L'autre simplisme

Le simplisme de Dubuc, c'est de confondre le fait et la norme... Même plus diversifiée, la culture québécoise n'est pas un projet 'multiculturel', et sa langue française n'est pas une option parmi d'autres.


Mario Dumont, en abordant de façon trop simpliste le complexe problème de l'immigration, s'est à juste titre fait accuser de vouloir se faire du capital en jouant sur les peurs des Québécois. Mais il n'est pas le seul à faire de la récupération.
Un autre politicien québécois, et non le moindre, a lui aussi abordé les questions d'immigration et d'intégration avec de gros sabots, en jouant sur les mêmes registres que le chef adéquiste, ceux de la peur de l'autre et de la tentation ethnocentriste. Et c'est Bernard Landry, ancien premier ministre et ancien chef du Parti québécois.
Toujours désireux de rester sous les feux de la rampe, deux ans après sa démission, le politicien à la retraite prononçait un discours dimanche, devant 2000 personnes réunies pour célébrer le 30e anniversaire de la loi 101.
" C'est pour nous un devoir d'intégrer et de leur dire la vérité. Le Québec n'est pas multiculturel! ", a lancé M. Landry, pour qui il y une seule culture au Québec, " le grand courant culturel honorable qui s'appelle la culture québécoise ".
" Le Québec n'est pas bilingue non plus. La langue officielle du Québec, c'est le français. La langue commune du Québec, c'est le français pour tous les gouvernements du Québec. "
Évidemment, on ne sait pas exactement ce que l'ancien premier ministre cherchait à dire en affirmant que le Québec n'est pas multiculturel et pas bilingue. Voulait-il tout simplement rappeler deux évidences: que le Québec n'adopte pas la doctrine du multiculturalisme si importante ailleurs au Canada, et que le Québec a une seule langue officielle?
Mais en politique, il y a les mots et le message, il y a ce qu'on dit et ce que les gens comprendront. Voilà pourquoi un politicien prudent doit être très soucieux de l'interprétation possible de ses propos. On l'a vu récemment avec Mario Dumont dans un dossier connexe. Le chef de l'opposition n'a jamais dit qu'il voulait stopper l'immigration, mais bien qu'il fallait maintenir le rythme de l'immigration à son niveau actuel et ne pas l'augmenter. Bien des gens, ravis, ont plutôt compris qu'il voulait fermer le robinet. Et celui-ci n'a rien fait pour les dissuader, ce qui lui a permis d'être formellement modéré dans ses propos tout en réussissant à plaire aux immodérés.
De la même façon, quand M. Landry lance que le Québec n'est pas multiculturel et qu'il n'est pas bilingue, il dit exactement ce que les Québécois qui s'inscrivent dans la mouvance hérouxvillienne souhaitent entendre, à savoir qu'il n'y a qu'une seule façon d'être québécois, une seule langue et une seule culture.
En ce faisant, il contribue à occulter tout un pan de la réalité québécoise. Car si le Québec n'a pas adopté la doctrine du multiculturalisme à la canadienne, le modèle d'intégration plus classique dont le Québec se réclame ne fonctionne plus comme avant. Dans les faits, peu importent les doctrines, le Québec est une société de plus en plus multiculturelle. Parce que le niveau d'immigration augmente, parce qu'une partie des nouveaux venus proviennent de cultures plus éloignées qui s'intègrent moins rapidement ou avec plus de résistance, parce que la société d'accueil impose sa propre culture avec moins de vigueur.
Le résultat est une culture moins homogène, à géométrie variable, multiforme, qu'il n'est pas toujours possible de ramener sous le parapluie d'une culture québécoise. C'est ce qui explique d'ailleurs l'existence d'une commission d'enquête sur la question.
De la même façon, le Québec est français, parce que sa majorité est francophone, que sa langue officielle est le français. Mais la description est sommaire parce qu'elle occulte l'existence d'une minorité importante, le fait que plus de 10% des citoyens parlent anglais. C'est aussi nier la réalité montréalaise qui a comme caractéristique de fonctionner dans les deux langues. La spécificité de Montréal, qui en fait une ville unique, ce n'est pas seulement le fait d'être largement française, mais d'être le point de rencontre de deux langues et de deux cultures.
On pourra m'accuser de faire un procès d'intention à M. Landry. Je ne crois pas au hasard. L'ancien politicien n'a pas tenu ces propos n'importe où, mais bien lors d'un événement organisé par le Mouvement Montréal français, qui réunit les partisans de la ligne dure dans le débat linguistique, ceux qui prônent " l'application rigoureuse de la charte et son renforcement ", qui veulent que le français soit la seule langue publique commune à Montréal, et qui s'inscrivent dans une même logique du " nous contre eux " qui a fait déraper le débat sur les accommodements raisonnables.


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1 commentaire

  • Maxime Schinck Répondre

    30 août 2007

    Je commence à être tanné d'entendre parler du « Nous » contre le « Eux » quand on parle de la pensée des nationalistes. Ce n'est pas le cas. Le but des nationalistes n'est pas de créer un lutte fondée sur la langue maternelle, sur la race ou la nationalité d'origine. Ce n'est pas : « Tu es anglophone, donc je te déteste. »
    Le but des nationalistes québécois est plutôt de faire du français la langue commune de TOUS les Québécois, comme dans n'importe quel État normal. C'est un principe d'universalité. Dites-moi, si vous allez en Italie et que vous ne parlez pas un mot d'italien, êtes-vous Italien? Non, bien sûr. C'est la même chose ici : que vous soyez d'ici ou d'ailleurs, que vous soyez de race française, anglaise ou autre, cela n'a pas d'importance. Ce qui importe, c'est qu'on puisse tous discuter ensemble dans une même langue, à savoir dans notre cas le français.
    Quelqu'un qui ne parle pas français au Québec, que ce soit comme langue maternelle ou comme langue seconde, s'exclue lui-même du reste de la société. Il choisit lui-même de ne pas être Québécois.