Immigration :

Intégration, Insertion, Assimilation - 1/3

Quelques problématiques succinctes

Tribune libre

Au Québec, le débat sur l’immigration revient sur la scène médiatique, à chaque changement de gouvernement ou en moyenne tous les deux ans, avec une récurrence chronométrique, alors qu'au plan fondamental rien ne change puisque l’objectif mis de l’avant c'est-à-dire l’intégration des nouveaux arrivants a perdu de son harmonie et de sa cohérence. À la limite, considèrent des observateurs avertis et des analystes éclairés des politiques d’immigration, cela devient une querelle byzantine dont seuls des pans entiers de nouveaux arrivants en pâtissent.
Alors, qui penserait à mal si quelques-uns parmi-eux se posent une série de questions qui leur paraissent essentielles et qui sont perçues et traitées différemment par les acteurs principaux - Gouvernement (ministère de l'immigration et celui de l'emploi, etc.), syndicats, ordres professionnels, université, organismes d'accueil, organismes de soutien à l'emploi, etc. ? Partant du principe que ces organisations font de leur mieux, chacune de son côté, il est, malgré tout, accepté et reconnu que dans les faits les résultats sont peu probants.
Sans aller chercher l’énoncé d’une problématique scientifiquement observable, j’ai partagé avec quelques immigrants en provenance d’Algérie, du Maroc, de Roumanie, de Colombie et de France, quelques réflexions qui ont abouti à formuler les questions suivantes :
1) Si ce sont les politiques gouvernementales qui ne fonctionnent pas, pourquoi ne sont-elles pas corrigées selon un modèle de réflexion pertinent ?
2) Si ces mêmes politiques sont inadaptées pour assurer la réussite de cette intégration, comment se fait-il que les programmes appropriés ne sont pas conçus pour réussir après une période maximale de six mois, qui serait en tout état de cause le plus long terme ?
3) En d’autres mots, ces politiques sont-elles dépassées, caduques et par conséquent obsolètes au vu des contraintes socioéconomiques que vit un grand nombre de nouveaux arrivants avant l’obtention de la citoyenneté ? Cinq années de galère !? Dans ce cas,
4) Comment se fait-il qu’elles ne soient pas reformulées en faisant, par exemple, table rase des programmes existants au lieu des les mettre à jour et de soi-disant les adapter alors que ces mises à jour et ces adaptations n’aboutissent pas aux résultats escomptés ?
5) Au moment où un grand nombre de pays européens se lance dans l'appel à l'immigration pour contrer les conséquences d'une démographie qui échappe aux gouvernants, comment se fait-il que le Canada et le Québec s'obstinent à maintenir les mêmes tendances en matière d'immigration et d'intégration des nouveaux arrivants ?
Bien entendu, si l’on tient compte des réponses et des commentaires des professionnels institutionnels (Immigration, emploi et organismes para publics, universités et chercheurs …) tout est mis en œuvre pour y remédier. Mieux encore, ils annoncent toujours que de nouveaux programmes sont mis de l’avant pour combler les déficits et répondre aux demandes des nouveaux arrivants. Ce qui est vrai et personne ne saurait le réfuter.
Cependant, dans la pratique quotidienne, des centaines de ces nouveaux ou futurs nouveaux citoyens se retrouvent dans la marge et jamais dans le flux normal de l’apport à la société que ce soit au plan social, culturel, économique et bien plus loin politique. Trois de mes interlocuteurs sont d'accord pour souligner que les programmes sont les mêmes depuis plus de 10 ans et que seuls les titres et quelques aspects sont changés.
Viennent s'ajouter deux autres questions : Y a-t-il une ou des raisons en plus du questionnement ci-dessus et la problématique serait-elle en amont du processus de sélection, au milieu ou après l’arrivée des immigrants ? Qu'importe la place de ces interrogations !? Peut être, pourraient dire, outre le groupe de mes cinq interlocuteurs, un grand nombre d’observateurs sollicités. Il n’y a aucun doute répliqueraient d’autres.
Allant dans le sens de cet énoncé et considérant le terme ‘’Intégration’’, je me suis demandé s’il est réfléchi et compris de la même façon par les intervenants, les spécialistes et autres conseillers en immigration ou en intégration. La réponse que j'obtiens est synthétisée, partagée et formulée comme suit : Selon divers avis recensés il a été vidé de son sens tellement il a été galvaudé depuis au moins une dizaine d’années. Or, ce qui est le plus essentiel c'est la participation à une vie sociétale et économique. Ce n’est point le cas ».
Retenons que des définitions préétablies, il ressort qu'est ‘’immigrant toute personne née de parents étrangers à l’étranger et qui a été accepté par le Québec et le Canada en tant que résident permanent’’. La citoyenneté étant accordée suite une demande formulée après trois années (un peu plus que 1001 jours) passées sur le territoire Canadien.
Mais en dépit de l’acquisition de la citoyenneté, beaucoup de nouveaux canadiens et nouveaux québécois originaires des pays d'Afrique continuent à être qualifiés d’immigrants. Pire encore, des citoyens de la deuxième ou troisième génération nés au Canada conservent cette qualité au plan social et un grand nombre parmi eux vivent les mêmes problématiques d’intégration que les derniers arrivants.
À suivre
Ferid Chikhi
Longueuil

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Algéro-Canadien, Ferid Chikhi vit au Québec depuis 2001. Conférencier et formateur, il est membre de plusieurs groupes et collectifs d’études. Contributeur de presse il est auteur d'articles, de réflexions et d'analyses tant politiques qu’économiques. Il a publié divers textes sur les problématiques d’accueil et d’intégration des immigrants au Québec. Ferid est membre du Conseil d'administration des IPSOs ; membre fondateur de l'Association des Nord-Africains pour la Laicité (AQNAL) ; membre du Groupe d'Études et de Réflexions Méditerranée Amérique du Nord (GERMAN) et l'animateur du site www.convergencesplurielles.com





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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    30 novembre 2012

    D'autre part, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), sous les Conservateurs, c'est devenu "l'enfer"!
    J'accompagne une famille de réfugiés arrivée ici, il y a 6 ans. Demande de citoyenneté envoyée en octobre 2010. Je viens de communiquer avec CIC: ça peut prendre encore jusqu'à 18 mois avant d'obtenir une réponse.On est presque rendus en 2013.

