Le plus bel exemple de ce que peut signifier la mondialisation des économies et des sociétés, on l'a en ce moment avec les réactions en chaîne que provoque le psychodrame budgétaire américain.
Il y a en effet quelque chose de proprement stupéfiant de voir qu'un courant politique relativement marginal, comme le Tea Party, puisse, par des effets de levier, tenir le gouvernement américain en otage. Et qu'un élan de colère d'Américains de zones peu urbanisées, souvent peu scolarisés, puisse avoir, comme conséquence finale, de provoquer des mises à pied dans les régions du Québec.
Je n'essaierai même pas de spéculer sur la façon dont les États-Unis surmonteront la crise politique qui a forcé le fonctionnement au ralenti d'une grosse partie de l'appareil gouvernemental américain et qui, d'ici quelques jours, pourrait placer le pays en défaut de paiement si Washington n'obtient pas le droit d'emprunter pour payer ses dépenses.
Les jeux de coulisses entre la Maison-Blanche, les républicains et les démocrates du Sénat et de la Chambre des représentants sont à ce point ponctués de revirements imprévisibles que les perspectives d'une solution changent d'heure en heure. On ne peut que se croiser les doigts en espérant que la classe politique américaine n'est pas assez suicidaire.
Mais on peut hélas déjà prédire que cette entente sera bancale et qu'elle nous mènera à un autre affrontement dans quelques mois. Cela ne changera donc rien au fait que cette crise contribuera à l'affaiblissement des États-Unis.
Cela révèle, à un premier niveau, que le système politique américain, extrêmement sophistiqué avec ses jeux de contrepoids, est devenu dysfonctionnel et a rendu le pays ingouvernable. Mais plus profondément, cette grande puissance ne dispose plus des institutions politiques dont un pays de cette taille et de cette importance a besoin pour jouer le rôle qui doit être le sien.
Bien sûr, les États-Unis ne sont évidemment pas le seul pays à connaître des crises politiques et une polarisation, à être aux prises avec des courants populistes de droite, comme cette mouvance du Tea Party.
Ce qui est unique aux États-Unis, c'est la nature de ce mouvement, et l'importance de la rupture qu'il incarne avec ce qu'on pourrait définir comme la modernité. Si rétrograde à certains égards, si hostile aux fondements des sociétés contemporaines, qu'il devient impossible d'atteindre les consensus minimaux dont a besoin une société pour fonctionner.
Ce qui est unique aussi, c'est le phénomène de la démocratie inversée, où une minorité peut imposer sa loi, parce que le Tea Party réussit à imposer ses vues à un Parti républicain plus modéré qui, à son tour, grâce à sa majorité à la Chambre des représentants, tente d'imposer sa vision budgétaire.
Il se retrouve ainsi à exercer une forme de chantage, qui consiste à menacer la Maison-Blanche de plonger le pays dans une crise financière si le président n'accepte pas d'émasculer sa réforme de la santé et d'adopter des pans de la philosophie fiscale républicaine.
Ce qui est unique enfin, c'est qu'à cause de sa puissance économique et du rôle de sa monnaie, les crises internes des États-Unis deviennent internationales. La paralysie budgétaire actuelle, même si elle se résout, crée un climat d'incertitude et affecte l'activité économique partout sur la planète.
L'image que suggère cette crise, c'est celle d'une implosion. Et cela n'a rien de rassurant pour nous, qui sommes si proches et si dépendants de l'économie américaine.
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