Ils le font exprès, ou quoi?

La CLASSE et la ministre jouent sur les mots et plongent, encore une fois, le Québec dans un cul-de-sac.

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012





Quelle confusion. Quelle farce. En arriver là, après 11 semaines de grève. Ils le font exprès, ou quoi?
Hier, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, a annoncé que la CLASSE, aile radicale du mouvement étudiant, était exclue des négociations. Ou plutôt que la CLASSE s'était «exclue elle-même» en ne respectant pas la trêve exigée.
Lundi, les associations étudiantes - FECQ (cégeps), FEUQ (universités) et CLASSE - ont enfin commencé à négocier après une semaine de débats sémantiques sur la violence. Un débat oiseux lancé par la ministre qui insistait pour que les associations dénoncent la violence.
La FECQ et la FEUQ ont obtempéré, mais la CLASSE a branlé dans le manche. Fidèle à son absurde démocratie directe, elle a consulté ses 60 associations. Elle a accouché d'une dénonciation alambiquée: non à la violence, mais oui à la désobéissance civile.
C'est là que je me suis dit pour la première fois: mais ils le font exprès ou quoi pour provoquer le gouvernement? Pour compliquer les choses, la ministre a ajouté - encore! - une exigence: une trêve de 48 heures. Aucune manifestation ne sera tolérée pendant les discussions, a-t-elle insisté. Là encore, je me suis dit: elle le fait exprès ou quoi?
La ministre connaît parfaitement le fonctionnement de la CLASSE qui ne contrôle à peu près rien, ni sur le terrain ni sur son site web. Elle devait bien se douter que la CLASSE était incapable de faire respecter une trêve.
Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la CLASSE, n'a pratiquement aucune marge de manoeuvre. Il doit toujours consulter son foutu congrès qui se réunit une fois par semaine. Pourquoi ne crée-t-il pas une cellule de crise qui pourrait prendre les décisions urgentes, sans s'enfarger dans sa démocratie au rythme géologique?
Un exemple: hier, un journaliste a demandé à Gabriel Nadeau-Dubois s'il pouvait lancer un appel au calme. Sa réponse: «Je peux condamner la violence, mais je ne peux pas lancer un appel au calme.»
Kafkaïen.
La CLASSE fonctionne dans une bulle, loin, très loin des exigences d'une crise. Et la ministre le sait. Hier, elle était outrée parce que des manifestations étaient annoncées sur le site web de la CLASSE. Gabriel Nadeau-Dubois a précisé que le «site n'est qu'une plate-forme de diffusion».
La CLASSE et la ministre jouent sur les mots et plongent, encore une fois, le Québec dans un cul-de-sac.
Hier, la FEUQ et la FECQ se sont retirées des négociations. Même le calme Léo Bureau-Blouin, qui ne dit jamais un mot plus haut que l'autre et qui était le premier à vouloir négocier, quitte à bazarder la CLASSE, était choqué et tenait la ligne dure: pas question de négocier sans la CLASSE. La ministre, avec sa sortie intempestive, a réussi à le braquer. Faut le faire.
«Il faut cesser les enfantillages [...] et mettre de côté le fossé idéologique qui nous sépare», a-t-il dit. Des paroles pleines de sagesse. C'est la ministre qui aurait dû parler ainsi au lieu de jeter de l'huile sur le feu et jouer les vierges offensées. Léo Bureau-Blouin n'a que 20 ans. Si j'étais Line Beauchamp, j'aurais honte de participer à des enfantillages qui mettent le feu aux poudres.
Hier, Gabriel Nadeau-Dubois a répété que la manifestation de la veille n'avait «aucun lien avec la CLASSE», mais la ministre a fait la sourde oreille. Ce sont des casseurs et des groupuscules étudiants qui ont fracassé des vitrines et vandalisé des autos. Finalement, ce sont les casseurs qui gagnent. Ils l'ont, leur bordel.
C'est donc un retour à la case départ. Après 11 semaines de grève. Et 170 000 étudiants et élèves qui risquent de perdre leur trimestre.
***
Pendant que la crise dégénérait, la rectrice de McGill, le directeur général de l'École de technologie supérieure et un représentant de l'Université du Québec à Trois-Rivières s'envolaient vers le Brésil avec une délégation canadienne, nous a appris le Journal de Montréal. Ils logent dans des hôtels cinq étoiles à 500$ la nuit et la rectrice de McGill voyage en première classe, un billet à 9470$.
J'en ai parlé au directeur général de la Conférence des recteurs (CREPUQ), Daniel Zizian. La CREPUQ qui a tant insisté pour que le gouvernement augmente les droits de scolarité de 70% en trois ans.
Ce n'est pas gênant, ce voyage? lui ai-je demandé. «Non, a-t-il répondu. Qu'est-ce qu'on veut au Québec, être petit et rester dans nos bureaux?»
Non, bien sûr, pas question de «rester petit», mais est-ce bien le temps de se payer un tel voyage, alors que les universités sont accusées de dépenser à tort et à travers?
Je l'ai dit et je le répète: font-ils exprès pour jeter de l'huile sur le feu?


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