Bulletin du lundi

L'arithmétique du minoritaire

Chronique de Robert Laplante


Les députés du PLC ont passé la semaine à se crêper le chignon sur le nombre trop élevé de paragraphes concernant le Québec dans le discours du Trône. Le Québec, le Québec, non mais les députés rouges canadian commencent à en revenir. Harper en fait trop pour la province. Il y a tout de même des limites au clientélisme. Il a beau promettre à tout venant que la province sera bien traitée, il ne faut pas perdre le sens de la mesure. L'étalon ? Pas plus de un douzième : dix provinces et deux territoires.
Heureusement que Denis Coderre s'en est mêlé, il fallait bien rehausser le niveau intellectuel de tout cela. Une minorité bien traitée, c'est ce qu'il faut. La décence l'exige, ça fait partie des valeurs canadian, après tout. Mais, bon, il y a décence et décence, et puis tout le monde a ses dinosaures, a-t-il dit pour nous rassurer. Il a fallu que Lucienne Robillard intervienne pour nous dire combien c'est dur l'opposition. L'appel à la compassion, ça marche toujours. Ou presque.
Le problème d'arithmétique nous aura donc valu un premier effet théâtral de la part des ministres conservateurs québécois. Même madame Verner que les défenseurs du zoo de Québec cherchaient partout depuis des semaines est sortie de sa réserve. Cinq, ils se sont mis à cinq pour faire la leçon à ces malpolis de libéraux. La compassion, ça ne marchait pas pour eux. Le gouvernement Harper va faire une place unique au Québec dans un Canada fort et uni.
Ils repasseront les malotrus qui osent regimber à propos du surplus de confort que la générosité conservatrice est prête à accorder à sa minorité. Le Québec aura sa place à l'Unesco... dans la délégation canadian. Encore l'arithmétique : 1 + 1 = 1 Canada fier de montrer sa minorité sur les tribunes internationales. On voit ça d'ici, Line Beauchamp rivaliser de sourire avec son homologue fédérale qui ne parle pas un mot de français pour illustrer la position canadian en matière de diversité culturelle. Yvon Charbonneau pourra sans doute servir d'interprète, un bon libéral est toujours un peu ventriloque, surtout quand il est planqué.
La semaine était décidément manquée. L'homme qui a toujours été en avant de son temps a profité de ce que l'on était passé à l'heure avancée pour nous faire l'honneur de nous aviser qu'il se lançait dans la course au leadership du PLC. Misère de misère ! Encore une fois l'arithmétique. Il nous a balancé sa candidature en étalant ses problèmes identitaires. Il les additionne ses identités, l'éminent. Québécois, Canadian, il grandit sous les épithètes. On se demande d'ailleurs pourquoi il s'arrête à Ottawa. Il serait encore plus riche, plus grand, plus post-moderne s'il était américain, mexicain, terrien. Quand on additionne, rien n'interdit de viser l'infini. Sauf que l'arithmétique canadian définit une limite : le Canada, lui, a le droit d'être indépendant. On additionne jusqu'à atteindre la quintessence de la civilisation et puis après, on s'arrête pour casser du séparatiste.
Ah ! il ne se pouvait plus, le cher Stéphane. Et il en a remis, côté arithmétique en nous rappelant son Clarity Bill. 50% +1 ce ne serait donc pas suffisant. Il faudrait s'en remettre aux sages de la Colline fédérale pour trouver la bonne borne. La démocratie canadian est une chose bien sérieuse même si elle n'est pas toujours exacte. L'arithmétique des grandeurs, on le sait, est dure pour les minorités.
C'est vrai à Ottawa mais pas à Québec cependant. Nous, nous pouvons compter sur un homme instruit. Le bon docteur Couillard a fait de longues études. Il sait compter quand ça compte, notre ministre. Les anglophones forment à peine 8% de la population totale du Québec, 12% de la région métropolitaine mais McGill a droit à 50% du budget des méga-hôpitaux. 12% = 50%, on a tous compris qu'il y a des minoritaires qui pèsent plus que d'autres.
Mais dans l'arithmétique libérale, tout est possible. Une année, le bon docteur nous parle d'une enveloppe fermée et d'un budget qui sera respecté, l'année suivante les coûts ont augmenté de 44% parce que le projet gagne en précision. C'est tellement précis ce calcul, que Mme Jérôme-Forget, si forte en finance et comptabilité, en rajoute sur les PPP pour faire la valse avec le bon docteur : ils seront désormais « à la québécoise » pour mieux nous faire comprendre qu'on ne sait toujours pas comment tout ça va coûter. Mais on sait néanmoins que le MUHC coûtera plus cher que le CHUM - égalité quand tu nous tiens !
Aucun rabat-joie ne sera toléré, l'heure est au bonheur des affaires. Un milliard de plus ou de moins, quand on peut plastronner en se vantant de jouer avec le plus gros projet d'investissement en infrastructure de santé au monde, y a de quoi envoyer paître Elvis Gratton et son « think big ».
De l'arithmétique, le gouvernement passe donc à l'algèbre et nous laisse pantois devant des équations à plusieurs inconnues. Le 7 avril Philippe Couillard nous annonçait en grande pompe qu'il donnait le feu vert à des projets de l'ordre de 3,6 milliards mais dont le tiers du financement n'est pas encore assuré parce qu'on n'a encore eu droit à aucune précision quant à l'ampleur et aux conditions du financement fédéral; parce qu'on ne sait pas encore comment on atteindra les objectifs des campagnes de souscription; parce qu'on ne sait toujours pas ce qu'on fera si par hasard le CHUM n'y arrive pas et que le MUCH s'arrange comme le font d'habitude les riches, surtout quand ils sont majoritaires/minoritaires par effet de consentement à l'automutilation. Parce que, euh !...
Parce qu'une province est une province, et qu'elle a plus de chance d'être une bonne province si elle sait compter ce qu'il lui faut pour tenir son rang. Nous avons passé la semaine à nous enfarger dans les calculs pour mieux briller parmi les meilleurs au concours d'arithmétique du minoritaire.

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Robert Laplante173 articles

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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.

Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]





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