États-Unis: la tentation de la révolte

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La faillite des élites politiques






Quiconque s’intéresse à la politique américaine aura noté le grand mouvement de révolte qui l’a travaillée en 2015: il est «transpartisan».




À droite, Donald Trump domine les primaires républicaines. Si ses nombreuses frasques embarrassent l’ensemble de la classe politique et fragilisent sa campagne, il n’en demeure pas moins le candidat autour duquel se structure le débat républicain.




À gauche, Bernie Sanders est la grande surprise des primaires démocrates. Il se réclame du socialisme dans un pays qui s’y veut absolument hostile. Il ne battra probablement pas Hilary Clinton, mais il suscite une passion que ne provoque pas la grande dame du Parti démocrate.











Bernie Sanders




REUTERS


Bernie Sanders







L’Amérique angoissée




Chacun répond à une angoisse américaine bien particulière.




Aussi étrange que cela puisse paraître, Trump le milliardaire exubérant prétend redonner la parole au peuple. Il trouve souvent des mots pour exprimer l’angoisse culturelle américaine. L’empire américain semble aujourd’hui fragilisé. Trump se présente comme le héraut d’un patriotisme exacerbé stoppant son déclin et promettant de redonner la grandeur à son pays.




Dans un monde traversé par ce que le politologue français Laurent Bouvet nomme «l’insécurité culturelle», Trump joue la carte de la défense de l’identité américaine. Il la joue de manière bien malheureuse, très certainement, mais il traduit politiquement le sentiment de désorientation d’une grande part de la nation, surtout dans les milieux populaires.




Sanders a beau être socialiste, il a eu le courage de nommer les inégalités monstrueuses qui condamnent beaucoup d’Américains à la marginalité socio-économique. Ils vivent dans une précarité insensée et plutôt que de les soutenir véritablement, on leur fait miroiter un American Dream frelaté qui ne fonctionne pratiquement plus. L’Amérique a besoin de justice sociale.




Il y a des limites à se faire croire que le capitalisme américain n’est pas malade. D’un côté, on trouve une richesse étourdissante et quelquefois dégoûtante tellement elle est décomplexée. L’individualisme américain est si fort qu’il laisse croire à chaque enrichi qu’il doit son succès à lui seul, comme si la société n’existait pas. Cela n’encourage pas la solidarité.




Le marché peine à assurer une existence décente à des millions d’individus. La société américaine est cruelle envers ses pauvres, en plus de s’amuser de leurs malheurs, comme on le voit avec l’industrie du divertissement qui ridiculise les éclopés sociaux. Sanders se présente comme le défenseur de l’Américain moyen ou socialement abandonné.




Révolte?




En un mot, l’Amérique connaît un moment populiste. Trump et Sanders n’ont rien en commun, sauf leur antiélitisme assumé. Cette révolte populaire ne date pas d’hier. Depuis le début des années 1990, en fait, on la sent venir d’une manière ou d’une autre. Elle a pris plusieurs visages, de Pat Buchanan au Tea Party, en passant par Ross Perrot et bien d’autres.




Le succès de Trump et Sanders témoi­gne de la faillite des élites politiques américaines qui apparaissent comme les membres d’une oligarchie satisfaite déta­chée du peuple.




Qu’ils s’effondrent ou non dans les semaines à venir, Trump et Sanders auront prouvé la fragilité de la politique américaine et sa disponibilité pour un changement politique majeur.




L’Amérique est un grand pays. On ne la réduira pas à ce portrait sévère. Mais ces primaires témoignent d’un désir d’insurrection populaire au cœur du grand empire de notre temps.



 




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