Québec cherchait Champlain. Voici qu'elle trouve Jacques Cartier. Par hasard. Des vérifications de routine sur le promontoire de Cap-Rouge, près de l'embouchure de la rivière, à l'ombre de la voie ferrée. Le jackpot.
Les historiens savaient que c'est là que Cartier et Roberval avaient tenté d'établir une première colonie en 1541 et 1542.
Mais il manquait des preuves de la localisation exacte des bâtiments. L'archéologue Yves Chrétien vient de les fournir. Des artéfacts. Des analyses au carbone 14. Des faits convergents. Des preuves "hors de tout doute".
Le secret a été gardé depuis l'automne dernier, le temps de sécuriser l'endroit et d'obtenir les confirmations scientifiques. L'annonce a donné lieu à un formidable déploiement politique, mettant en scène le premier ministre Jean Charest, la mairesse Andrée Boucher, la Commission de la capitale nationale, etc.
Récupération politique ? Ni plus ni moins que ce à quoi nous sommes habitués. La découverte frappe l'imaginaire collectif et méritait certainement les efforts de diffusion.
Et ce n'est que le début. À peine une infime fraction du lieu a été fouillée.
On pourrait y retrouver un cimetière, des informations sur l'organisation des lieux et de la vie à l'époque. La réponse à des questions comme : où sont passés les Amérindiens iroquois du Saint-Laurent ?
Des informations inédites sur un épisode mal connu de notre passé. Et pas nécessairement le plus glorieux.
"Oubliez tout ce que vous savez de l'histoire du Canada", prévient l'historien Jean Provencher. Il y a un monde entre l'époque de Cartier et celle de Champlain, qui commence 70 ans plus tard.
Nos vieux manuels d'histoire racontaient l'épopée d'un Jacques Cartier, l'homme qui plantait des croix, faisait copain-copain avec les Amérindiens de Stadaconé (Québec) et pris le territoire au nom du roi de France.
Elle nous a moins parlé du Cartier qui a "kidnappé" les fils du chef amérindien Donnacona lors de son premier voyage, pour les amener en France.
Ni de celui qui, lors de son second voyage, a forcé le chef Donnacona et quelques autres Amérindiens à le suivre en France où ils sont morts, tués par la grippe.
C'est le troisième voyage de Cartier qui a laissé le plus de traces, puisqu'il visait la création d'une colonie de peuplement permanente.
Cette fois, c'est un proche de la cour, Roberval, qui commande l'expédition. Jacques Cartier le seconde, mais c'est lui qui débarque à Québec le premier, en 1541.
Cinq navires, quelques centaines de personnes dont des mariniers, hommes de guerre, maîtres de forge, cultivateurs, médecins, prêtres, etc. Il apporte aussi du bétail.
Cartier s'arrête à Cap-Rouge où il entreprend la construction de deux forts : un à l'embouchure de la rivière, pour protéger ses bateaux ; le second sur le promontoire, pour protéger le premier.
Pendant les travaux, Cartier s'absente et remonte le fleuve jusqu'à Hochelaga (Montréal). À son retour, les choses se sont gâtées avec les Amérindiens.
L'histoire veut que les hommes de Cartier se soient amusés à mutiler les amérindiens avec leurs épées. Trente-cinq Blancs ont déjà été tués en représailles. Les forts sont placés en état de défense. Ici s'arrête la relation des voyages de Cartier, rappelle l'historien Provencher.
On sait que Cartier abandonnera les forts après l'hiver 1542 et mettra le cap sur la France en emportant ce qu'il croit être de l'or et des diamants. (Ce qui donnera naissance à l'expression "faux comme un diamant du Canada").
Sur le chemin du retour, il croise par hasard à Terre-Neuve son patron Roberval qui arrive avec trois navires. Roberval demande à Cartier de l'accompagner à Québec, mais celui-ci s'enfuit pendant la nuit et rentre en France.
Roberval devra reconstruire les forts, probablement incendiés par Cartier avant de partir pour éviter qu'ils tombent aux mains des Amérindiens ou des Espagnols.
Roberval quittera à son tour après un hiver éprouvant et rentre en France en 1543. Fin de la première tentative de colonisation.
fbourque@lesoleil.com
Histoire (non commanditée) du Canada
Par François Bourque
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