IMMIGRATION

Immigration et intégration

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Tribune libre

Quand j’ai rédigé mon mémoire de maîtrise en histoire américaine à l’Université de Montréal, entre 1985 et 1990, je me suis penchée sur l’histoire d’une minorité, soit la famille noire américaine. Pour pouvoir rédiger mon mémoire de maîtrise, je devais régulièrement me rendre à l’Université Concordia non seulement sur le campus Sir George-Williams, situé dans le centre-ville, mais aussi sur le campus Loyola avec sa bibliothèque Vanier. Je devais aussi me rendre régulièrement à l’Université McGill notamment à la bibliothèque McLennan. Dans le cas de ces deux universités anglophones, la situation était particulièrement frappante. Tant la bibliothèque Vanier du campus de Loyola qu’à la bibliothèque McLennan de McGill, qui sont toutes deux destinées aux Lettres et aux Sciences sociales du Québec et du Canada, la clientèle était très blanche et d’origine européenne. Il s’agissait probablement de ces populations qui ne pouvaient étudier dans les écoles catholiques francophones, à l’exception des Italiens, des Polonais, des Lettons, des Lituaniens, des Croates, des Slovènes, des Autrichiens et des Irlandais qui sont tous majoritairement catholiques et qui auraient pu choisir les écoles catholiques francophones. Levant le nez sur les écoles catholiques françaises, les communautés culturelles vont se tourner massivement vers des écoles catholiques et protestantes anglophones qui vont les accueillir à bras ouverts. C’était le cas des Juifs, des Chrétiens protestants, comme les Anglicans, les Écossais qui sont presbytériens et des pays luthériens, comme les pays scandinaves et une majorité d’Allemands et enfin des Chrétiens orthodoxes d’Europe centrale comme les Ukrainiens, les Estoniens, les Serbes, les Grecs, les Russes et les Belarusses. En ce qui concerne les bibliothèques de l’Université de Montréal et de l’UQAM, les étudiants qui sont surtout des Canadiens Français sont accompagnés d’une faible représentation d’étudiants étrangers et de Néo-Canadiens qui sont francophones ou francisés, comme les Vietnamiens, les Africains, les Arabes, les Latinos Américains et les Haïtiens.


 


Fait particulièrement important, la Bibliothèque Webster, située à l’intérieur des murs de l’Université Concordia du centre-ville, le multiculturalisme était et est toujours à l’honneur avec un certain nombre d’étudiants étrangers ayant un visa d’étudiant ou de Néo-Canadiens. Les groupes les plus représenté sont les Chinois suivis des Arabes, des Turcs, des Juifs, des Grecs, des Italiens, des Indiens, des Sikhs, des Pakistanais et des Haïtiens. Inutile de dire qu’avec tout ce mélange multiculturel, où certaines communautés se détestent, il y avait beaucoup d’hostilité sur le campus du centre-ville. En effet, lorsque vous parler à des étudiants de Concordia, ils vous disent tous la même chose : il y a beaucoup de tensions sur le campus du centre-ville, au contraire du campus Loyola qui fait plutôt penser à une petite Nouvelle-Angleterre. En effet, pour des raisons historiques, les Turcs et les Arabes, qui ont été conquis par l’Empire Ottoman, se détestent cordialement. Même chose pour les Juifs et les Arabes qui se sont faits voler une partie de leurs terres avec la Palestine. Vous n’avez d’ailleurs qu’à penser à l’émeute qui avait divisé ces deux communautés et qui s’étaient affrontées sur le campus de Sir George-Williams lors de la visite en 2002 de l’ancien premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. Quant aux Italiens et aux Grecs, ils se détestent tout autant parce qu’ils ont été conquis par les Romains. Pour ce qui est des Indiens, ils ont en horreur les Pakistanais qui leur ont pris une partie de leur pays. Enfin, les Hindous, qui sont essentiellement des Indiens, ils détestent les Sikhs qui ont assassiné leur première ministre Indira Gandhi après l’invasion du Temple d’or des Sikhs par les forces indiennes.


