Il faut «sortir le Canada du colonialisme», dit Ghislain Picard

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Les Amérindiens ne représentent que 1% de la population québécoise


(Ottawa) Alors que les chefs des formations politiques croiseront ce soir le fer pour un ultime débat disputé en français, le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard, hausse le ton et réclame du futur gouvernement d’avoir « le courage de sortir le Canada du colonialisme ».


Sans détour, le chef Picard dénonce la quasi-absence des enjeux autochtones du Québec dans la présente campagne fédérale, alors qu’il y a encore une semaine, le juge à la retraite Jacques Viens déposait un rapport accablant, qui concluait que les autochtones sont victimes de « discrimination systémique » au sein de l’appareil québécois.


Bon nombre des recommandations du rapport Viens impliquent directement le gouvernement fédéral, notamment au chapitre des services de sécurité publique. « Si cet enjeu est acquis pour la population en général, ce n’est pas le cas pour les Premières Nations », soulève Ghislain Picard en entrevue avec La Presse.


Ghislain Picard cite notamment le sous-financement chronique des services policiers autochtones, problématique bien ciblée dans le rapport Viens, mais aussi dans celui de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées au pays, dont les conclusions ont été rendues publiques en juin dernier à Ottawa.


 

« On est passé la mi-campagne et on n’a pas encore vu l’ombre d’un plan » pour la mise en œuvre des 231 recommandations de l’Enquête nationale, déplore-t-il. « Pourquoi la question autochtone n’occupe-t-elle pas la même place qu’en 2015 » alors que les libéraux de Justin Trudeau promettaient une grande réconciliation ? s’interroge le chef.


Le rapport sur les femmes autochtones, qui avait été particulièrement dur envers le Québec, et l’examen de la commission Viens « sont venus encore une fois confirmer que la sécurité de nos populations […] n’a pas les mêmes considérations que celles dont l’ensemble de la population canadienne bénéficie », soulève M. Picard.


« La discrimination, le profilage racial, les abus de pouvoir et les traitements différentiels envers les Premières Nations nous amènent à exiger un changement en profondeur de la situation », ajoute le chef de l’APNQL, qui dit observer un « recul » de la place des autochtones dans certaines des plateformes des formations fédérales.


Dernier affrontement


Il n’est pas prévu que le thème des enjeux autochtones soit particulièrement abordé lors du grand débat national en français, ce soir. Lundi dernier, le sujet a pourtant été débattu pendant un segment entier lors de la joute oratoire en anglais. « C’est vraiment, vraiment déplorable », soutient Ghislain Picard.


Il n’arrive d’ailleurs pas à s’expliquer la situation.




Si le débat anglais accorde un chapitre complet aux autochtones et que le réseau français offre au mieux une question sur le sujet, ça n’a aucun sens […]. Comment voir ça autrement que par du désintéressement et de l’indifférence ?



Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador



Au chapitre de ses préoccupations, M. Picard réclame que le Canada cesse d’hésiter à reconnaître la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il souligne en comparaison que l’Assemblée nationale, une semaine après le dépôt du rapport Viens, a adopté à l’unanimité mardi une motion visant à reconnaître les principes de la déclaration de l’ONU et à s’engager à négocier sa mise en œuvre.


Le député néo-démocrate Romeo Saganash avait présenté un projet de loi d’initiative parlementaire à la Chambre des communes lors de la dernière session visant à harmoniser les lois canadiennes avec la déclaration onusienne. Le projet de loi, qui s’était heurté à une opposition des conservateurs au Sénat, est mort au feuilleton en raison du déclenchement des élections.


Le chef Picard dénonce par ailleurs une « rupture des engagements verbalisés » par le gouvernement sortant « face aux enjeux prioritaires », prenant comme exemple la décision d’Ottawa, en pleine campagne, d’en appeler de la décision du Tribunal canadien des droits de la personne de verser des indemnités aux enfants autochtones lésés par le système de protection de la jeunesse.


Justin Trudeau a expliqué que la façon de « bien compenser » nécessitait davantage de discussions avec les communautés et que cela « demandait plus de temps ». Pour le chef Picard, il s’agit plutôt là d’une « façon détournée ou subtile de remettre en question les compensations ».




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