Il faut occuper la terre

Gaza: l'horreur de l'agression israélienne



(Jérusalem-Ouest) Le lien à la terre est un truc puissant. C'est pour ça que vous virez un peu taliban quand la clôture de votre voisin empiète d'un pied sur votre terrain. Un truc très puissant, le lien à la terre. Mettez la Bible dans l'équation et c'est un truc sanglant.
Masha Walman a 26 ans. Elle a grandi à Montréal. Collège Dawson, puis l'Université Concordia. Puis le «retour» aux sources: Israël. Son patrimoine juif l'a guidée jusqu'à Jérusalem.
Je la rencontre au Musée de l'Holocauste, à Jérusalem-Ouest. Petite brunette à lunettes. Elle a largué Montréal, sa famille et ses amis, pour émigrer ici. En débarquant de l'avion, à Tel-Aviv, il y a trois ans, Masha l'a senti dans ses tripes: «La maison, c'est ici.»
Ce qu'elle pense de cette guerre à Gaza? Eh bien, Masha pense exactement comme la majorité: Israël devait se défendre. C'est tout. Aucun doute dans son esprit. Pour elle, c'est clair: Israël a des ennemis, Israël a des ennemis mortels, Israël doit les repousser.
Bref, le discours de l'Israélien moyen face à Gaza, qui fait pleuvoir des roquettes sur le sud du pays.
Gaza? Gaza, c'est un autre chapitre dans la saga d'Eretz Israel, Terre d'Israël, la Terre promise aux juifs par Dieu dans la Bible. Et cette saga est douloureuse, depuis toujours, du point de vue juif.
Masha est une romantique. Elle vibre, en tant que juive, depuis son arrivée ici. Elle vit la grande aventure du peuple juif, je veux dire, et ça faisait longtemps qu'elle voulait vivre cette aventure. Il y a des jeunes qui grandissent en rêvant d'être pompier, chanteuse ou astronaute. Masha voulait être israélienne.
Je lui parle de l'occupation. Même si bien des Israéliens abhorrent ce terme, «occupation», pour parler de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem. Encore, elle revient au lien à la terre, à l'aventure du peuple juif.
«T'es allé au Mur occidental? Je ne sais pas pour toi, mais moi, quand j'y vais, je sens quelque chose de spécial...»
Le Mur occidental, connu chez nous comme le mur des Lamentations. Situé au pied de l'esplanade des mosquées du Temple de Jérusalem. L'esplanade, premier lieu saint du judaïsme; troisième de l'islam. J'y suis allé, la semaine passée. Sécurité partout. Grande file pour aller prier au Mur. Jeunes juives américaines en gougounes, vieux juifs habillés tout de noir. Drapeau d'Israël bien en vue.
«Les juifs du monde entier, quand ils prient, envoient leurs prières vers le Mur. Quand j'y vais, moi, je sens l'énergie de ces prières. Je sens ces prières qui viennent de partout dans le monde.»
Pour Masha, comme pour bien d'autres, il n'y a pas de territoires «occupés». Il y a des terres que les Juifs habitent, parce que c'est leurs terres. Pas juste «leurs» terres grâce à la guerre des Six Jours. Parce que la Bible le dit, aussi.
Les enclaves
Tiens, Masha a acheté un bout de terrain à Tekoa, au sud de Jérusalem. Tekoa, en Cisjordanie, un des territoires conquis en 1967. Un de ces territoires où prolifèrent ces colonies depuis plus de 30 ans: petites enclaves israéliennes au milieu des Palestiniens. Masha y a fait construire un duplex, habité par deux familles qui lui paient un loyer.
«J'ai acheté là-bas parce que ce n'était pas cher. Et pour des raisons idéologiques. Nous devons occuper la terre...»
Ces 140 enclaves - 285 000 colons - protégées par des murs, protégées par des soldats, forment l'épine dans le pied de la paix.
Ces enclaves forment des archipels, reliés entre eux par des routes elles-mêmes flanquées de murs de béton, pour soustraire les colons aux roches - et aux balles - des Palestiniens qui estiment que ces terres, eh bien elles sont à eux.
Je dis à Masha que ces enclaves me paraissent pure folie. Une bêtise inutile. Je lui parle d'Hébron, une ville de 130 000 Palestiniens, au sud de Jérusalem. Une colonie juive s'est implantée au centre de la vieille ville, en 1979. Une poignée d'Israéliens, qui choisissent de vivre dans une mer d'Arabes, sur des terres contestées.
Résultat: c'est la guerre ouverte entre Palestiniens et Israéliens. La colonie est protégée par l'armée, des murs de béton et des fils barbelés. Au fil des années, les deux groupes se sont affrontés. Il y a eu des dizaines de morts. La ville est divisée en deux zones: H1 (contrôlée par l'Autorité palestinienne et H2 (contrôlée par Israël).
Masha ne se fâche pas quand je lui dis que la colonie d'Hébron, c'est courir après les problèmes et il n'y a pas une goutte d'animosité quand elle me dit: «Dans Hébron, il y a le tombeau des Patriarches, tu sais...»
Le Tombeau, oui. Celui de quatre couples bibliques: Abraham et sa Sarah; Adam et sa Ève; Isaac et sa Rebecca; Jacob et sa Léa y seraient enterrés. Ce Tombeau, c'est le deuxième lieu saint du judaïsme. Eretz Israel, encore. Pour compliquer les choses, les musulmans ont construit une mosquée autour du Tombeau, la mosquée Ibrahim, il y a 1000 ans.
C'est le quatrième lieu saint de l'islam.
Pour compliquer les choses, Abraham - Ibrahim en arabe - est un des prophètes les plus importants, pour les musulmans.
Pour compliquer les choses, juifs et musulmans d'Hébron se recueillent au Tombeau et à la mosquée Ibrahim.Encore des points de contrôle, encore des soldats.
Encore la Bible, encore le Coran, encore la terre, encore un peu de sang.
«Il faut, répète Masha, occuper la terre.»


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