En dépit de leurs positions contradictoires, les deux grandes forces politiques surgies des élections du 13 juin en Belgique, les socialistes dans la Wallonie de gauche, face aux nationalistes de la NVA, dans la Flandre de droite, semblaient pouvoir s’entendre sur une réforme de l’Etat. Mais cela n’a pas marché, on l’a appris hier. Ces crises sont de plus en plus graves car mesurant à chaque fois plus fort l’impossibilité de continuer l’expérience belge.
Une nouvelle grave crise belge
A l'heure où j'écris c'est la crise, une crise qui dure en fait depuis juin 2007 et qui perpétue le blocage complet intervenu alors.
C’est sur Bruxelles que les négociations achoppent. Les médias francophones, focalisés sur cette ville n’entendent plus rien d’autre. Bruxelles, la région la plus riche du pays (en PIB/habitant – grâce à son hinterland wallon et flamand), considérée comme francophone, se vante d’irriguer la Belgique de sa richesse (thèse que personne en Wallonie n’a jamais vérifiée mais aucun responsable ne rabat le caquet de ceux qui l’énoncent). Elle a besoin de refinancement pour des raisons techniques: elle est le siège des institutions européennes et la capitale belge. Soit 500 millions d’€ par an alors que les autres entités fédérées et le fédéral devront faire un effort de 25 milliards d’€ d’économies d’ici 5 ans. C’est à cause de cela et des 70.000 Bruxellois francophones de la périphérie que les négociations ont échoué. Ce ne sont d’ailleurs pas les Wallons (inexistants) qui s’opposent à cela, mais les Flamands. La Wallonie, écrasée par le mépris de trop de Bruxellois, bouche encore chaque année les dettes de l’enseignement francophone (le plus important budget de l'Etat), incluant Bruxelles et la Wallonie à la hauteur de 200 millions d’€ déjà… Mais on lui a demandé de la «fermer» et elle la «ferme». Au moins jusqu'ici.
La Wallonie va devenir indépendante...pour sauver la Belgique!
Alors qu’auparavant les entités fédérées (hors le service de la dette publique), représentaient 51% des ressources étatiques belges, elles passeraient à environ 70% de celles-ci, ce qui augmenterait considérablement l’autonomie wallonne, vidant la Belgique de sa substance. Mais ce fait fondamental qui concerne 3,5 Millions de Wallons, est occulté par le problème bruxellois (1 million). Même si l’opinion wallonne estime étrange de refinancer la région qui se dit la plus riche du pays (on pourrait le leur expliquer, mais les Wallons ne comptent que pour du beurre).
Pour que l’Etat belge soit vidé de sa substance au plan fédéral, il faut en effet l’accord des Wallons (ou de leurs dirigeants qui font tout pour se faire oublier et y réussissent). Ils ont prétendu durant tout l’été que la Wallonie aurait ce surplus de compétences, uniquement parce qu’il faut s’entendre avec les Flamands (qui le demandent et sont en mesure de l’imposer), et régler les problèmes bruxellois. La liberté de la Wallonie est aussi présentée comme une « concession » faite à un partenaire (dont Michel Quévit démontre cependant qu’il a détourné depuis un demi-siècle la plus grande part des ressources de l’Etat à son profit exclusif). Donc sans objectif wallon.
Or, cette « concession » ne sauvera même rien, la fin de la Belgique étant inéluctable. Il n’empêche que présenter l’autonomie comme quelque chose à quoi l’on doit se résigner et pour des raisons autres qui sont sans rapports avec cette autonomie, est une imbécillité politique. Le Président wallon Rudy Demotte est même vanté comme quelqu’un qui ne s’intéresse pas qu’à la Wallonie, celle-ci n’en valant sans doute pas la peine. La RTBF dépensent aussi chaque année des dizaines de millions d’€ pour conforter une politique de stigmatisation de la Wallonie. Chaque fois que le prix du gaz augmente, qu’un politicien a détourné de l’argent, que quelque chose de biscornu est à voir on ne parle que de Wallonie. Ou à chaque manifestation folklorique, inondation, catastrophe. Quand, du sport à la science en passant par la littérature ou le cinéma (etc.), des Wallons s’illustrent, ils redeviennent belges, ce qui est logique puisque la Wallonie n’a de sens que comme masse de manœuvre de la politique belge francophone.
