Il n’y a pas qu’au Québec que la laïcité fait les manchettes. La rentrée scolaire française se fera cette année sous le signe de la laïcité. Le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, dévoile en effet ce lundi une « Charte de la laïcité » qui sera obligatoirement affichée dans toutes les écoles publiques de France. À la différence du Québec, le mot « charte » ne désigne pas ici un texte législatif, mais un simple résumé des règles concernant en l’occurrence la laïcité en milieu scolaire.
La charte sera divulguée en grande pompe lors d’une cérémonie officielle dans un lycée de la banlieue parisienne en compagnie de l’ancien ministre socialiste Robert Badinter et de la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem. Le texte en 15 points vise à vulgariser les principales règles du « vivre ensemble » qui doivent s’appliquer de la maternelle au lycée (équivalent du cégep). Elle rappelle évidemment l’interdiction du port de signes religieux, adoptée par une majorité écrasante de l’Assemblée nationale en 2004 et qui s’applique tant au personnel scolaire qu’aux élèves. Mais la nouvelle charte veut surtout expliquer que, loin d’être liberticide, la laïcité « garantit la liberté de conscience à tous » et assure que « chacun est libre de croire ou de ne pas croire », ainsi que le précise l’article 4 du texte qui a été soumis au Conseil supérieur de l’éducation en juillet.
« La laïcité de l’école offre aux élèves les conditions pour forger leur personnalité, exercer leur libre arbitre et faire l’apprentissage de la citoyenneté. Elle les protège de toute pression qui les empêcherait de faire leur propre choix », peut-on lire à l’article 7.
La charte cherche aussi à soutenir les professeurs dont l’enseignement a parfois été contesté pour des motifs religieux. De nombreux enseignants évoquent en effet les réticences de certains parents ou élèves à l’étude de certains points du programme scolaire : étude des textes fondateurs des grandes religions monothéistes, de la Shoah, du conflit israélo-palestinien, de la sexualité et de la théorie de l’évolution. Même si on ne connaît pas l’ampleur exacte de ces problèmes, la charte précise qu’« aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une partie du programme ».
Une laïcité qui unit
Vincent Peillon veut profiter de cette charte pour promouvoir une laïcité « qui unit », plutôt qu’une laïcité « qui divise ». « Trop de gens ont aujourd’hui une représentation erronée de la laïcité, a-t-il déclaré au Journal du dimanche. Ils la perçoivent comme une arme non d’inclusion, mais d’exclusion, non de respect, mais de stigmatisation. » Le ministre préfère définir la laïcité comme « un pacte de confiance où chacun d’entre nous accepte qu’il y ait un espace commun dans lequel nous devons réserver un certain nombre de nos opinions personnelles et où, en contrepartie, personne ne doit être inquiété pour une opinion, une croyance ou une appartenance ».
S’attaquant à la rhétorique du Front national, le ministre avait précisé, le 26 août dernier, que la question de la laïcité ne devait pas tourner à l’obsession de l’islam. « La très grande majorité de nos compatriotes musulmans est convaincue des bienfaits de la laïcité, avait-il précisé. Chacun est libre de ses opinions. Mais pas de contester un enseignement ou de manquer un cours. »
Ce projet de charte a été jusqu’ici plutôt bien accueilli par les syndicats d’enseignants, dont les revendications avaient été à l’origine de la loi adoptée en 2004. Certains syndicats réclament néanmoins des mesures supplémentaires pour éviter la constitution de ghettos communautaires dans certaines banlieues. Les associations de parents rappellent de leur côté la nécessité d’un travail d’explication auprès des familles, notamment immigrantes.
Le président du Conseil français du culte musulman, Dalil Boubakeur, a dit « saluer l’affichage d’une telle charte dans l’école de la République ». Ce qui ne l’empêche pas de craindre que l’interdiction du port de signes religieux par les élèves, en vigueur depuis près d’une décennie, « ne soit perçue comme trop brutale ».
Un « cache-sexe » ?
Des voix minoritaires craignent que cet affichage laïque ne constitue qu’un « cache-sexe pour dissimuler l’islamophobie », selon les mots de Jean Baubérot, spécialiste de l’histoire du protestantisme et seul membre dissident de la commission qui avait proposé l’interdiction de tous les signes religieux ostentatoires à l’école.
Cette charte n’est pas la première du genre. En 2007, le gouvernement avait affiché une charte semblable dans tous les services publics (hôpitaux, garderies, etc.). La nouvelle charte s’adresse spécifiquement aux établissements scolaires, mais les écoles privées sous contrat (subventionnées par l’État) et le plus souvent confessionnelles en seront exemptées. Le ministre Peillon a aussi proposé l’instauration de cours de morale laïque à l’école et inscrit la laïcité au programme de la formation des maîtres.
En France, la Constitution précise que la République est « indivisible, démocratique, sociale et laïque ». C’est d’ailleurs l’article premier de la nouvelle charte.
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