Il ne s’agit que d’une première étape, mais l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est convaincue que ses premières recommandations pour lutter contre l’évasion fiscale, dévoilées mardi, constituent un véritable pas de géant.
« Nous sommes parvenus à des accords remarquables et concrets. Il s’agit d’un accomplissement historique sur la longue route qui nous mènera à la justice fiscale internationale », a solennellement déclaré le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, lors de la présentation des travaux effectués au cours des derniers mois dans le cadre du Projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS).
L’organisation internationale, basée à Paris, a dévoilé mardi les sept premiers éléments d’un plan d’action en comptant quinze. Les premières recommandations du projet BEPS s’adressent aux membres de l’OCDE, mais également aux huit pays du G20 non membres de l’organisation et à dix États en voie d’adhésion, dont la Chine, l’Inde et la Russie. À terme, les répercussions de la réforme souhaitée pourraient toutefois être mondiales.
L’objectif ultime est aussi simple qu’ambitieux : instaurer un ensemble unique de règles fiscales à l’échelle internationale pour mettre fin aux manoeuvres utilisées — le plus souvent légalement — par les entreprises multinationales dans le but de payer moins d’impôts.
Remèdes multiples
De manière concrète, la volumineuse documentation produite par l’OCDE guide d’abord les pays dans leur lutte contre l’utilisation des « montages hybrides », comme dans le cas d’une entreprise qui bénéficie des avantages fiscaux de deux juridictions différentes pour un seul et même frais.
Elle s’attaque également à l’utilisation abusive des conventions fiscales conclues entre deux États. À l’heure actuelle, des multinationales décident par exemple d’établir leur siège social dans un pays qui les avantage au moment de faire transiter des fonds. Pour contrer cette pratique qui dépouille certaines juridictions de revenus fiscaux, l’OCDE propose notamment d’établir une règle basée sur les intentions réelles de l’entreprise.
Dans un autre chapitre, l’organisation va encore plus loin en fournissant un modèle de déclaration fiscale que les multinationales seraient invitées à remplir « pays par pays ». Ce formulaire ne serait transmis qu’aux gouvernements concernés et chiffrerait notamment les revenus, les bénéfices et les impôts payés dans chaque cas.
Par-dessus tout, l’OCDE accorde une importance toute particulière aux défis fiscaux que pose l’économie numérique, sans pour autant y répondre de manière concrète. Cette nouvelle réalité économique fait en sorte que des entreprises qui font le commerce des biens immatériels ou intangibles, comme des technologies ou des brevets, peuvent avoir des activités réparties dans plusieurs pays sans qu’un port d’attache clair ne puisse être distingué. Voilà pourquoi le comité qui s’est penché sur la question propose notamment de revoir la définition d’« établissement permanent » et d’introduire la notion de lien d’affaires fondé sur la « présence significative » dans un marché.
Le portrait de cette économie dématérialisée est complexe, explique-t-on en somme, et la solution miracle n’a pas encore été trouvée. Les experts de l’OCDE veulent notamment éviter la double imposition et les lourdeurs administratives. Ils poursuivront donc leurs travaux et déposeront un rapport complémentaire en décembre 2015.
Ce premier bloc de recommandations fera l’objet de discussions lors de la prochaine réunion des ministres des Finances du G20 les 20 et 21 septembre prochains à Cairns, en Australie. Certaines propositions pourraient être modifiées lorsque seront présentés les huit derniers éléments du plan d’action BEPS en septembre 2015. Un comité de l’OCDE tentera ensuite d’organiser une conférence internationale pour atteindre son objectif : mettre en oeuvre une convention qui coordonnerait les efforts de la planète entière en matière de fiscalité.
Au terme de ce processus, il reviendra aux États de décider si les recommandations se traduiront en actions concrètes, et si elles se matérialiseront dans un accord multilatéral, des traités bilatéraux ou des lois nationales. L’OCDE leur sert toutefois une mise en garde. Une action unilatérale menée par quelques pays ne réglera pas le problème majeur auquel l’économie mondiale est confrontée.
ÉVASION FISCALE
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