Québec doit absolument revoir en profondeur la stratégie de développement d’Hydro-Québec et freiner les projets hydroélectriques, mais aussi l’éolien, qui font perdre des milliards de dollars à l’État. C’est ce que conclut le rapport produit par la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec à la demande du gouvernement, et dont Le Devoir a obtenu copie.
Les auteurs du document soulignent qu’Hydro-Québec doit absolument réviser ses façons de faire en tenant compte du nouveau contexte énergétique nord-américain. Depuis une décennie, la demande pour l’électricité québécoise a plafonné, voire baissé. Et elle se vend aujourd’hui beaucoup moins cher qu’il y a dix ans, notamment en raison de l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis.
Or, pendant ce temps, la société d’État a augmenté sa capacité de production, rappelle la Commission, de sorte que le Québec est pris avec d’importants surplus. Ceux-ci ne peuvent être écoulés que sur les marchés d’exportation, à perte. « Le coût de l’énergie provenant des nouveaux moyens de production mis en service à partir de 2008 varie entre 6 ¢/kWh et 12 ¢/kWh. Cette réalité se traduit par une subvention annuelle aux producteurs d’électricité qui atteindra 1,2 milliard de dollars en 2017, aux frais des consommateurs d’électricité et des contribuables. » Cette facture annuelle devrait même passer à 1,4 milliard en 2020, puis à 2 milliards en 2025.
« Dans ces circonstances, la stratégie axée sur la construction de nouveaux projets (ouvrages hydroélectriques ou éoliens, notamment) est ruineuse pour le Québec. Ce sont non seulement la politique énergétique, mais aussi certaines orientations de politique industrielle qui doivent être repensées », affirme le rapport Maîtriser notre avenir énergétique, produit à la demande de la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet. Ce document, qui n’a toujours pas été rendu public, doit servir de base à l’élaboration de la future politique énergétique du Québec, projet phare du gouvernement Marois.
Freiner la Romaine
Les auteurs doutent fortement de la pertinence de poursuivre les travaux sur le chantier du mégaprojet hydroélectrique de la rivière Romaine, un projet de plus de 6,5 milliards de dollars. Ils pressent Québec d’étudier « sans délai l’opportunité de suspendre les investissements dans le complexe de la Romaine-3 et de la Romaine-4 ».
Le même genre de remise en question devrait prévaloir pour les contrats d’approvisionnement en éolien, en cogénération et en petite hydraulique, pour les infrastructures qui ne sont pas encore construites. Selon la Commission, « il ne fait aucun doute que le gouvernement du Québec doit immédiatement cesser les nouveaux appels d’offres pour la production d’électricité et qu’il doit annuler les contrats en cours de renouvellement ou alors les renégocier ».
Cette recommandation va à l’encontre des intentions du gouvernement Marois, qui a annoncé l’an dernier qu’Hydro-Québec achètera davantage d’énergie éolienne dès 2017. Cette électricité coûtera trois fois plus cher que le prix qu’obtient la Société d’État en la vendant sur les marchés d’exportation.
Le rapport propose d’ailleurs de revoir les façons de faire chez Hydro-Québec, de sorte que tout nouvel approvisionnement soit contracté sur la base du prix moyen des exportations d’énergie en période hors pointe. Ce prix est systématiquement moins élevé que le coût de la production d’électricité avec les nouveaux projets. Cette recommandation vise directement le bloc d’énergie éolienne à venir, mais aussi le renouvellement de contrats avec des petites centrales.
Par ailleurs, la Commission invite le gouvernement à rouvrir les contrats d’approvisionnement en électricité des alumineries. Sans aller jusqu’à remettre en question le tarif préférentiel dont bénéficie cette industrie, les auteurs du rapport estiment tout de même que Québec doit négocier « des conditions d’approvisionnement qui tiennent compte des capacités d’Hydro-Québec, des finances publiques du Québec, des retombées économiques et du contexte énergétique mondial ».
On suggère aussi d’étudier la possibilité de relancer Hydro-Québec International, notamment pour exporter l’expertise québécoise en matière de transport d’énergie.
Comme le révélait samedi Le Devoir, la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec presse le gouvernement d’opérer un virage très ambitieux dans notre façon de consommer l’énergie, un changement qui passe par une réduction draconienne de notre dépendance aux énergies fossiles. Elle propose d’ailleurs une série de moyens qui, s’ils étaient appliqués, transformeraient radicalement le paysage énergétique québécois. Ces projets ambitieux seraient coordonnés par une nouvelle société d’État, la Société pour la maîtrise de l’énergie du Québec
HYDRO-QUÉBEC
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