  • Marcel Haché Répondre

    30 novembre 2012

    Et je passe à un autre appel… d’un prestataire :
    - M. Haché ?
    - Oui;
    - Mon numéro de dossier est yxyxy. Mon nom est ndfrb. Je vous ai rencontré il y a trois mois. Vous vous souvenez de moi ?
    - Pas très bien. Excusez-moi. Redites-moi le numéro de votre dossier s.v.p.
    - Le xy51xy. Ça fait rien. Je veux vous remercier. Vous m’avez aidée. Bonjour. Merci beaucoup.
    Intrigué, je revois le dossier informatique xy51xy de la cliente après l’appel. Code réfugiée. Code Croatie. Depuis moins d’un an au Canada.
    Ça me revient alors : une entrevue à la demande de la cliente. Je me souviens d’elle : une jeune femme intelligente, mais vulnérable, presque affolée, comme vulnérable et affolée de douter d’elle-même. S’exprimait suffisamment bien en français pour me raconter qu’elle avait fui la guerre, suffisamment bien pour que je puisse deviner qu’elle avait passé un très mauvais quart d’heure, et suffisamment bien surtout pour que je sois en mesure de reconnaître son désarroi :
    -« je sais pas ce qui m’arrive, je n’ai jamais été comme ça ».
    Je crois avoir trouvé ce jour-là les mots qu’il fallait, et les références aussi…
    Je me dis maintenant, longtemps après les guerres de l’ancienne Yougoslavie, que les besoins des nouveaux arrivants sont bien plus pressants que la maîtrise d’une nouvelle langue. Il y a la vie tout simplement. Et dans ce cas-là, la survie.
    Malgré le West Island, Nous pourrons ramener à Nous tous les nouveaux arrivants, moins avec les mots eux-mêmes à l’intérieur de tous nos programmes, par ailleurs si nécessaires, mais qui sont rien de moins que l’expression de notre impérialisme culturel, que le ton éminemment politique que Nous sommes capables d’employer, celui du cœur. À cet égard, les signaux politiques très forts devraient provenir de très haut…Ça ferait plus sérieux. Et il est plus que temps que Nous le soyons, sérieux. Nos humoristes ne peuvent pas tout faire…
    P.S. Je n’en demeure pas moins un « anti-immigration » pour autant.

    -

  • Archives de Vigile Répondre

    30 novembre 2012

    Une étude parue cette semaine mentionnait que la situation en lien avec l'emploi est plus problématique au Québec en ce qui concerne les immigrants scolarisés.
    Pour ma part, il me semble que ça s'explique. Ça s'explique par la question linguistique. Plus on monte dans la "hiérarchie" du marché de travail, plus ça exige la maîtrise du français écrit...et plus ça exige de se débrouiller en anglais. Notamment dans la région de Montréal.
    Ce serait plus exigeant au Québec que dans le reste du Canada.Si vous êtes en Colombie Britannique ou en Alberta, il vous suffit de vous débrouiller en anglais.
    Et, encore une fois, il faut distinguer entre l'immigrant réfugié ou non. Règle générale, c'est plus difficile pour le réfugié.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 novembre 2012

    Je corrige mon erreur:Dans le cas du réfugié, "l’intégration", selon moi, signifie, d’abord, ne plus être sur l'aide sociale pour celui apte au travail et pas trop âgé.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 novembre 2012

    À mon humble avis, une des raisons qui explique pourquoi plusieurs immigrants scolarisés éprouvent des difficultés à se trouver un emploi, c’est le FRANÇAIS ÉCRIT.
    Bien écrire en français n’est pas facile même pour bon nombre de Québécois francophones de souche. Qu'on songe seulement aux nombreux homophones dans cette langue et à la syntaxe.
    Or, l’immigrant doit d’abord maîtriser un minimum de français pour se débrouiller en société. Pour le réfugié, c’est encore pire étant sa situation très difficile. S’il a une famille, il doit, en même temps, s’occuper de sa famille tout en apprenant le français.Mieux encore, il doit apprendre aussi le langage québécois. C’est beaucoup de choses à apprendre en même temps.
    Or, plusieurs emplois exigent une maîtrise du français écrit. Selon mon expérience avec des réfugiés Colombiens, c’est beaucoup demander...pour différentes raisons.
    Qu’on ajoute à cela l’exigence d’un minimum d’anglais dans plusieurs cas.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 novembre 2012

    Je pense que, au départ, il faut faire une distinction très importante entre l'immigrant réfugié et l'immigrant non réfugié.
    En ce qui concerne le réfugié, il faut aussi faire une distinction entre celui qui parle français, à son arrivée, et celui qui arrive sans connaître le français ni l'anglais. Dans ce dernier cas, plus les gens sont âgés plus l'intégration devient difficile.
    Dans le cas du réfugié, "l'intégration", selon moi, signifie d'abord ne plus être sociale pour celui apte au travail et pas trop âgé.