produirait sa disparition. Le bilan de l’euro est à ce point calamiteux que même ses ardents défenseurs en sont réduits à jouer aux oiseaux de mauvais augure, dont les grossières prédictions obscurcissent volontairement l’hypothèse d’un retour aux devises nationales. Mais sans le vouloir, les europhiles passent aux aveux : ils reconnaissent implicitement que la zone euro est chancelante et qu’ils sont incapables d’y remédier.
S’appuyant sur les travaux du prix Nobel Robert Mundell, la plupart des économistes conviennent qu’afin de rendre la zone euro viable, il faudrait la doter d’un budget fédéral conséquent ou rendre les économies des pays européens bien plus homogènes. Or, l’Allemagne s’oppose à la création de ce budget fédéral qui l’obligerait à transférer tous les ans plusieurs centaines de milliards vers le sud de l’Europe. Et alors qu’elle nécessiterait la mise en place de politiques adaptées à chaque pays, la convergence des économies européennes est rendue impossible par l’application de la même politique monétaire à tous les États. C’est l’euro — trop fort pour les uns et trop faible pour les autres — qui améliore la balance commerciale des pays excédentaires et dégrade celle des pays déficitaires, et qui paradoxalement accentue ainsi les disparités économiques.
Au-delà de ces questions économiques, des désaccords existent sur la nature même de la monnaie. Toujours marqués par l’hyperinflation des années 1920, les Allemands estiment que la stabilité monétaire est une fin en soi ; alors que, pour les Français – peuple politique –, la monnaie n’est qu’un moyen. Composée de pays dont l’histoire et la structure économique sont trop dissemblables, la zone euro ne fonctionne pas et ne peut pas fonctionner ; il n’y a donc pas d’alternative à sa dissolution.
Richelieu expliquait fort justement que « la politique consiste à rendre possible ce qui est nécessaire ». Si elle était vraiment soucieuse de l’intérêt général, voilà donc bien longtemps que notre classe dirigeante aurait dû entamer des discussions en vue de retrouver la maîtrise de notre monnaie ; mais à l’inverse, elle s’enferre dans le refus suicidaire de remettre en cause ce modèle qu’elle défend depuis des années. Albert Einstein avait bien raison de dire que « ce n’est pas avec ceux qui ont créé les problèmes qu’il faut espérer les résoudre ».
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