IL CHANTE MON PAYS

Tribune libre

IL CHANTE MON PAYS
Chaque jour, assis dans un couloir du métro, il chante. Il chante Leclerc, Vigneault, Ferland, Dubois, Mes Aieux, les Co-Locs, Valières, Moffat, et tous les autres…Presque chaque jour je passe et j’entends sa voix. Pas très forte. Ce n’est certes pas ce qu’on appelle « une étoile du métro ». Mais ses paroles résonnent néanmoins dans les couloirs. Hardiment il chante. Comme si c’était ce qu’il faisait de mieux et que cela lui permettait d’entrer en contact avec les autres. De leur tendre la main.
D’où vient-il? Pourquoi est-il là les fins d’après-midi? C’est un itinérant de plus qui a sa vie, son histoire. Quand je passe, je lui tends mon obole mais non seulement parce que je le sais pauvre mais et surtout parce qu’en échange il m’offre les chansons de mon pays. Je me dis alors qu’ici à Montréal, je suis encore chez moi, autant qu’au Saguenay d’où je viens. Cette idée m’apaise un temps. J’en oublie la facilité avec laquelle les radios nous présentent des tubes anglophones. J’en oublie la régression du français à Montréal. Parallèlement et de tout cœur, je souhaite que tous les allophones soient sensibles à ces airs et prennent conscience que ceux-là appartiennent à la culture québécoise. Voilà pourquoi il chante cet homme. Il est notre peuple, il est de mon peuple.
Oui à chaque fois que je l’entends chanter, je retourne à mes certitudes. Le seul moyen d’intégrer les étudiants ici c’est de leur apprendre notre langue, leur faire partager notre culture, notre histoire, leur communiquer notre FIERTÉ d’être Québécois. C’est à ce seul titre que nous les convaincrons d’appuyer notre lutte. Les immigrants-es n’aiment pas notre tiédeur, notre frilosité culturelle. L’anglais est crucial pour eux et cela complique, alourdit leur intégration. Je sais aussi qu’ils craignent au plus haut point le désordre social. Ils vivent ainsi l’ambiguïté. Mais plus nous avons peur de nous affirmer, plus ils se tournent vers le Canada. Ils sont reconnaissants envers ce Canada qui les accueille et avant qu’ils n’arrivent à saisir l’enjeu politique qui est le nôtre, cela leur demande beaucoup de temps. Nous devons nous ouvrir à leur réalité et comprendre leur problématique.
Oui, à l’ouverture, à la tolérance, mais si finalement au nom de
cette ouverture nous en venons à mettre de l’avant le multiculturalisme, à faire d’inutiles accommodements (acceptation du port du voile dans la fonction publique) à quoi cela nous mènera-t-il, sinon à la perte, sournoise, de notre identité. Ces fondements rattachées à notre langue, à la tolérance, à la laïcité, à l’égalité hommes-femmes, l’égalité pour tous et toutes (Charte des droits et libertés)) ces valeurs que nous partageons ce sont celles-là que nous ne devons cesser d’affirmer. Plusieurs immigrants et immigrantes ont quitté leur pays pour vivre ici enfin libres et respectés. Ils ne demandent qu’à partager nos idéaux. À nous de favoriser ce partage. N’est-ce pas là, la responsabilité de chacun, chacune d’entre nous comme de celle de nos gouvernants?
Je ne parle pas évidemment de ces immigrants musulmans aux croyances extrémistes. C’est là un réel problème et à cet égard, notre vigilance est de rigueur.
Et du côté des anglophones? Peu d’entre eux sont favorables au fait français et approuvent nos législations. Le projet de loi 14 qui sera bientôt sur la table (12 mars) veut renforcer la loi 101 et la Charte des lois et libertés. Parce que leur population anglaise se situe en bas du 50%, certaines villes du Québec (sinon plusieurs) devront ainsi perdre leur statut de ville bilingue. Elles seront alors contraintes d’offrir leurs services strictement en français. Les anglophones crient déjà à l’injustice, à la violation de leurs droits. Le gouvernement Marois (Madame de Courcy) aura fort à faire pour contrer ces récriminations et imposer ce qui me semble légitime, l’usage de la langue française dans les milieux de travail, les petites entreprises, comme partout dans notre espace public.
Et puis, pour revenir à l’immigration, une autre question d’importance m’interpelle: si nous sommes incapables d’intégrer ce nombre effarant d’immigrants, (55,000 environ par année) de remplir les promesses que nous leur faisons, de leur donner un emploi dans leurs spécialités et compétences, pourquoi ne pas en diminuer le nombre? Pourquoi ne pas réfléchir collectivement à ce sujet.
Notre fierté nationale, notre solidarité, reste le meilleur gage de notre survie. Mais à l’heure actuelle, les partis et les divisions se multiplient. Cela ne garantit en rien l’appropriation de notre devenir. OPTION NATIONALE sera-t-il ce parti qui fera le ralliement?? Long est parfois le chemin de la coupe aux lèvres!
Je termine en chanson par ces paroles de Gilbert Langevin tirées de son texte : Le temps des vivants.
Je préfère l’indépendance
À la prudence de leur troupeau
C’est fini le temps des malchances
Notre espoir est un oiseau!