On demande à la Wallonie de la fermer pour que la Belgique survive et que Bruxelles continue à y jouer les premiers rôles, mais la Belgique va disparaître remettant tout en question. La Wallonie va donc naître telle un enfant non désiré, profondément méprisée par ceux qui l’informent et la dirigent.
Inconciliables Flandre et Wallonie: crise grave à nouveau
La Wallonie va donc naître telle un enfant non désiré, profondément méprisée par ceux qui l’informent et la dirigent.
Chronique de José Fontaine
José Fontaine355 articles
Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur...
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.
Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...
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3 commentaires
José Fontaine Répondre
5 septembre 2010Paul Bairoch a estimé que dans la période cruciale de croissance de l'Occident, 9% de toutes les exportations partaient vers les pays colonisés alors qu'elles représentaient moins de 10% du PNB des pays occidentaux, soit 1% de ces PNB. Ce qui veut dire que l'impérialisme économique n'est pas l'explication du colonialisme. C'est bien plutôt la soif de dominer et l'impérialisme politique et militaire (l'Allemagne de 1914 a fait la guerre pour avoir des colonies mais l'a perdue parce qu'elle n'en avait pas ou guère). Guy Spitaels (''Chroniques impies'', Luc Pire, Bruxelles, 2010, qui cite Bairoch), estime que si l'Occident a peu gagné avec les colonies, le tiers-monde y a perdu énormément : mutilations, travail forcé, hiérarchie raciale, humiliations profondes. On a parfois lié les grèves de 1960-1961 en Wallonie à la perte du Congo. Mais c'est une erreur. Les dirigeants syndicaux savaient que la perte du Congo n'allait pas avoir de répercussion sur les travailleurs wallons. En revanche, ces grèves démontrent aussi que la domination existait en Occident. La Wallonie a été selon l'historien Martin Conway, professeur à Cambridge, l'un des coins d'Europe où l'exploitation (à la mesure européenne), était la pire. Il suffit de se rappeler que lors de ces grèves le gouvernement belgo-flamand a engagé contre les grévistes l'équivalent de deux divisions d'armée (18.000 gendarmes - la gendarmerie était intégrée à l'armée belge: beaucoup de miliciens qui avaient fait leur service dans cette arme furent rappelés - et 18.000 soldats).
La Wallonie n'a jamais vécu au-dessus de ses moyens, loin de là. Il suffit de comparer ce que sont Bruxelles et Anvers (par exemple), à ce qu'est le Borinage ou même une ville comme Charleroi. Voire même Liège, pourtant vieille ville prestigieuse qui n'a pas eu sa part dans le développement de la Belgique. Je viens de citer trois régions où, malheureusement, il arrive que 20 à 30% des gens soient au chômage. Alors que ces régions ont fondé la richesse nationale belge et en particulier celle de la capitale belge. Michel Quévit, que j'ai cité souvent ici, a montré cette année que la Flandre (qui possédait le pouvoir politique et d'ailleurs les Congolais pour parler des Belges disaient "les Flamands" en 1960), a réussi à orienter massivement la majorité des ressources de l'Etat belge vers Bruxelles, Gand, Bruges, le Limbourg (etc.), à partir des années 1940-1950 (et partiellement même avant), une époque où les ouvriers wallons (dont un grand nombre d'origine flamande car l'industrie dévore les êtres humains) ne roulaient pas sur l'or. Il suffit de consulter ''Misère au Borinage'' (1933), sur le site en ligne de TOUDI.
