Gabrielle Duchaine-Baillargeon - Trente ans après l’adoption du projet de loi 101, le français est toujours menacé au Québec. De nombreux spécialistes interrogés par Le Journal de Montréal estiment même que la Charte québécoise de la langue française est un échec sur plusieurs plans.
Une tendance inquiétante
# Si la tendance se maintient, d'ici 2021, les francophones auront perdu du terrain au Québec. Les francophones (ceux dont la langue d’usage est le français) formeront 49,7% de la population sur l’île de Montréal.
# Les francophones constituaient 52% de la population montréalaise en 1996.
# Au Québec, les francophones représenteront 81% de la population en 2021, par rapport à 83% en 2001.
# Les anglophones verront aussi leur population diminuer. De 26% de la population montréalaise en 1996, ils seront 21,6% en 2021. Au Québec, la proportion d’anglophones, pour la même période, aura passé de 10,8% à 9,6%.
# Les allophones représenteront, en 2021, 29% de la population montréalaise et 9,5% de la population québécoise.
«La loi ne fait tout simplement pas le poids contre la puissance de l’anglais», dit le sociologue de l’Université de Montréal Guy Rocher, une autorité en la matière.
La Charte québécoise de la langue française, mieux connue sous le nom de «loi 101», a été adoptée il y a 30 ans, le 26 août 1977, par le gouvernement Lévesque.
Elle fête ce week-end son trentième anniversaire en pleine controverse, après un jugement de la Cour d’appel invalidant la loi 104, qui limite l’accès à l’école anglaise. Un jugement écrit en anglais.
Mise au point par Camille Laurin, la loi 101 visait à faire du français la langue de l’État et de la loi ainsi que la langue habituelle de travail, d’enseignement, des communications, du commerce et des affaires.
Un échec
Mais selon plusieurs experts, le français, qui avait gagné du terrain au Québec après 1977, est dans un état précaire depuis environ 15 ans.
«L’attrait de l’anglais demeure très fort», estime le mathématicien et spécialiste de la situation linguistique au Québec Charles Castonguay.
«Et la loi 101 est trop faible pour que le français attire sa juste part d’allophones», ajoute Guy Rocher.
Les démographes, mathématiciens, militants, historiens et sociologues interrogés par le Journal sont formels: la loi 101 est un échec à plusieurs égards.
D’abord, des centaines de milliers de Québécois travaillent toujours en anglais, surtout dans les régions de Montréal et de l’Outaouais, selon Statistique Canada Puis, le français n’est toujours pas la langue commune partout dans la province.
«Les anglophones parlent anglais entre eux et quand ils sont avec des allophones, explique Guy Rocher. Ces derniers conservent souvent leur langue. Même les francophones ont tendance à parler anglais avec les immigrants.»
Les spécialistes estiment toutefois que l’enseignement obligatoire en français est un grand succès.
L’anglais mène
En 2001, plus d’allophones ont choisi d’adopter l’anglais que le français au Québec, selon les calculs de Charles Castonguay.
«On pensait que les allophones apprendraient le français et en perpétueraient l’usage, mais ce n’est pas le cas», dit Guy Rocher.
«Un changement de langue prend du temps. De plus, la sous-fécondité des francophones et la forte immigration diminuent le pourcentage de francophones dans la population», ajoute le démographe Marc Termote.
Les dernières prévisions, qui datent de 1999 – les plus récentes n’ayant pas été publiées –, confirment la tendance. Les travaux du démographe Marc Termote, chercheur à l’institut INRS-urbanisation, suggèrent en effet qu’il y aura 81 % de francophones au Québec en 2021, comparativement à 83 % aujourd’hui.
Les francophones seront minoritaires sur l’île de Montréal, où ils ne formeront plus que 49 % de la population.
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