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France Bonneau39 articles

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France Bonneau est professeure de français auprès des adultes-immigrant-e-s . (MICC)





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2 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    9 mars 2013

    Bravo pour encourager un "si rare" chanteur du métro qui honore notre langue nationale.
    Et oui, il faut faire confiance à Aussant, qui sait si bien s'entourer (Parizeau entre autres).
    Et Montréal fêtera son 375ième anniversaire dans 4 ans. Ce sera sous la gouverne du comique Rozon, c'est dangereux pour la langue, sauf que... il courtisera la population (majorité) pour la mairie...
    Si Louise Beaudoin chancelle, c'est qu'elle n'a pas osé se présenter au congrès ON aux côtés de Curzi et d'autres convertis qui ont compris qu'en 50 ans, si le PQ avait pu, il l'aurait fait!

  • François A. Lachapelle Répondre

    9 mars 2013

    Il est heureux que ce chanteur du métro de Montréal chante le Québec et sa culture en interprétant les chansons de Leclerc, Vigneault, Ferland et les autres.
    Cette douceur vous rend la vie plus belle en français à Montréal en 2013. Pour combien de temps et cela se produit-il souvent ?
    Quant à l'immigration de 55 000 personnes entrant chaque année au Québec, vous posez les questions: « pourquoi ne pas en diminuer le nombre ? Pourquoi ne pas réfléchir collectivement à ce sujet ? » J'aimerais bien que les responsable de cette immigration répondent à vos questions. Personnellement, je ne connais pas ces réponses.
    Revenons à Montréal que plusieurs qualifient de "ville bilingue". L'ex-ministre Louise Beaudoin, interviewée aujourd'hui par Michel Lacombe à l'émission radio "Faut pas croire tout ce qu'on dit", a répété cette affirmation sans levée l'ambiguité qu'elle suscite.
    Elle a dit, je cite: "surtout à Montréal, on est en train de baisser les bras". Quelle absence de conviction pour parler mollement comme elle le fait de ce dossier majeur pour la pérennité de la culture québécoise à Montréal. Jean-François Lisée en janvier 2013 sur les ondes de CJAD n'a pas fait mieux.
    Pourtant, il serait tellement plus clair d'apporter une distinction au départ, soit celle de la grande différence entre un bilinguisme personnel et un bilinguisme institutionnel. Dans un discours prononcé le 2 juillet 1977, le Dr Camille Laurin devant le Canadian Club a associé l'esclavage culturel au bilinguisme institutionnel. J'estime que cette équation est encore éminemment d'actualité dans le dossier du renforcement du français à Montréal en 2013, soit plus 35 ans plus tard.
    Je suis abasourdi par l'improvisation et le manque de conviction de nos politiciens dans le dossier du français à Montréal en 2013. La Ministre De Courcy ne doit pas être la seule à porter avec fierté le dossier de la langue nationale du Québec.