À la suite d'un éditorial du quotidien The Globe and Mail affirmant qu'une seule agence nationale des marchés financiers aurait empêché la crise du papier commercial adossé à des actifs (PCAA), le président de l'AMF, M. Jean St-Gelais, nous a transmis la réaction qu'il a fait parvenir au journal torontois. La réponse étant d'intérêt dans le cadre du débat actuel, nous avons jugé pertinent de la publier dans nos pages.
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Les commentaires publiés dans l'édition de mercredi du Globe and Mail sous le titre quelque peu condescendant «ABCP and the Hockin Report -- National unity for capital markets» («Le PCAA et le rapport Hockin: unité nationale pour les marchés financiers») méritent une réponse [...]
Premièrement, d'amener vos lecteurs à croire que «l'effondrement du papier commercial adossé à des actifs aurait bien pu être évité» si les recommandations du rapport Hockin avaient été en place en 2007 est une explication d'une simplicité touchant à la maladresse.
Deuxièmement, prétendre que «s'il y avait eu une commission pancanadienne unique et qu'on avait adopté une démarche réglementaire fondée sur des principes [...], on aurait peut-être évité à la Caisse de dépôt et placement du Québec [...] de lourdes pertes imputables au PCAA» révèle une mauvaise connaissance du fonctionnement élémentaire des marchés financiers, du moins du secteur institutionnel.
Je ne croyais pas qu'il m'aurait aujourd'hui fallu rappeler à qui que ce soit l'ampleur de la crise financière actuelle, une crise qui frappe les marchés de toutes les valeurs mobilières complexes, partout au monde. Les fausses idées véhiculées dans les extraits cités, et dans le reste de l'article, m'amènent à penser qu'une rectification s'impose. [...]
La crise financière frappe durement le Royaume-Uni et les États-Unis. Pourtant, le Royaume-Uni a une autorité en valeurs mobilières unique, la Financial Services Authority, qui a adopté de longue date une démarche réglementaire fondée sur des principes. Et nous connaissons tous bien la Securities and Exchange Commission des États-Unis, où, s'entendent les analystes, la débâcle du marché hypothécaire à risque a entraîné la crise mondiale du crédit qui sévit depuis l'été 2007. Le Royaume-Uni et les États-Unis sont-ils des pays où «la [...] crise aurait été prévisible [...] et [...] le risque de catastrophe aurait été bien moindre»? (traduction)
Les analystes s'entendent également pour dire qu'au Canada, le gel du marché du PCAA non bancaire en août 2007 a été l'une des conséquences les plus visibles de la crise. Permettez-moi de vous rappeler le développement du marché du PCAA au Canada.
Dans une structure habituelle de PCAA, le décalage entre les échéances du PCAA à court terme en circulation et des actifs sous-jacents à plus long terme détenus par l'émetteur crée un risque de défaillance qui pourrait empêcher les émetteurs de procéder au «report» ou d'émettre de nouveaux billets pour financer les emprunts qui arrivent à échéance. Les émetteurs de PCAA ont généralement besoin d'un concours de trésorerie (liquidity facility) pour atténuer ce risque.
Au Canada, les concours de trésorerie pour les émetteurs de PCAA comportaient généralement un critère de «perturbation générale des marchés», selon lequel le concours n'était activé que si le papier commercial ne pouvait être émis à aucun prix par aucun émetteur. Ces dispositions sur les concours de trésorerie «de type canadien» étaient fondées sur la ligne directrice B-5 du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF). Les banques étrangères et les fournisseurs non bancaires de concours de trésorerie ont repris ce texte dans leurs contrats conclus avec les émetteurs de PCAA.
Pour le calcul des normes de fonds propres de la banque, ce texte excluait les portions inutilisées d'un concours de trésorerie qui ne pouvait être utilisées qu'en cas de «perturbation générale des marchés». Les banques fournissant des concours de trésorerie plus larges, «de type international», auraient vu des normes de fonds propres s'appliquer aux portions inutilisées des concours de trésorerie consentis.
Tout le marché canadien du PCAA a été gelé en août 2007, ce qui n'a toutefois pas empêché les émetteurs de PCAA bancaire de continuer à reporter leur PCAA sans interruption notable, car les banques ont racheté une grande part du PCAA aux conduits qui leur étaient reliés et ont réinscrit au bilan des montants considérables de PCAA.
