Ziad Takieddine est de retour. L'homme d'affaires franco-libanais dont l'ombre a plané sur la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, affirme désormais avoir remis à en 2007 cinq millions d'euros pour le financement de la campagne de Ncolas Sarkozy.
«Je veux dénoncer l'Etat mafieux dans lequel on est en train de vivre», lance le sulfureux homme d'affaires franco-libanais. Dans une interview face caméra publiée par Mediapart, Ziad Takkieddine révèle avoir «transporté [...] un total de 5 millions d'euros» dans des valises lors de trois voyages» entre novembre 2006 et début 2007.
Une déclaration explosive qui corrobore la déposition d'un certain Abdallah Senoussi devant la Cour pénale internationale (CPI) en 2012, après le renversement de Mouammar Kadhafi : «La somme de 5 millions d'euros a été versée pour la campagne du président français Nicolas Sarkozy en 2006-2007. J'ai personnellement supervisé le transfert de cette somme via un intermédiaire français, en la personne du directeur du cabinet du ministre de l'Intérieur. Sarkozy était alors ministre de l'Intérieur. Il y avait un second intermédiaire, le nommé Takieddine».
L'homme d'affaires décrit avec précision la façon dont, selon lui, les livraisons se sont faites : les services de renseignement sont prévenus, «tout le monde est avisé» explique-t-il, y compris à l'arrivée à Roissy, et ce dernier passe la douane sans encombre et rentre au ministère de l'Intérieur, place Beauvau, sans être fouillé. Le porteur de valises décrit ainsi avec précision les lieux et la localisation du bureau de Claude Guéant à qui il remet une première valise contenant 1,5 million d'euros. «En billets de 500 euros», neufs, précise-t-il.
L'intermédiaire aurait ensuite remis une deuxième valise contenant 2 millions d'euros en billets puis une troisième de 1,5 million. «Il font appel à moi parce qu'il me font confiance. Donc je prends, je livre», et ce en prenant un vol quotidien des «plus classiques» de la compagnie libyenne Afriqiyah.
Faisceaux de présomptions
Les relations entre Ziad Takieddine, par ailleurs négociateur de ventes d'armes françaises, et Claude Guéant sont anciennes et remontent à 2003. L'homme d'affaires libanais est alors mandaté pour les négociations concernant la vente d'un système de surveillance des frontières de l'Arabie saoudite. Alors que ce type de contrat relève de la compétence du ministère des Affaires étrangères, c'est le ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, qui s'approprie le dossier. En 2004, Jacques Chirac bloque le paiement d'une commission de 350 millions d'euros promise à l'intermédiaire Ziad Takkiedine, soupçonnant alors un possible financement occulte de son rival, Nicolas Sarkozy, qualifié de «traître» depuis son ralliement à Edouard Balladur en 1995.
En mars 2015, Claude Guéant est mis en examen pour «faux et usage de faux», ainsi que pour «blanchiment de fraude fiscale en bande organisée pour la vente de deux œuvres d'un peintre néerlandais mineur, Andries van Eertvelt, que Claude Guéant a mis en avant pour justifier le versement de 500 000 euros reçu en 2008.
Les enquêteurs soupçonnent la transaction de représenter la récompense pour les services d'intermédiaire que le secrétaire général de l'Elysée de l'époque aurait rendu en allant plusieurs fois en Libye. D'autant que sur le marché de l'art, l'estimation de ces deux toiles ne dépasse pas 50 000 euros, soit dix fois moins que le montant de la vente effective.
Par ailleurs, les juges du pôle financier sont persuadés que les 500 000 euros ont été virés par un certain Wahib Nacer, un banquier libyen également gestionnaire de fortune de Bachir Saleh, mais aussi directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi. Un Bachir Saleh dont le nom est évoqué par l'ancien ministre libyen du Pétrole, Choukri Ghanem, retrouvé mort noyé dans le Danube en 2012 qui consignait dans un carnet personnel : «Bachir a parlé, disant avoir envoyé 1,5 millions d'euros à Sarkozy.»
Après trois ans d'investigations, les faisceaux de présomptions se font de plus en plus précis, alors que les juges d'instruction du pôle financier de Paris disposent maintenant de plusieurs témoignages concordants d'ex-hauts responsables libyens.
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