Gaz de schiste - énergie - Hubert Reeves

En 2010, le citoyen a le droit et le devoir de faire le tour de la question.

Tribune libre

Le titre annonce un nom prestigieux, celui d'Hubert Reeves. Il est prestigieux parce que cet astrophysicien, cet homme de science a beaucoup réfléchi sur l'univers et sur l'existence de l'homme dans cet univers. Quel est le sens de l'univers et quel est le sens de l'homme dans cet univers.
1. Je commence par une citation tirée de la fin de son livre L'heure de s'enivrer paru au Seuil, je cite: « "Je pense que rien d'humain ne m'est étranger", écrivait Sénèque, il y a deux mille ans. On ajouterait: "Rien de physique, de chimique, de biologique ne m'est étranger." Voilà, en résumé, le grand pas accompli depuis l'Empire romain.»
2. Les citoyens de Bécancour et Lotbinière hier et ceux de St-Hyacinthe demain font partie des humains qui ont le devoir et le droit de se poser des questions sur ce qui est physique, chimique et biologique dans le dossier des gaz de schiste. Ils doivent remplir ce rôle par devoir parce que leur gouvernement du Québec a péché par omission dans ce dossier. Pire, le gouvernement renie ses responsabilités et agit par complaisance. Il n'est pas trop fort de parler de collusion, de complicité aveugle et intéressée entre des employés du gouvernement et l'entreprise privée. Ces opportunistes détournent à leur seul profit les richesses naturelles d'une population en payant un vil prix en redevances et frais de permis.
3. François Cantin écrivait hier dans Le Devoir un article intitulé «Gaz de schiste: les risques existent!» lettre adressée à André Caillé, porte-parole de l'Association des gazières et pétrolières du Québec (AGPQ). André Caillé, l'homme au col roulé durant le verglas de janvier 1998, agit actuellement de mauvaise foi. Pour rassurer les québécois, il ose comparer ce qui se fait dans le nord de la Colombie-Britannique, à 160 km des lieux habités, où selon lui, de nombreux puits ont été creusés et aucun problème n'a été signalé. François Cantin prend un malin plaisir à rappeler à André Caillé, je cite «Effectivement, aucun problème n'a été signalé, les grizzlys n'excellant pas dans le domaine des plaintes et des recours.»
4. Un autre intervenant se prononce publiquement sur qui incombera la responsabilité et les coûts de dépollution des contaminations laissées après la fermeture d'un puits de gaz de schiste au Québec: il répond que cela reviendra au Gouvernement du Québec. Celui qui nous informe n'est nul autre que Jean-Yves LAVOIE, président de Junex. Ces gens sont des habitués du domaine et connaissent tous les trous de l'actuelle Loi sur les mines du Québec. Ils pensent qu'en se conformant à la lettre de la loi, ils sont exonérés d'une conscience sociale supplémentaire. François Cantin écrit à la fin de son article, je cite «L'ensemble des informations inquiétantes qui sont disponibles actuellement incitent à la prudence. Un débat social s'impose au Québec afin que chacun connaisse les avantages et les inconvénients de cette industrie ainsi que nos réels besoins en énergie.»
5. La conclusion de François Cantin est un avertissement servi aux gazières et pétrolières du Québec qui seraient bien conseillées d'y réfléchir, à savoir je cite «D"ici là, soyez responsables, ne profitez pas des lois laxistes actuelles et arrêtez toutes vos opérations. N'attendez pas l'imposition d'un moratoire. Il en va de votre réputation.»
6. Certains intervenants à l'assemblée d'information de Saint-Édouard-de- Lotbinière ont mentionné l'importance des emplois créés par l'industrie des gaz de schiste. Disons d'entrée de jeu que ces emplois sont de création récente, de nature temporaire et que les emplois spécialisés font appel à des ouvriers venant de l'extérieur comme de l'ouest du Canada ou des États-Unis d'Amérique. À ce que je sache, les ouvriers importés paient leurs impôts ailleurs qu'au Québec. Au sujet des quelques dizaines, vingtaines d'emplois créés localement avec des salariés qui paient leurs impôts au Québec, la compagnie JUNEX peut-elle publier les vrais chiffres reliés aux forages qu'elle a effectués, disons depuis les 3 dernières années. Combien d'emplois-année ont été créés, pas seulement du camionnage, et quelle masse salariale reliée à ces emplois-année créés a été payée.
7. Pour ceux qui recherchent des emplois dans l'exploration-exploitation des gaz de schiste, vous devez savoir que la création d'emplois ne peut pas se faire en faisant abstraction des problèmes environnementaux, surtout ceux relié à la contamination de l'eau. On serait surpris d'apprendre qu'au Québec, plusieurs municipalités éprouvent des difficultés importantes en adduction d'eau pour leur système d'aqueduc. Un exemple rapide: l'eau de l'aqueduc de Bon-Conseil près de Drummondville n'est pas buvable.
8. Un mot pour les cultivateurs chez qui les JUNEX et compagnies font des forages: vous ne pouvez pas ignorer les risques reliés à la contamination des eaux souterraines, vos puits artésiens, et de surface dont votre agriculture a tant besoin. Votre conscience sociale a-t-elle été émoussée par l'argent offert par lesdites compagnies? Possédez-vous toutes les informations objectives fournies par une tierce partie, autre que la compagnie exploratrice, pour juger de l'acceptabilité des risques reliés aux forages verticaux et horizontaux? Parmi les saumures (eau additionnée de 5% de produits autres que le cacao ...) infiltrées dans votre sous-sol, seulement 35% est récupéré lors des forages. Qu'arrive-t-il du 65% restant? Si on se réfère aux paroles du président de JUNEX, après la fermeture du puits, la décontamination est la responsabilité du Gouvernement, donc de vous et moi.
9. Selon Hubert Reeves, la seule énergie qui peut sauver l'humanité, si elle ne s'autodétruit pas (l'énergie nucléaire) est l'énergie solaire. Comme il dit, à la longue, les prix de l'énergie fossile augmenteront sans cesse, ceux de l'énergie solaire diminueront continuellement.
10. La population ordinaire du Québec, celle qui a visionné le film GASLAND à St-Hyacinthe, celle qui n'a pas vendu sa conscience à une compagnie gazière d'une façon ou d'une autre, a raison de se battre bec et ongle pour exiger un moratoire de deux ans, le temps de faire la lumière sur les risques et les dangers pour la santé des humains et de la biosphère dans son entier. Les gazières doivent faire appel à la patience de leurs actionnaires. Le gaz de schiste est emprisonné dans le sous-sol du Québec depuis plus de 400 millions d'années. Ce gaz sera encore là bien tranquille lorsque nous serons obligés de l'exploiter. Et sus à la fuite des capitaux annoncée par Madame Normandeau, promotrice de la pensée magique.
Montréal, 22 septembre 2010


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    23 septembre 2010


    Vs avez raison de questionner le nîveau des emplois québécois qui seront créées par les exploitants du gaz de la plaine du Saint-Laurent ainsi que la masse salariale dont ils sont porteurs.
    L'exercice a déjà été fait pour Rabaska. Pour l'essentiel, les emplois de ce projet soutenu envers et contre tous par les libéraux de JJ Charest étaient temporaires, peu nombreux une fois le complexe installé et de bas niveau. Il a été entre autres démontré devant le Bape qu'un restaurant de niveau moyen en était porteur d'autant!
    En cours de développement, Rabaska a représenté des contrats juteux pour au moins deux agences faiseuses d'images et leurs communicateurs professionnels.