Gabriel Nadeau-Dubois démissionne

L’ex-porte-parole de la CLASSE se dit blessé par l’«enflure verbale» et les «attaques dégradantes» dont il a été victime

Conflit étudiant — Gabriel Nadeau-Dubois : la cible



Kathleen Lévesque - Meurtri par la diabolisation constante dont il a fait l’objet de la part du gouvernement Charest, Gabriel Nadeau-Dubois vient de remettre sa démission de co-porte-parole de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) afin de donner un nouvel élan à l’organisation.
En entrevue au Devoir, Gabriel Nadeau-Dubois n’a pas caché sa lassitude devant « l’enflure verbale » des libéraux au cours des six derniers mois, des « attaques personnelles et dégradantes » ainsi que des sous-entendus que la CLASSE puisse être un nid de « terroristes ». M. Nadeau-Dubois est particulièrement virulent à l’égard du premier ministre. « Je ne pardonnerai jamais à Jean Charest les propos tenus en marge du Salon Plan Nord. Alors qu’il y avait des blessés graves, des affrontements extrêmement corsés à l’extérieur, la seule chose que le premier ministre du Québec avait à répondre, c’est de faire des blagues de mauvais goût avec ses amis du milieu des affaires. Ça me reste en travers de la gorge », a-t-il soutenu qualifiant même l’attitude de Jean Charest d’« indigne ».
Si le porte-parole de la CLASSE part fatigué mais sans amertume, le militant se dit toujours aussi convaincu de la nécessité de poursuivre la « lutte » qui a largement dépassé le débat de la hausse des droits de scolarité. « Ce n’est pas un manque de confiance ni des craintes pour la continuité du mouvement. La partie de moi qui est porte-parole a besoin de prendre du recul », a-t-il précisé.
« GND », comme plusieurs le nomment, a expliqué avoir pris cette décision alors que le mouvement étudiant s’apprête à franchir une nouvelle étape. Confrontées à la loi spéciale, les associations étudiantes doivent se prononcer sur le retour ou non en classe qui est prévu la semaine prochaine.
Tard hier soir, il a transmis aux militants de la CLASSE sa lettre de démission. Le congrès, c’est-à-dire l’instance décisionnelle de la CLASSE, se réunira samedi et dimanche. Les militants devront y décider s’ils comblent le siège laissé vacant par Gabriel Nadeau-Dubois. Deux autres porte-parole de la CLASSE sont en fonction. Il s’agit de Jeanne Reynolds et Camille Robert.
Dans sa lettre, M. Nadeau-Dubois explique qu’il n’a « jamais été un chef » et que son départ le démontre puisque l’organisation continuera à mobiliser les étudiants. « La CLASSE a besoin de sang neuf », ajoute-t-il.
« Le climat d’ébullition politique et sociale que nous avons contribué à mettre en place au Québec doit impérativement se poursuivre dans les prochains mois et les prochaines années. Les critiques soulevées par la jeunesse québécoise ce printemps sont beaucoup plus profondes pour être réglées par une campagne électorale de 35 jours », écrit Gabriel Nadeau-Dubois.
Puis, il rappelle que le mouvement a « remis en question des institutions sclérosées et corrompues qui avaient grand besoin de l’être et nous avons contesté le tout-à-l’économie des libéraux ». Selon Gabriel Nadeau-Dubois, le gouvernement Charest « n’a pas le droit de donner de leçon de démocratie : il est l’incarnation même de la corruption et du détournement des institutions publiques ». Il affirme aux militants que « Jean Charest a fait preuve à l’endroit des étudiants et à [son] endroit, d’une charge de violence inouïe ». Son seul regret est que Jean Charest dirige toujours le Québec, lui qui est « un premier ministre méprisant et violent envers le Québec et sa jeunesse ».
M. Nadeau-Dubois vient de terminer une tournée de la CLASSE qui l’a mené aux quatre coins du Québec. Au Devoir, il a dit estimer qu’il s’agit d’un succès avec une participation populaire « souvent impressionnante » et qui lui a fait connaître des « moments touchants ». C’est au cours de ces semaines à sillonner les régions que M. Nadeau-Dubois a réfléchi à son départ.
Certains tiraillements politiques internes à la CLASSE font également partie des facteurs expliquant sa décision. La CLASSE est vraisemblablement une machine qui écorche ses leaders. Gabriel Nadeau-Dubois a reconnu qu’il y avait parfois un écart entre ses positions personnelles et celles adoptées par le congrès. Ainsi affirme-t-il qu’il est « sain pour une organisation de présenter de nouveaux visages pour qu’il n’y ait pas de stigmatisation ».
« La CLASSE est une organisation très démocratique, mais ça n’a pas que des points positifs. C’est une organisation très vigilante à l’endroit de ses porte-parole et où on fait un suivi très serré. […] Mais ce ne sont pas les tensions qui motivent mon départ. Il y a actuellement des tensions et des débats à l’interne comme il y en a toujours eu », affirme Gabriel Nadeau-Dubois, pour qui il s’agit d’une preuve de santé démocratique. Sur le plan personnel, il ne cache toutefois pas que les critiques font en sorte que « personne ne se sent jamais trop confortable ».
« La CLASSE est dure pour ses élus. Ce n’est un secret pour personne. Mais je ne peux m’empêcher de voir là-dedans un rempart très efficace contre l’autoritarisme », soutient M. Nadeau-Dubois. Ce dernier critique d’ailleurs « la fixation des médias et du monde politique à vouloir absolument trouver un chef ». « C’est un symptôme [révélant] à quel point notre démocratie est malade. On vit dans un système hiérarchique et tellement autoritaire qu’on a de la misère à imaginer qu’il soit possible de s’organiser de manière non autoritaire », affirme-t-il.
Pour ce qui est de la suite des choses, Gabriel Nadeau-Dubois n’entend pas suivre les traces de son ancien compagnon d’armes, Léo Bureau-Blouin, qui est passé de la Fédération étudiante collégiale du Québec à la vie politique comme candidat pour le Parti québécois. Il estime qu’un leader étudiant est redevable au mouvement et ne doit pas se servir de l’attention médiatique dont il a bénéficié pour faire avancer des convictions personnelles. À cet égard, il ne prendra plus la parole publiquement tant que durera la grève étudiante.
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Les étudiants votent