Les Wallons n'ont jamais vécu au-dessus de leurs moyens, loin de là. Il faut bien que je reconnaisse qu'ils sont les cocus de l'histoire de Belgique, mais je le dis sans haine, car ils ont contribué par leurs grèves générales (phénomène particulier à la Wallonie, bien connu dans l'histoire du monde ouvrier et du socialisme), à plus de démocratie, à moins de monarchie et finalement au fédéralisme. La seule vraie colonie wallonne, c'est la Suède où vivent des centaines de milliers de descendants des Wallons qui y ont fondé l'industrie du fer.
Il faut bien admettre aussi que, hormis de multiples contacts individuels, la Francophonie n'est pas le lieu d'une solidarité Nord-Sud ou de manière marginale. C'est un grave échec.
François Munyabagisha Répondre
5 septembre 2010Wallonie redevenue pauvre, où sont donc passées ses colonnies?
En 1991, la Belgique appelle le Fmi au secours. Ce dernier lui suggère un programme dajustement structurel. Mais la Belgique n'est pas un pays en voie de developpement. Les magiciens de l'économie politique sont alors appelés à la rescousse. Un plan de récupération des colonnies du Congo, Burundi et Rwanda est mis sur les rails. Hélas, le terrain que laisse la France est miné. Le partage des richesses alimentera des guerres internationnales et une perte de contrôle sur les mines. Et voici que la Wallonie se retrouve en terres désertes, après près d'un siècle de vie au dessus des moyens, alors que la Flandre s'en tire mieux.
Ce que vit la Belgique est à la base de source macroéconomique: le cauchemar de la fin d'une guerre de colonnies. Tous les pays riches de colonnies auront leurs tours. Les colonnies nourrissent nos économies et nos excès de train de vie, alors que nous ne les intégrons pas correctement dans nos modélisation macro et microéconomiques. Il faut reconsidérer nos modes de vie et les ramener au niveau de l'optimu mondial. Personne ne voudra, et pourtant Ca ce voit clairement que nous allons vers le mur. Après nous le déluge, nos générations semblent s'en faire le credo sacré. Mais le déluge n'attendra pas, dans biens des cas.
José Fontaine Répondre
5 septembre 2010Je me rends compte que souvent, on n'explique pas une chose aux gens vivant à l'extérieur de la Belgique. Dans le cas belge, où il y a deux grandes Régions principales, la Flandre et la Wallonie, il est difficile d'imaginer qu'une seule de ces deux Régions se détache, seule, du pays.
Il est vrai que la Wallonie l'a envisagé en juillet 1950 dans une période où le mouvement ouvrier était au faîte de sa puissance (au point que l'on voit dans maintes manifestations, les forces de l'ordre fuir les manifestants: voir une précédente chronique consacrée à la monarchie belge, voir aussi http://www.youtube.com/watch?v=qYFQw-arTpY&NR=1, la fin de la vidéo).
Mais même sous l'occupation allemande en 1914-1918, il ne semble possible de donner l'autonomie à l'une de ces deux Régions que si on la donne à l'autre, ce qui est d'ailleurs logique, mais que l'on oublie. C'est tellement vrai que Bruxelles, la capitale belge est le lieu d'un régionalisme atypique comme le faisait déjà Daniel L.Seiler in ''Les partis autonomistes'', PUF, Paris, 1982 en parlant du FDF (parti lié aux libéraux mais implanté seulement à Bruxelles). La position politique dominante en Wallonie est pour le moment de freiner la marche à la liberté par peur de se retrouver seule à s'assumer, ce qui explique (mais n'excuse pas à mon sens), cette façon que l'on a de dire aux Wallons qu'ils ne seront plus autonomes de la Belgique que pour la sauver, ce qui revient à dire - à la limite, mais si c'est paradoxal, ce n'est pas faux - que le séparatisme est le seul avenir de la Belgique unie. Certes, on peut enlever le mot "unie" et parler d'entente entre les Etats qui vont se séparer.