Salué à Bruxelles, le plan de rigueur irlandais est largement décrié sur l'île: les syndicats dénoncent une injustice, les économistes craignent pour la reprise et les électeurs pourraient traduire dans les urnes leur colère lors d'une législative partielle tenue jeudi.
"C'est une mise à mort": dans les rues du centre de Dublin, les Irlandais étaient sous le choc, jeudi matin, après un plan de rigueur plus sévère que prévu. "Je prends des médicaments. Va falloir que je choisisse entre acheter mes médicaments ou de quoi manger", lance cet homme dans la quarantaine dont le salaire minimum sera amputé de 12%.
Dublin a annoncé mercredi un plan de rigueur quadriennal de 15 milliards d'euros. Les allocations chômage et familiales seront réduites, tout comme les retraites des fonctionnaires et le salaire minimum, et près de 25.000 emplois publics seront supprimés.
C'est un "effort énorme", a reconnu Amadeu Altafaj Tardio, porte-parole du commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn. Mais "c'est un élément fondamental" en vue de l'obtention du plan de sauvetage de l'Union européenne et du Fonds monétaire international, a-t-il dit jeudi sur la radio publique irlandaise RTE.
L'aide, en cours de négociation à Dublin, a de bonnes chances d'être finalisée dimanche, ont indiqué jeudi des sources diplomatiques à l'AFP.
La sévérité des coupes annoncées mercredi a fait sortir la présidente Mary McAleese de la réserve due à son poste strictement honorifique: "Tout en respectant pleinement la nature de mon rôle, je tiens à reconnaître le désarroi et la consternation compréhensibles de la population qui craint pour son avenir", a-t-elle dit dans un communiqué.
"Nous avons effectué une évaluation réaliste de ce qui est possible, nécessaire et faisable", a insisté Brian Cowen lors de débats au Parlement.
Ce n'est pas l'avis des syndicats. "Ce plan est une déclaration de guerre contre les bas salaires", a averti Jack O'Connor, président du Siptu, premier syndicat de l'île. "Les premiers ciblés sont les plus vulnérables", juge David Begg, secrétaire général de l'Irish Congress of Trade Unions (ICTU), qui organise samedi une manifestation à Dublin.
La colère populaire a toutes les chances de se traduire dans les urnes lors de la législative partielle tenue jeudi dans le comté de Donegal (nord-ouest), à en croire les sondages. Le parti au pouvoir, le Fianna Fail, est donné perdant, ce qui réduirait à deux députés la majorité gouvernementale, avant la présentation au Parlement, le 7 décembre, du budget de rigueur pour 2011. Le Premier ministre appelle à un sursaut national pour voter l'austérité mais l'opposition est réticente, tandis qu'approchent des élections anticipées prévues en début d'année prochaine.
Le plan d'austérité fait de plus craindre pour la fragile reprise de l'économie celtique. "Les mesures fiscales vont avoir un impact significatif sur la demande", déclare à l'AFP Constantin Gurdgiev, professeur au Trinity College de Dublin.
Le plan ne fait "aucune provision en vue de nouvelles injections de capital dans le système bancaire qui pourraient être nécessaires", s'étonne dans une note la maison de courtage irlandaise Davy Research. L'ampleur du passif des banques irlandaises, criblées de dettes, n'est pas encore connue et pourrait atteindre plusieurs centaines de milliards.
Les marchés n'ont d'ailleurs pas semblé convaincus par le plan de Dublin: les taux des emprunts d'Etat irlandais à dix ans ont établi jeudi un nouveau record.
La chancelière allemande Angela Merkel a cependant déclaré avoir "plus confiance qu'au printemps" en la stabilité de la zone euro.
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