 


Ce qui est particulièrement frappant avec les deux campus de Concordia, c’est que les descendants d’Européens sur le campus de Loyola, choisissent les études anglaises, la sociologie, la philosophie, l’archéologie, la science politique, l’histoire, l’anthropologie du Québec et du Canada. Quant aux étudiants étrangers ou Néo-Canadiens qui étudient au centre-ville, ils choisissent l’administration, le management, le marketing et l’économie avec l’École de gestion John-Molson en plus de l’informatique. Cette dichotomie entre les descendants majoritairement d’origine européenne au campus Loyola et les étudiants étrangers ou Néo-Canadiens sur le campus de Sir George-William montre bien qu’il n’y a pas de volonté d’intégration de la part de ces étrangers ou de ces Néo-Canadiens du campus du centre-ville. Ils ne s’intéressent ni à la sociologie, ni à la philosophie, ni à l’archéologie, ni à la science politique, ni à l’histoire et ni à l’anthropologie du Québec et du Canada. Ils ne vont pas voir non plus notre cinéma, notre théâtre et ne lisent pas notre littérature et notre poésie et n’écoutent ni nos chansons ni notre musique. Tout ce qui les intéressent c’est de parler l’anglais, de faire le plus d’argent possible, de manger leur propre cuisine (et la cuisine américaine) en plus d’aller voir des films et d’écouter la musique américaine.


 


L’exemple des États-Unis est particulièrement révélateur, si on compare le degré d’intégration, où ce n’est pas le multiculturalisme mais la politique du creuset (le melting pot) qui domine. On devient Américain tout en apportant quelque chose au pays et en laissant des traces comme dans la cuisine, le cinéma, la littérature, la poésie et l’histoire. Par exemple, au contraire du multiculturalisme, on ne dit pas que Woody Allan est un Juif Américain mais bien un Américain d’origine juive comme Robert de Niro qui est un Américain d’origine italienne ou Francis Ford Coppola qui est un Américain d’origine italienne. C’est encore plus évident lorsqu’on lit les études qui sont publiés aux États-Unis et où les noms sont de toute origine que ce soit en sociologie, en philosophie, en archéologie, en science politique, en histoire et dans toutes les autres disciplines scientifiques comme la médecine, la biologie, les sciences de la nature, l’environnement, l’économie, le marketing, l’administration et l’informatique.


 


Qu’en est-il maintenant ? Au cours des dernières années, j’ai eu l’occasion de fréquenter à nouveau les bibliothèques McLennan de McGill et celle de Webster de Concordia comme lieu d’études et de travail. Le campus du centre-ville de McGill est toujours aussi Blanc tandis que celui de Sir George-William est de plus en plus multiculturel. Ce qui est particulier sur le campus du centre-ville c’est l’augmentation de la communauté chinoise. Elle est plus que jamais présente pendant que la communauté blanche, composée de descendants d’origine européenne, l’est de moins en moins. Au lieu de s’améliorer la situation s’aggrave donc de plus en plus. On ne peut pas compter sur tous ces étudiants, pour intégrer la communauté francophone, que ces étudiants aient un visa d’étudiant (et qui feront peut-être une demande pour obtenir la citoyenneté canadienne) ou que ce soit des étudiants Néo-Canadiens qui rêvent eux aussi d’intégrer la communauté anglophone à Montréal. Fait intéressant à noter, le collège Dawson, qui est très multiculturel, comme on le voit le midi à la Place Alexis-Nihon, il demeure la chasse gardée de Concordia avec tous ces étudiants d’origine étrangère. Quant aux étudiants Canadiens Anglais et Blancs, ils choisissent surtout McGill contribuant ainsi à une certaine ségrégation parmi les étudiants anglophones et même francophones où les Blancs préfèrent McGill et les étudiants étrangers et Néo-Canadiens du centre-ville préfèrent Concordia.


 


Louise Bérard


MA Histoire


DESS Sciences de l’éducation


Squared

Louise Bérard5 articles

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J'ai fait un baccalaurat et une maîtrise en histoire à l'Université de Montréal. J'ai publié trois livres dont deux manuels scolaires et, en 2019, un essai intitulé "L'avènement de nouvelles élites et le déclin de l'État Providence au Québec" qui a été publié en France aux éditions de L'Harmattan . J'ai également eu l'occasion de travailler comme journaliste indépendante puis adjointe à la rédaction pour une revue d'informatique. C'est à compter de cette date que je me suis ensuite consacrée à la révision de texte et à la correction d'épreuves. 





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