Pour les banques canadiennes, la protection de leur réputation l'a emporté sur l'exécution contractuelle de la clause de «perturbation générale des marchés». En défendant leur réputation, elles se sont conduites exactement comme si elles avaient fourni des concours de trésorerie de type international. Certes louable et applaudie par les investisseurs, cette mesure a cependant eu pour effet de placer les émetteurs de PCAA non bancaire dans une situation désavantageuse: sans soutien de liquidités, le marché canadien du PCAA non bancaire s'est immobilisé. Aurait-ce pu être évité?[...]
À ceux qui se demandent encore «si [les présidents des quatre plus importantes autorités provinciales en valeurs mobilières] se sont mutuellement fait part de leurs inquiétudes sur le PCAA», je suggère de se reporter au document de consultation publié par les ACVM en octobre 2008. J'invite également tous ceux qui auraient des commentaires constructifs à formuler sur le document à le faire, les ACVM ayant prolongé la période de consultation jusqu'à la mi-février.
Appuyé sur une recherche solide et élaboré soigneusement à la suite d'une mûre réflexion, ce document est le résumé d'un an de travail. Les ACVM y exposent les principales raisons de la crise financière et les solutions qui y sont proposées, dont la suppression de la dispense de prospectus et d'inscription prévue actuellement pour la vente aux investisseurs peu avertis de produits semblables au PCAA. Pour apporter une précision sur «la multiplicité déplorable» (traduction) des lois sur les valeurs mobilières du Canada, ceux qui souhaiteraient prendre connaissance de cette dispense la trouveront à l'article 2.35 du règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus et d'inscription, un règlement pancanadien adopté en 2005 par l'ensemble du pays.
Avons-nous été lents à réagir au gel du marché du PCAA? Peut-être, peut-être pas. Lundi, le juge Colin Campbell a donné son approbation finale à la mise en oeuvre du plan de sauvetage dont le comité Crawford a entamé l'élaboration il y a plus de 17 mois. Souvent à problèmes complexes, solutions complexes.
Pour proposer au marché ce que j'estime être un ensemble de solutions efficaces, les ACVM souhaitaient évaluer les répercussions réglementaires des propositions présentées, notamment par l'Organisation internationale des commissions de valeurs et la SEC. Pour développer les cadres réglementaires proposés, nous voulions faire d'abord une analyse approfondie de la situation et une lecture juste des besoins du marché afin d'éviter d'avoir à revenir sur nos propositions. La SEC a considérablement modifié ses propositions sur les agences de notation parce qu'elle a peut-être fait preuve de trop d'impatience au début.
Enfin, je me demande ces jours-ci si je devrais rire ou pleurer lorsque l'on parle de«l'attachement naturel du Québec à son pouvoir législatif sur la propriété et les droits civils» (traductoon). Je devrais peut-être simplement ne pas en tenir compte et, surtout, ne pas considérer cela comme une insulte à mon intelligence.
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Jean St-Gelais
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National unity for capital markets
Globe and Mail
January 14, 2009
If what the report of the Expert Panel on Securities Regulation (the Hockin report) recommended on Monday had already been in place in 2007, the asset-backed commercial paper collapse might well have been prevented.
More specifically, if there had been a single national securities commission in Canada, with a principles-based approach of the kind the Hockin report calls for, the Caisse de dépot et placement du Québec, so highly valued in Quebec's political and economic culture, might not have suffered grave losses on ABCP.
The principle that small, non-expert investors should be protected by disclosure in prospectuses is long-established. But the present Canadian securities statutes, in their lamentable multiplicity, contain an exemption from the prospectus requirement that opened the way to the retail marketing of such a complex investment vehicle as ABCP to unsophisticated purchasers.
There was not even the lesser requirement of an offering memorandum, a document intended for comparatively well-versed investors; some ABCP issuers did voluntarily provide one on their own terms, but not necessarily with much information value.
The ABCP crisis was foreseeable. Many public agencies could have altered the way ABCP developed. If the securities regulators had been consolidated into one national commission with moderately good internal communications, the risk of disaster would have been much less.
Though there is an informal quarterly forum known as the “Heads of Agencies,” which includes the chairs of the four largest provincial securities commissions, it is not known whether they worried to each other about ABCP.
Moreover, once the ABCP market froze up in August, 2007, the regulatory reaction was slow. As the Hockin report points out, it was not until October, 2008, that the Canadian Securities Administrators issued a consultation paper. Unwieldy insolvency proceedings have made their way through the courts, concluding only on Monday.
The Expert Panel rightly recommends that the new national commission should have powers to respond quickly to dangerous events in capital markets.
Quebec feels a naturally strong attachment to its property-and-civil-rights legislative power under the Constitution Act, 1867, as well as to Montreal's history as the financial centre of Canada. But the core economic interests of all provinces would be better served by national unity and a national investment marketplace.
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