Tous les étudiants n’ont pas l’intention de s’exposer aux amendes salées promises par la loi 12, qui ordonne la reprise des cours au plus tard le 17 août pour la majorité des établissements postsecondaires du Québec. Après les assemblées générales des cégeps de Saint-Jérôme et de Valleyfield hier, le mouvement étudiant a perdu ses premiers grévistes.
L’Association générale étudiante du cégep de Saint-Jérôme (AGECSJ) a été la première, depuis la nouvelle salve de votes de grève initiée lundi, à se prononcer en faveur d’une « trêve électorale » hier matin. Les 3600 étudiants du cégep de Saint-Jérôme sont attendus en classe le 16 août, seront exceptionnellement en grève pour la manifestation nationale du 22 août, et se prononceront sur un nouveau mandat de grève après le jour de l’élection. La session d’hiver 2012 se terminera le 28 septembre, selon un calendrier qui « respecte les conditions nécessaires à la sanction des études collégiales » selon la direction, tandis que la session d’automne est reportée au 15 octobre.
Un deuxième retour en classe a été voté hier en soirée : 426 des 1965 membres de l’Association générale des étudiants du collège de Valleyfield ont sanctionné le retour en classe, prévu pour le 14 août, tandis que 246 s’y sont opposés.
Ces deux cégeps ont mis un frein la lancée des quatre associations - représentant environ 9000 membres - qui ont confirmé leur intention de poursuivre la grève depuis lundi.
Aujourd’hui, le cégep André-Laurendeau tient un vote de grève à 10 h, tandis que l’Association facultaire des étudiants en arts de l’UQAM se rencontre à midi, notamment pour « traiter de la question de l’annulation du trimestre de l’hiver 2012 ».


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