Henry Siegman, ancien directeur exécutif du Congrès juif américain, militant très engagé en faveur de la création d'un Etat palestinien et expert influent de la politique étrangère américaine, livre un véritable réquisitoire contre la politique de colonisation israélienne. Pour lui, seule une intervention extérieure "contraignante" peut débloquer la situation au Proche-Orient. Nous en publions les principaux extraits.
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Israël s’est employé sans relâche à créer un fait accompli en Cisjordanie occupée, et cette politique, qui se poursuit en violation du gel pourtant limité des implantations auquel s’est engagé le Premier ministre Netanyahou, semble avoir réussi à rendre son projet de colonisation irréversible. Le résultat de ce "succès", auquel les gouvernements israéliens successifs ont longtemps travaillé, rendant de ce fait impossible la création d’un Etat palestinien indépendant, c’est qu’Israël a franchi le seuil qui sépare la "seule démocratie du Moyen-Orient" de l’unique régime d’apartheid du monde occidental. […]
Quand un Etat s’installe dans le déni des droits individuels et nationaux d’une bonne partie de sa population, il cesse d’être une démocratie. Quand ce déni se fonde sur l’identité ethnique et religieuse de cette population, cet Etat pratique une forme d’apartheid, ou de racisme, qui n’est pas très différente de celle qu’a connue l’Afrique du Sud entre 1948 et 1994. Le fait qu’Israël offre un cadre démocratique à la grande majorité juive de ses citoyens ne peut masquer ce changement. Par définition, une démocratie réservée à des citoyens privilégiés, tandis que les autres sont maintenus derrière des checkpoints, des barrières de barbelés et des murs de séparation tenus par l’armée israélienne, n’est pas une démocratie, mais son contraire. […]
Tôt ou tard, la Maison-Blanche, le Congrès et l’opinion américaine – sans parler d’un establishment juif qui a largement perdu le contact avec une jeune génération de juifs dont le regard sur l’attitude d’Israël est en train de changer – vont devoir admettre le fait que la "relation particulière" des Etats-Unis avec Israël aboutit à soutenir une entreprise coloniale.
Pour beaucoup, la capitulation du président Barack Obama devant Netanyahou à propos du gel des implantations a détruit le dernier espoir de voir aboutir la solution des deux Etats. Elle a complètement discrédité l’idée selon laquelle, pour les Palestiniens, le chemin vers un Etat passerait par la modération. Et donc discrédité aussi le premier avocat de la ligne modérée, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, qui a annoncé son intention de ne pas se représenter à la prochaine élection présidentielle.
Le gel "limité" concédé par Netanyahou a été salué par l’administration Obama comme "sans précédent", alors même que les exceptions qu’il prévoit […] portent le total des constructions au même niveau que s’il n’y avait pas de gel. […] Et la presse rapporte qu’en dépit du gel les nouvelles constructions battent leur plein dans les implantations. Tout cela n’a pas entraîné de réprimande publique de la part de l’administration Obama, et encore moins le genre de sanctions appliquées aux Palestiniens quand ils violent les accords. […]
Mais ce qui a été généralement interprété comme le coup de grâce à la solution des deux Etats pourrait s’avérer au contraire être la condition nécessaire à sa réussite. Cette condition, c’est l’abandon de l’idée hautement fallacieuse selon laquelle un Etat palestinien pourrait voir le jour sans une intervention extérieure contraignante. […]
Bien sûr, Obama ne doit laisser planer aucun doute sur le fait qu’il serait inconcevable pour les Etats-Unis de ne pas prendre pleinement en compte les véritables besoins de sécurité d’Israël, si mécontents soient-ils de la politique menée par tel ou tel gouvernement israélien.
Mais il ne doit pas faire de doute non plus qu’il serait tout aussi inconcevable pour les Etats-Unis de renoncer à leurs valeurs fondamentales ou de mettre en péril leurs intérêts stratégiques à seule fin de maintenir le gouvernement Netanyahou au pouvoir, en particulier quand soutenir ce gouvernement signifie soutenir un régime qui en permanence spolierait le peuple palestinien et le priverait de ses droits.
En bref, le processus de paix au Moyen-Orient continuera d’échouer, et la solution des deux Etats disparaîtra si la politique américaine continue d’ignorer les réalités du terrain dans les territoires occupés et à l’intérieur d’Israël, réalités qui ne peuvent être inversées que par une intervention extérieure.
Le président Obama a une occasion unique de permettre à Israël de renouer avec son idéal fondateur, juif et démocratique, aujourd’hui gravement compromis. Mais pour cela il doit renoncer à la politique à la petite semaine. N’est-ce pas justement la promesse de rompre avec de telles politiques qui a propulsé Obama à la Maison-Blanche et qui lui a valu le respect stupéfait du monde entier ?
H. S.
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Israël : M. Obama, ne capitulez pas !
Israël a franchi le seuil qui sépare la "seule démocratie du Moyen-Orient" de l’unique régime d’apartheid du monde occidental.
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